
par Fabrice Pouliquen
par Fabrice Pouliquen
La Commission de régulation de l’énergie évalue à 60,3 €/MWh le coût complet de production du parc nucléaire français pour la période 2026-2028. Cet indicateur est crucial dans le dispositif qui remplacera l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) au 1er janvier. Explications.
Un peu plus de 60 €/MWh : ce mardi, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a publié son évaluation du coût complet de production du parc nucléaire historique sur la période 2026-2028, prenant en compte toutes les installations nucléaires autorisées à produire de l’électricité avant janvier 2026. Ce parc « historique » comprend 57 réacteurs, dont Flamanville 3, l’EPR raccordé au réseau en décembre 2024.
Ce coût de production du nucléaire existant est très proche de celui estimé par la CRE en 2023 (60,70 €/MWh). Ces derniers mois, Emmanuelle Wargon, présidente de cette autorité administrative, avait pourtant anticipé un niveau de « 66 ou 67 € » en prenant en compte l’inflation des dernières années pesant sur les charges d’EDF, rappelle Les Échos. Mais d’autres facteurs, notamment un changement de méthodologie, ont eu un impact baissier, explique la CRE. Quoi qu’il en soit, 60,70 €/MWh est un coût de production très inférieur à celui estimé par EDF, qui le situe plutôt aux alentours de 79,60 €/MWh pour 2026-2028.
Cette évaluation de la CRE ne fait pas les affaires de l’énergéticien, car elle est cruciale dans le fonctionnement du « Versement nucléaire universel » (VNU), dispositif qui succédera à l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) le 1er janvier 2026.
Pour rappel, l’Arenh a été instauré en juillet 2011 pour « partager la rente nucléaire » au moment de l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité. Dans ce cadre, EDF devait vendre jusqu’à 100 TWh par an – soit environ un tiers de sa production d’électricité nucléaire – aux fournisseurs alternatifs concurrents au tarif très avantageux pour ces derniers de 42 €/MWh.
À compter du 1er janvier 2026, EDF vendra la totalité de son électricité d’origine nucléaire sur les marchés, aux prix instables et plus élevés (autour de 62 €/MWh ces temps-ci). Ce nouveau dispositif laisse craindre une explosion des tarifs de l’électricité pour les ménages, dont l’UFC-Que Choisir s’est fait l’écho dans une étude publiée en février dernier (1). Cette nouvelle régulation prévoit une taxation des profits réalisés par EDF sur la vente sur les marchés de gros de sa production électronucléaire, et une redistribution de ces gains aux consommateurs d’électricité. C’est le VNU.
Deux seuils s’appliqueront : l’un dit de « taxation », l’autre d’« écrêtement ». Lorsque EDF écoulera son électricité à un tarif compris entre le seuil de taxation et celui d’écrêtement, les bénéfices de cette vente seront taxés à hauteur de 50 %. Au-delà du seuil d’écrêtement, ils seront taxés à 90 %.
Reste à déterminer le niveau de ces seuils à partir desquels les taxes se déclencheront. C’est là que l’évaluation de la CRE revêt toute son importance. Ce nouveau dispositif prévoit que cette autorité administrative, chargée de garantir le bon fonctionnement du marché de l’électricité, publie au moins tous les 3 ans une évaluation des coûts complets de production du parc nucléaire historique par EDF.
Reste désormais au gouvernement à choisir précisément le seuil de déclenchement dans le cadre des fourchettes fixées dans la loi de finances 2025. Donc entre 5 €/MWh et 25 €/MWh pour le seuil de taxation et entre 35 €/MWh et 55 €/MWh pour le seuil d’écrêtement. Le seuil retenu devra être précisé par décret d'ici la fin de l'année.
Quoi qu’il en soit, la CRE ne s’attend pas à ce qu’un VNU soit appliqué l’an prochain. Pour l’instant, elle estime à 23,7 milliards d’euros les revenus d’EDF générés en 2026 par son parc nucléaire en retenant une hypothèse de production de 360 TWh. Cela revient à un prix de vente de 65,86 €/MWh, soit un peu plus de 5 € de plus seulement que le coût complet du nucléaire historique qu’elle a fixé ce mardi (60,30 €/MWh). Si le gouvernement décidait de placer le curseur tout en bas de la fourchette pour le déclenchement du tarif de taxation (5 € au-delà du coût de production nucléaire évalué par la CRE), il pourrait y avoir un micro reversement. Mais cette hypothèse est peu probable.
1. Si la nouvelle régulation avait été appliquée cette année, les consommateurs auraient payé leur électricité 19 % plus cher, estimait notamment notre étude.
Fabrice Pouliquen
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