Détecteurs de monoxyde de carbone

Des drames évitables

Publié le : 28/05/2010 

Le monoxyde de carbone reste un risque majeur d'intoxications à domicile, et pas seulement dans les logements vétustes. Contrairement aux idées reçues, c'est avant l'hiver qu'il faut penser à l'entretien des appareils de chauffage et au ramonage.

 

« Dites-le à vos lecteurs, l'entretien de la chaudière et le ramonage du conduit d'évacuation sont deux interventions différentes et aussi importantes l'une que l'autre. Les gens se croient protégés dès lors qu'ils font vérifier leur chaudière une fois par an. C'est indispensable mais insuffisant. Il faut aussi faire ramoner le conduit d'évacuation chaque année, même avec une chaudière gaz, insiste Monique Ayoubi, spécialiste des intoxications oxycarbonées au laboratoire central de la Préfecture de police de Paris. Sur les huit derniers décès provoqués par le monoxyde de carbone dans la capitale et les trois départements de la petite couronne dans lesquels nous intervenons, quatre étaient dus à des chaudières raccordées mal entretenues. »

Pourtant, avec la disparition des petits chauffe-eau non raccordés installés dans des cuisines ou des salles de bains mal ventilées qui ont provoqué tant d'intoxications jusque dans les années 90, on aurait pu penser que les intoxications par le CO chuteraient, ce n'est pas le cas. Les raisons changent, le problème demeure. Et contre toute attente, il arrive que des chaudières relativement récentes vendues avec une sécurité antirefoulement soient en cause. Quand on cumule absence d'amenées d'air, conduit d'évacuation encrassé ou bouché, mauvais réglage de l'appareil et conditions météo particulières, que ce soit un temps très froid ou un brusque redoux, tout peut se trouver réuni pour que les gaz de combustion refoulent dans la pièce. « Les études prouvent que 70 % des conduits d'évacuation des chaudières ne sont pas ramonés tous les ans et que 40 % des appareils ne sont pas vérifiés chaque année, poursuit Monique Ayoubi. Les visites de terrain montrent par ailleurs que les gens bouchent souvent les ventilations basses par temps froid, c'est une grosse erreur. »

Détecteurs de CO et de fumée

Ne pas confondre

Attention à la confusion. Les détecteurs de monoxyde de carbone (CO) que nous testons n'ont rien à voir avec les DAAF, les détecteurs avertisseurs autonomes de fumée, destinés à alerter les occupants en cas d'incendie. Si les détecteurs de fumée, qui pourraient bientôt devenir obligatoires, concernent tous les types de logements, ceux qui traquent le monoxyde de carbone sont utiles uniquement dans les appartements et les maisons qui disposent d'un appareil à combustion, autrement dit d'une chaudière, d'un poêle, d'un insert ou d'un chauffage d'appoint dès lors qu'ils fonctionnent au gaz, au fioul, au bois ou au charbon.

De la hotte au chauffage d'appoint

Autre anomalie rencontrée par les spécialistes, les hottes de cuisine raccordées alors qu'il y a également une chaudière murale dans la pièce, un type d'installation d'ailleurs non réglementaire. Au laboratoire central de la Préfecture de police de Paris, aucun doute, on préconise très clairement les hottes à recyclage. « Nous avons eu un décès dû à une hotte raccordée l'hiver dernier, précise Monique Ayoubi. Les entrées d'air de la cuisine étaient bouchées, le fonctionnement de l'extracteur de la hotte a mis l'appartement en dépression, il y a eu inversion de tirage de la chaudière et les gaz de combustion ont refoulé dans le logement. » On pourrait aussi énumérer d'autres causes tout aussi inattendues, comme le chauffage d'appoint utilisé en continu comme mode de chauffage principal, le moteur de la voiture qu'on laisse tourner sans ouvrir la porte du garage ou le barbecue qu'on rentre à l'intérieur parce qu'il fait un temps détestable ! À l'Institut de veille sanitaire (InVS), l'épidémiologiste Agnès Verrier souligne la spécificité de la région Nord, où les poêles et autres appareils à charbon continuent de faire des dégâts. Ailleurs, le défaut d'entretien de la chaudière et le manque d'aération de la pièce sont les facteurs prédominants. Mais, sur tous les cas d'intoxication analysés sur le plan national par l'InVS, seulement 10 % sont intervenus dans des logements jugés dégradés. Le monoxyde de carbone concerne donc tous les types d'habitat.

