par Fabrice Pouliquen
Litiges gaz et électricitéLe médiateur national de l’énergie recadre Enedis

Le médiateur national de l’énergie, chargé de recommander des solutions aux conflits entre les consommateurs et les opérateurs du secteur de l’énergie, a reçu 11 678 saisines formelles en 2024. Un chiffre en baisse, ce qui n’empêche pas la persistance de pratiques inacceptables. L’instance dégaine trois cartons rouges et rappelle Enedis à l’ordre.
En résumé
- Le médiateur national de l'énergie a enregistré une baisse de 17 % des saisines en 2024 par rapport à 2023, ce qui suggère un léger retour à la normale après la crise énergétique.
- Malgré cette baisse, des pratiques inacceptables persistent chez certains fournisseurs. Wekiwi, Primagaz et JPME ont reçu des cartons rouges pour diverses raisons (démarchage abusif, service client défaillant…).
- Enedis échappe de peu au carton rouge, mais le nombre de litiges le concernant a augmenté, principalement à cause des délais de raccordement et de la gestion des réclamations.
Courant mai, comme chaque année, le médiateur national de l’énergie (MNE), instance chargée de recommander des solutions aux litiges entre les consommateurs et les opérateurs du secteur de l’énergie, publie son rapport d’activité sur l’année précédente.
Celui publié cette année commence sur une bonne note : en 2024, le MNE a reçu 29 460 litiges, dont 11 678 saisines ‒ soit des demandes formelles de médiation. C’est 17 % de moins qu’en 2023. Le début d’un retour à la normale après la crise de l’énergie, accélérée avec l’envahissement de l’Ukraine par la Russie en février 2022, pendant laquelle le médiateur croulait sous les saisines ? L’instance assure en tout cas avoir réduit considérablement le stock de dossiers en cours d’instruction.
Nous restons néanmoins dans « un contexte post-crise encore sensible », note le MNE. « Les consommateurs sont toujours en proie à des litiges concernant les prix, au moment de la souscription ou du renouvellement de leur contrat de fourniture d’énergie ou à cause de mensualisations inadaptées compte tenu de leur niveau de consommation », pointe le rapport. Par ailleurs, des incertitudes persistent, notamment l’instabilité actuelle de la situation géopolitique qui « peut influer sur la volatilité des prix de l’énergie ».

Troisième carton rouge consécutif pour Wekiwi
Quoi qu’il en soit, malgré cette baisse des saisines l’an dernier, des pratiques inacceptables persistent et le médiateur adresse de nouveau des cartons rouges à l’encontre de fournisseurs. Ils sont trois cette année : Wekiwi, Primagaz et JPME. Le premier, que nous conseillions déjà d’éviter en 2020, fait fort en recevant son troisième carton rouge consécutif après ceux reçus en 2022 et 2023. Ce fournisseur de gaz et d’électricité est épinglé pour ses mauvaises pratiques commerciales et notamment des cas de démarchages abusifs et de souscriptions non sollicitées. Par ailleurs, son taux de saisine du MNE (810 pour 100 000 contrats) est 25 fois plus élevé que le taux moyen de tous les fournisseurs confondus.
Primagaz, fournisseur de gaz de pétrole liquéfié, paie, pour sa part, « son incapacité à régler, depuis la fin de l’année 2023, les problèmes liés à son changement de système d’information, son service client quasi inexistant, une assistance souvent injoignable, un espace client fréquemment hors service », liste le MNE. Le taux de saisines de ce fournisseur a été multiplié par cinq l’an passé.
Enfin, JPME, fournisseur d’électricité méconnu, est mis en cause « pour des défauts systémiques de paiement » de ses clients producteurs d’électricité photovoltaïque à qui il s’adresse particulièrement. En septembre dernier, le médiateur a alerté sur les mauvaises pratiques de JPME, allant jusqu’à demander aux pouvoirs publics le retrait de son autorisation d’achat pour revente d’électricité.
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Un bilan pas brillant pour Enedis
Enedis n’était pas loin de compléter la liste, mais échappe de peu au carton rouge. Pour rappel, le gestionnaire public de distribution de l’électricité (filiale à 100 % d’EDF) en avait écopé d’un en 2023. Le médiateur lui reprochait non seulement « le mauvais traitement des réclamations de ses clients concernant leur raccordement au réseau de distribution et la qualité de fourniture d’électricité », mais encore « la dégradation des conditions d’instruction de ces litiges en médiation ». Depuis, la situation s’est quelque peu améliorée. Du moins, le MNE constate qu’Enedis a suivi ses recommandations après son carton rouge de l’an passé. Tout de même, plusieurs de ses positions de principe continuent de « rendre laborieuse la médiation avec lui », souligne le rapport. Il cite par exemple le refus systématique de lisser les consommations en cas de régularisation.
Surtout, le nombre de saisines l’impliquant directement n’a pas faibli, au contraire. Il est passé de 967 en 2023 à 1 182 l’an passé. Les litiges portent sur « des délais trop longs de raccordement au réseau de distribution d’électricité, des renouvellements compliqués des colonnes montantes dans les immeubles, des retards pour la réparation et la maintenance des ouvrages, des litiges particulièrement ardus à régler sur la qualité de fourniture, des consommations d’électricité sans fournisseur qui ont excessivement duré », liste le médiateur, qui donne des cas concrets dans son rapport. Celui par exemple d’un particulier qui a dû patienter huit mois (au lieu de six semaines) avant que l’électricité soit enfin raccordée à son studio de 25 m2, qu’il souhaitait mettre en location. Reconnaissant un délai excessif, Enedis avait alors accepté de verser une indemnisation pour le manque à gagner du propriétaire, mais ce dernier ne l’a toujours pas reçue.
Fabrice Pouliquen