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AlimentationPourquoi le prix de la viande augmente

Elsa Casalegno
Grégory Caret

par Elsa Casalegno, Grégory Caret

La viande de bœuf, et plus encore la viande de veau, ont subi une inflation notable depuis 1 an. L’explication principale est démographique : faute de successeurs aux éleveurs qui partent en retraite, le nombre de troupeaux, donc de vaches, diminue. Et les épidémies animales qui s’enchaînent depuis plusieurs années n’arrangent pas la situation.

Les amateurs de côtes de bœuf, de steaks hachés ou de rôtis de veau l’auront noté : le prix de la viande bovine a fortement augmenté depuis 1 an. D’après nos relevés, la hausse est de 10 % entre novembre 2024 et novembre 2025 en grandes surfaces (relevés sur 5 500 drives). Elle est même de 12 % pour le veau.

Cette inflation est directement liée à une pénurie de l’offre de bovins, qui a engendré une forte hausse des tarifs à la production. A priori, c’est une bonne nouvelle pour les éleveurs, qui obtiennent enfin des prix rémunérateurs. Sauf qu’elle dresse, en creux, une situation globale de l’élevage en déclin. En effet, une baisse généralisée des cheptels de vaches, laitières comme allaitantes (races à viande), est à l’œuvre. Ce phénomène s’accélère depuis 2016 : en 8 ans, la France compte 15 % de vaches en moins, soit un recul de 1,1 million de têtes (sur un cheptel de 6,6 millions de femelles en 2024).

La principale raison est le départ en retraite de toute une génération d’éleveurs, sans successeurs pour reprendre leurs troupeaux. Ainsi, seulement la moitié des éleveurs de vaches à viande ont trouvé un remplaçant en 2021, et à peine 40 % des éleveurs laitiers. Jusqu’à présent, ce déficit des vocations était compensé par l’agrandissement des troupeaux existants, mais ce phénomène marque également le pas : les prix payés aux producteurs n’étaient pas assez attrayants.

À cette évolution démographique s’ajoute une succession d’épidémies animales depuis quelques années, favorisées par le réchauffement climatique : la maladie hémorragique épizootique (MHE), la fièvre catarrhale ovine (FCO) et, de façon plus marginale, la dermatose nodulaire contagieuse (DNC). Ces affections ont un impact négatif sur la fertilité des vaches, donc sur le nombre de naissances, mais aussi sur la mortalité des mères et des jeunes. Résultat, il manquait 216 000 veaux en 2024. Et ce mouvement de recul va se poursuivre dans les prochaines années.

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Pour compenser ce déficit de viande, il aurait été possible de faire appel à l’importation, qui pèse le quart de notre consommation et concerne surtout la restauration commerciale et les plats transformés (lire l’encadré). Mais c’est l’inverse qui s’est produit : les importations ont reculé, et les exportations ont augmenté ! En effet, les autres pays de l’Union européenne (UE) sont confrontés aux mêmes problèmes que nous, en pire, avec un déficit encore plus fort de l’offre, et des tarifs qui ont davantage augmenté.

Est-ce que cette évolution pourrait accompagner une baisse de la consommation de viandes rouges, comme les pouvoirs publics le recommandent ? Aujourd’hui, ce n’est pas ce qui se dessine : le déficit est comblé par les viandes provenant d’Amérique du Sud. Sur les 8 premiers mois de 2025, les importations provenant du Brésil, d’Argentine ou d’Uruguay ont grimpé de 14 %, à 250 000 tonnes. Dans ce contexte, l’accord entre l’UE et le Mercosur (lire l’encadré) risque d’accentuer ce mouvement, et de fragiliser à terme la filière hexagonale.

D’où vient ma viande ?

La mention du pays d’origine des viandes de bœuf, de porc, de volaille et d’agneau est obligatoire pour les viandes fraîches vendues dans les commerces (boucheries, grandes surfaces, marchés). C’est également le cas pour les viandes (achetées fraîches, déjà préparées ou utilisées comme ingrédients dans des préparations de viandes) servies en restauration hors foyer : restaurants d’entreprises et cantines, restauration commerciale, mais aussi fast-food et livraisons. En revanche, l’étiquetage de l’origine des viandes sur les plats transformés n’est pas systématique, l’industrie agroalimentaire bénéficiant de diverses dérogations.

Mercosur, un accord à haut risque pour les filières d’élevage

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, mais aussi Emmanuel Macron l’ont annoncé : une signature de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur (1) est imminente. De quoi faire hurler l’ensemble des filières d’élevage, qui s’opposent de longue date à ce traité, tous syndicats confondus. Les éleveurs redoutent en effet l’ouverture des frontières à des contingents importants de viandes sud-américaines, qui concurrenceraient leurs propres productions.

Les quatre membres du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) pèsent un quart de la production mondiale et plus d’un tiers des exportations mondiales. Si l’UE n’est pas leur principal débouché, elle est une cliente importante, principalement pour des viandes haut de gamme. Ainsi, ce sont presque 200 000 tonnes de bœuf qui ont été expédiées en 2023 vers le Vieux Continent, soit 58 % des importations totales de l’UE. Or, l’accord de libre-échange prévoit de créer ou d’augmenter des contingents d’importation à droits de douane nuls ou réduits.

Pour les éleveurs européens, fragilisés par de multiples crises, une hausse de ces arrivages de viandes nettement moins chères ne ferait qu’aggraver leur situation. Pour les défenseurs de l’environnement, cela risquerait d’aggraver la déforestation de l’Amazonie, dont l’une des principales causes est l’élevage bovin. Et concernant les consommateurs, le bien-être animal, la traçabilité des viandes ou l’administration raisonnée d’antibiotiques ou l’absence de pesticides interdits en UE ne sont pas garantis…


(1) Le Mercosur est constitué de quatre membres fondateurs : Argentine, Brésil, Uruguay et Paraguay (le Venezuela, initialement membre, est suspendu depuis 2016). Sept autres pays de la région sont membres associés : Bolivie, Chili, Colombie, Équateur, Guyana, Pérou et Suriname.

Grégory Caret

Grégory Caret

Observatoire de la consommation

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