Les gouttes d'eau qui court-circuitent l'équilibre du marché ?
Alors que le gouvernement envisagerait sérieusement de supprimer l'ensemble de la réduction de la TVA consentie sur une partie de l'abonnement au triple play, l'UFC-Que Choisir s'alarme des conséquences consuméristes d'une telle réforme sur le marché de l'Internet.
L'association déplore des bricolages gouvernementaux visant à financer la création qui, d'une part, font peser de nouvelles charges sur le consommateur, et d'autre part, risquent de déstabiliser le marché de l'internet haut débit français, qui est un des plus compétitifs du monde (car le moins cher et l'un des plus innovants).
Il faut le rappeler : le marché du triple play s'est construit autour d'un compromis. Les FAI bénéficient d'une TVA à 5,5% sur la moitié du prix des forfaits parce qu'ils ont accepté en échange de contribuer au COSIP (le compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels) et autres sociétés de gestion collective (SACEM, SACD, SCAM, etc...). Il s'agissait, d'une part, de rendre l'opération neutre pour les FAI et d'autre part, d'éviter un surenchérissement de l'accès à internet. Mais, appliquer une TVA à 5,5% c'est considérer les FAI comme des diffuseurs. Or, tous les consommateurs n'utilisent pas leur connexion internet pour regarder la télévision car ce n'est pas, bien sûr, l'usage premier de cette technologie. N'ignorant pas l'illégitimité de cette contrepartie, le gouvernement a donc bravé les règles européennes pour imposer ce tour de passe-passe que Bruxelles, logiquement, remet en cause aujourd'hui...
Suite à l'avertissement européen, le gouvernement, plutôt que de remettre à plat l'ensemble du compromis, préfère, crise budgétaire oblige, n'actionner que le seul lever fiscal, faisant des consommateurs les grandes victimes de la réforme !
Cette remise en cause risque d'aboutir à une véritable inflation des prix de l'Internet. Loin de se limiter à 2 ou 3 euros supplémentaires sur la facture des consommateurs (l'impact direct d'une TVA à 19,6% sur l'ensemble du forfait), ce rétropédalage risque de bouleverser l'équilibre du marché.
En effet, la compétitivité prix de l'adsl en France (notamment vis-à-vis de l'Europe) tient au prix de 30 euros, imposé par Free, qui discipline le marché. Répercuter la hausse de la TVA aboutit inévitablement à faire sauter le « verrou » des 30 euros et va donc ouvrir la voie à de nouvelles stratégies de prix. Non seulement les acteurs risquent de répercuter différemment la TVA sur leur abonnement, mais certains pourraient saisir cette opportunité pour augmenter leurs tarifs, en répercutant notamment désormais dans le prix consommateur les différents prélèvements visant à financer l'industrie culturelle, et tirer plus de revenus de l'adsl. A mesure que les prix se différencieront, s'ouvre la perspective d'offres diversifiées, hyper-segmentées et donc incomparables, permettant de nouvelles augmentations de prix. Loin d'être nouvelle en matière de communications électroniques, cette stratégie est celle du marché mobile où la France est parmi les pays les plus chers d'Europe.
Une telle explosion du marché est doublement à contresens de l'histoire numérique. A l'heure où le gouvernement parle d'un service social de l'Internet, comment admettre un tel renchérissement de son accès ? Par ailleurs, c'est quand même un comble de faire du consommateur cybernétique le pompier d'une économie dépassée puisqu'il subventionnera, encore et toujours, des secteurs en déclin comme la vieille industrie de la culture qui refuse de s'adapter à la révolution numérique au mépris de son public.
Au vu des lourdes conséquences qu'elle pourrait avoir, l'UFC-Que Choisir demande donc que la réforme de la TVA sur le triple play fasse l'objet d'une consultation publique des acteurs intéressés et au minimum des autorités de régulation avant toute décision définitive.