Morgan Bourven
L’étiquette énergie évolue enfin
L’étiquette énergie fait peau neuve. À partir du 1er mars, plusieurs familles de produits verront leurs performances notées de manière plus sévère, sur une échelle de A à G. Certains emballages contiennent déjà cette nouvelle fiche.
Si vous avez renouvelé un de vos appareils électroménagers au cours des derniers mois, peut-être avez-vous été étonné de trouver, dans son carton, une étiquette énergie – cette fiche qui résume les caractéristiques d’un produit et, en particulier, ses performances énergétiques – différente de celle collée sur l’emballage. C’est le cas de Patricia, de Coulommiers (77), qui a acquis un lave-linge Electrolux en septembre. « À l’intérieur, dans une pochette, étaient insérées l’étiquette énergie (la même que celle apposée sur la machine en magasin), qui classe l’appareil A+++, et une autre fiche, où il écope d’un E. Bizarre, non ? Je suis très surprise et aimerais savoir quelle machine j’ai réellement achetée », nous a-t-elle écrit. Nous l’avons rassurée. Il n’y a rien de bizarre là-dedans, il s’agit plutôt d’un manque de pédagogie de la part de la marque.
L’explication est simple : l’étiquette énergie va prochainement évoluer pour plusieurs familles de produits (lire l’infographie), dont les lave-linge ; Electrolux a pris un peu d’avance en glissant la nouvelle mouture dans ses cartons dès la rentrée dernière, afin de faciliter sa gestion des stocks et le travail des distributeurs. Comme celle-ci n’entrera en vigueur qu’au 1er mars, les vendeurs ont interdiction de l’afficher en rayon avant cette date. À compter de cette échéance, ils disposeront de deux semaines pour remplacer les étiquettes en magasin et sur les packagings des appareils (en collant la nouvelle par-dessus l’ancienne). Mais, puisque les vendeurs ne peuvent pas ouvrir les emballages, les fabricants ont été autorisés à y intégrer les deux versions de manière transitoire. Si Patricia a été surprise, voire inquiète à l’idée d’avoir été trompée, c’est surtout parce que la référence qu’elle avait choisie recevait jusqu’à présent la meilleure note, un A+++, et qu’elle récolte aujourd’hui un E, sur une échelle de A à G. Pour comprendre cette dégringolade, il faut revenir à la création de l’étiquette énergie et aux raisons de sa révision.
Fini, les appareils notés A+++
Lors de sa mise en place, en 1994, la notation énergétique évaluait les performances des produits en la matière, sur une échelle de A à G. Mais, au fil des années, la qualité globale des équipements a progressé. La plupart d’entre eux ont atteint la classe A, voire l’ont dépassée. Pour que les acheteurs puissent continuer à différencier les modèles, les notes A+, A++ et A+++ ont été ajoutées. Tant et si bien qu’en 2017, plus de 90 % des appareils obtenaient un score supérieur à la classe A. En parallèle, les machines les plus énergivores ont été proscrites. L’exemple des réfrigérateurs est révélateur. Les frigos de classe inférieure à A+ (donc, ceux notés de A à G) ont été interdits à la vente en juillet 2012, même si cette échelle figure toujours sur l’étiquette. Un consommateur non avisé qui craque pour une référence dotée d’un A+ risque, par conséquent, de croire qu’il achète l’une des plus performantes du marché, alors qu’il s’agit en fait d’un modèle ayant récolté la moins bonne note !
Pour rendre l’étiquette à nouveau compréhensible pour le commun des mortels, la Commission européenne a proposé de revenir au système initial étalonné de A à G – sous l’impulsion d’organisations environnementales et d’associations de consommateurs, dont l’UFC-Que Choisir, qui réclamaient cette réforme depuis des années. L’efficacité énergétique de tous les équipements concernés a été recalculée en fonction de cette nouvelle échelle. Les auteurs de la révision ne se sont pas contentés de durcir les niveaux attendus, ils ont aussi, parfois, fait évoluer la façon dont ceux-ci sont mesurés. Par exemple, pour les lave-linge, le calcul a été réalisé en lançant un nouveau programme, appelé « éco 40-60 », imposé par l’Union européenne fin 2019. L’efficacité de ce cycle peut varier, comme le montre notre test consacré à diverses machines : les anciens modèles A+++ reçoivent désormais une note s’échelonnant de A à E. C’est ce qui est arrivée à la référence achetée par Patricia, passée de A+++ à E : ses performances globales ne sont pas plus mauvaises qu’avant mais, sur ce mode de lavage, elle n’a pas atteint les objectifs fixés.