Par malchance, c'est un gaz inodore et invisible, ce qui le rend d'autant plus dangereux. Ni fumée ni flammes avec le monoxyde de carbone, pas de camions de pompiers arrivant au secours des victimes sirènes hurlantes, ses émanations sont indétectables. Il rend malade et tue en silence. Quand une intoxication grave a lieu, elle se traduit par des vomissements et des nausées. Si jamais elle intervient lors d'un repas ou au moment de la digestion, on pense immédiatement à une intoxication alimentaire. Cela peut être fatal, ces symptômes précèdent de peu l'évanouissement et la mort. La bonne réaction, c'est donc d'ouvrir les fenêtres aussitôt que ces symptômes se manifestent, car si le monoxyde de carbone est en cause, la perte de connaissance est inévitable si l'air de la pièce n'est pas renouvelé. Et à faibles concentrations, le monoxyde de carbone n'est pas plus facile à identifier. Il provoque des symptômes très courants : migraine, nausées, fatigue chronique... Rien qui évoque un gaz toxique a priori. Il est rare que les médecins songent à le mettre en cause.

Pour éviter l'intoxication

Les bonnes mesures

Aucun risque dans un logement correctement ventilé si l'appareil est bien entretenu et le conduit d'évacuation ramoné. Il suffit donc de respecter quelques règles simples pour se protéger.

- Faire ramoner ses conduits d'évacuation chaque année avant la période de chauffe, même avec une chaudière gaz. Avec les autres combustibles, un deuxième ramonage est aussi préconisé au cours de l'hiver. Si le conduit est fissuré, encrassé par les suies, obstrué par un nid d'oiseau, le tirage se fait mal. Rappelons que le ramonage est une opération mécanique qui s'assure de la vacuité du conduit sur toute sa longueur et non une intervention chimique.

- Faire entretenir ses appareils chaque année avant la mise en route pour que la combustion soit correcte.

- Ne jamais boucher les grilles d'aération ou autres entrées d'air, même par temps froid quand la ventilation basse envoie un air glacial sur les pieds.

- Utiliser les chauffages d'appoint en tant que tel, c'est-à-dire quelques heures au plus et pas en continu toute une nuit.

- S'équiper d'une chaudière à ventouse quand les lieux le permettent. Elle fonctionne en circuit étanche, tant pour l'arrivée d'air que l'évacuation des gaz, il est donc impossible qu'elle refoule des gaz de combustion dans la pièce.

Symptômes à surveiller

Dans les années 90, SOS-Médecins avait mené une expérience très instructive. Durant tout un hiver, ses médecins s'étaient déplacés à domicile équipés d'un détecteur de CO. Résultat d'alors : « 87 500 intoxications chroniques pourraient être détectées si l'expérience était généralisée. » Mais elle a été abandonnée ! Trop coûteux, avait jugé le ministère de la Santé. Il existe cependant un signal d'alerte assez fiable. Si les maux de tête, les nausées ou la fatigue ressentis à domicile disparaissent ailleurs, ce n'est pas forcément psychosomatique. Ils peuvent être provoqués par une exposition chronique à petites doses au monoxyde de carbone. Si le logement possède un appareil à combustion, mieux vaut donc s'équiper d'un détecteur.

Pratique

Où placer le détecteur ?

Le détecteur doit être fixé au mur en hauteur, mais au moins 15 cm sous plafond pour que l'air circule. Il faut éviter les pièces humides, les zones de courant d'air et le placer à 1 mètre minimum de l'appareil à combustion. Il peut être installé dans la pièce la plus fréquentée du logement, le séjour où se trouve le chauffage d'appoint par exemple, sur le palier ou dans le couloir qui dessert les chambres.

Détecteurs dangereux

L'UFC-Que Choisir demande leur retrait

Il n'y a rien de pire que se croire protégé quand on ne l'est pas. Les détecteurs Gas Detector et Aviguard - tout comme son équivalent Avidsen - doivent d'urgence être retirés du marché. Ils ne détectent pas le monoxyde de carbone, ce qui est pourtant leur seule raison d'être. L'UFC-Que Choisir a saisi la DGCCRF pour qu'ils disparaissent au plus vite des rayons et qu'une opération de rappel soit organisée auprès du grand public.

Élisabeth Chesnais

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Nadège Mazery

Rédactrice technique