Réforme en demi-teinte en Europe et enlisement en France
Alors que le Parlement européen a adopté aujourd’hui un texte fondamental réformant les règles d’homologation des véhicules dans l’Union européenne, l’UFC-Que Choisir, le Réseau Action Climat et France Nature Environnement regrettent que les législateurs européens ne soient pas allés au bout de la réforme et aient rejeté la création d’une véritable agence européenne de surveillance du marché. Nos associations attendent des États, dont la France, de tirer pleinement les enseignements du scandale du dieselgate.
Un cadre réglementaire défaillant : Pour rappel, début septembre 2015, le groupe Volkswagen a reconnu aux États-Unis avoir équipé certains de ses moteurs diesel d’un logiciel truqué capable de reconnaître le passage du test et de modifier le comportement du moteur. Si les consommateurs américains ont été indemnisés, en Europe, le groupe Volkswagen a refusé jusqu’à présent toute compensation pour les consommateurs affectés, alors même que certains de ses véhicules dépassent de loin les normes européennes en matière d’oxyde d’azote (NOx). Le constructeur s’est appuyé sur les lacunes de la réglementation européenne et le flou entourant l’usage d’un « dispositif d’invalidation » lors des tests.
Par ailleurs, les tests effectués par la Commission technique indépendante mise en place par la Ministre de l’écologie et de l’environnement en juillet 2016 (dite Commission « Royal »), ont démontré les écarts d’autres constructeurs avec la norme européenne en conditions réelles, mettant en évidence le besoin d’une réforme structurelle du système de test. Les défaillances de celui-ci ont également un impact sur les changements climatiques, les émissions de CO2 des véhicules étant en moyenne 42% supérieures en conditions réelles par rapport aux émissions affichées1.
Dans ce contexte, nos trois associations ont appelé dès le départ à une réforme la plus ambitieuse possible de la législation concernant les règles d'homologation des véhicules.
Au niveau européen, des avancées indéniables, mais un manque d’ambition : Le texte adopté aujourd’hui contribuera nécessairement à une amélioration du système existant : inclusion d’objectifs annuels quantifiables (20%) de surveillance du marché par les autorités nationales; renforcement de l’indépendance des services techniques par rapport aux constructeurs ; audits européens ; mise en place d’un Forum avec des observateurs tiers. Nos associations regrettent cependant que les eurodéputés ne se soient pas saisis de cette opportunité pour établir une Agence Européenne de Surveillance des Véhicules, seule à même de garantir une approche harmonisée des essais et de la surveillance du marché.
Au niveau français, une situation qui patine – les membres de la Commission « Royal » attendent une date de convocation qui tarde à arriver plus les élections présidentielles se rapprochent, ainsi que la publication des investigations approfondies. Nos associations appellent à un engagement fort en vue du maintien de cette commission qui doit être dotée de moyens financiers à la hauteur de l’enjeu pour les consommateurs, la santé publique et l’environnement que représentent les émissions polluantes au NOx ou au dioxyde de carbone (CO2).
Maintenant que le parlement européen a pris position, la balle est dans le camp des États membres. Dans ce contexte, et alors même que le laxisme des autorités et les potentiels conflits d’intérêts entre États-membres, constructeurs automobiles et services d’essais privés ont été mis en évidence par l’enquête sur la mesure des émissions dans le secteur de l’automobile, l’UFC-Que Choisir, France Nature Environnement et le Réseau Action Climat demandent :
- aux États membres dont la France, d’abonder dans le sens d’un renforcement de la surveillance du marché automobile et d’adopter rapidement les nouvelles règles d’homologation européennes qui doivent aboutir à la création d’une agence européenne ;
- un appel clair et non équivoque des décideurs français et européens à des sanctions contre les constructeurs fraudeurs et à une compensation des consommateurs lésés ;
- la pérennisation de la Commission technique indépendante au niveau français, essentielle pour lutter contre les tricheries en matière d’émissions.
1https://www.transportenvironment.org/publications/mind-gap-2016-report