Le législateur a souhaité que la classe A soit très difficile à obtenir, voire impossible, à l’heure actuelle, en ce qui concerne certaines familles d’équipements. Cela « afin d’encourager le progrès technologique, d’assurer une stabilité réglementaire, de limiter la fréquence des remaniements et de permettre la mise au point et la reconnaissance de produits toujours plus efficaces », précise le texte de loi européen. Par ailleurs, pour éviter que, dans quelques années, les appareils ne se bousculent en classe A et que le problème de lisibilité ne réapparaisse, le règlement prévoit, cette fois, le durcissement de l’échelle dès lors que 30 % des références se seront hissées dans cette classe, ou que le total des produits notés A ou B dépassera 50 %. Et si certaines catégories sont, à l’avenir, retirées du marché (ce qui sera sans doute rapidement le cas de la classe G), elles devront être grisées sur la fiche pour ne pas induire les acheteurs en erreur.
Des économies d’énergie importantes
Selon la Commission européenne, la révision de l’étiquette énergie pourrait permettre d’économiser, d’ici à 2030, 38 térawatts-heure (TWh) d’électricité par an dans l’Union, soit la consommation annuelle de la Hongrie. Pour son estimation, l’institution se base sur le succès de la précédente étiquette, critère important de choix pour 90 % des Français (enquête Gifam Insight 2018), qui aurait incité les industriels à produire des appareils de plus en plus économes.
Un coup d’œil à nos archives confirme le chemin parcouru. Ainsi, les lave-vaisselle que nous avons récemment testés consommaient, en moyenne, 9,75 litres d’eau par cycle en programme éco. Exactement 11 ans plus tôt, ce volume s’élevait à 13,6 litres (QC n° 474), soit près de 40 % de plus… et il se montait à 27,3 litres en 1994, année de l’instauration de l’étiquette énergie !
Même constat sur les réfrigérateurs combinés qui, toujours en 1994, nécessitaient 1 781 Wh/24 heures, et jusqu’à 4 600 Wh/24 heures pour les modèles américains. Aujourd’hui, un frigidaire de classe A+++ s’avère neuf fois moins énergivore (200 Wh/24 heures environ). On ne s’étonnera donc pas de lire que, dans les années 1990, les appareils « froids » (congélateurs et réfrigérateurs) des logements français représentaient 31 % de leur consommation électrique, hors chauffage. En 2020, selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), le froid et le lavage ne pèsent plus que 18,5 % de la facture d’électricité des ménages. Un vrai progrès.
Comment l’étiquette évolue
La nouvelle étiquette énergie fera son apparition dans les rayons à partir de mars. Seules quelques catégories d’appareils seront alors concernées.
Les familles de produits concernées en 2021
Chronologie
Entretien avec Camille Beurdeley et Patrick Le Dévéhat
Déléguée générale et directeur technique du Gifam
Cette révision était-elle attendue ?
Camille Beurdeley. Cette réforme a été anticipée. Lors de la précédente révision, en 2011, personne n’imaginait des progrès aussi fulgurants : les classes A+++ constituaient une solution intermédiaire. Cette fois, nous disposons de plus de temps devant nous, car les nouvelles règles sont très strictes. Il ne devrait pas y avoir tout de suite d’appareils notés A. Même si nous innovons, les contraintes physiques existent.
Ce mois-ci, nous testons pourtant des lave-linge classés A…
C. B. Les fabricants ont dû travailler d’arrache-pied ! Ils ont connaissance de ces nouvelles exigences depuis plus d’un an.
La réforme a-t-elle été difficile ?
Patrick Le Dévéhat. Oui, parce que la crise sanitaire a perturbé les services R & D et les laboratoires de tests. De plus, les nouvelles exigences sont un défi. Par exemple, la création du programme éco 40-60 des lave-linge a été délicate, car il doit à la fois laver des textiles fragiles et du linge supportant 60 °C. Les fabricants ne pouvaient donc pas trop jouer sur la température : il a fallu réfléchir au brassage, à la quantité d’eau…
Craignez-vous des déclassements ?
C. B. Il faut de la pédagogie, car le client risque de s’inquiéter de voir un produit classé A+++ passer E. Cela montre l’ambition de cette révision : on peut être noté E en consommant deux fois moins qu’il y a 10 ans…