Fabienne Maleysson
Une canette, ça va…
Dans un avis rendu public hier, l’Agence nationale de sécurité sanitaire des aliments (Anses) met en garde contre la consommation excessive de boissons énergisantes (Redbull, Monster, Burn…). Elle recommande de ne pas les associer à l’alcool ni à l’activité physique.
Boire du Redbull présente-t-il un risque ? La question, qui vise la marque au taureau mais aussi ses concurrents, revient comme un serpent de mer depuis près de vingt ans. Mais c’est seulement en 2008 que ces boissons ont été autorisées sur le sol français. Quatre ans après, l’Agence nationale de sécurité sanitaire des aliments (Anses) a voulu faire le point et s’est autosaisie de la question à l’été 2012. Parallèlement, elle a appelé les professionnels de santé à lui signaler les effets indésirables suspectés d’être liés à la consommation de ces boissons énergisantes qui obtiennent un succès grandissant : entre 2009 et 2011, leurs ventes ont augmenté de 30 %. La restitution de l’avis a fait l’objet d’une conférence de presse tenue hier matin.
Sur plus de 200 cas analysés par l’Agence, 25 sont « vraisemblablement » ou « très vraisemblablement » dus à la consommation de boissons énergisantes ; dans 54 cas supplémentaires, l’imputabilité est « possible ». Les effets indésirables sont essentiellement cardiovasculaires (troubles du rythme, douleurs thoraciques, etc.) mais aussi psycho-comportementaux (anxiété, crises de panique) ou neurologiques (des crises d’épilepsie ont été signalées, mais en général à la suite de consommations massives). L’Agence fait aussi état de trois arrêts cardiaques dont deux fatals ayant un lien « possible » à « très vraisemblable » avec la consommation de ces boissons. Les victimes présentaient probablement une prédisposition génétique mais l’ignoraient car cette particularité, qui touche un individu sur mille, est en général non diagnostiquée.
Les critiques des experts se sont concentrées sur la teneur non négligeable en caféine de ces boissons : une canette contient en moyenne l’équivalent de deux expressos. Or, du fait des habitudes de consommation, cette présence de caféine peut avoir des effets délétères. Les quantités ingérées sont parfois importantes : si dans une journée, la moyenne des amateurs se contente d’une canette et demi, un quart en consomme plus de deux et 10 % plus de trois. Or, les circonstances dans lesquelles ces produits sont consommés potentialisent leurs effets. La chaleur, le « stress environnemental » (bruit notamment) mais aussi l’effort physique sont des cofacteurs de risques importants, tous réunis lors d’une soirée en boîte de nuit où l’on se déchaîne sur la piste de danse. Or, c’est une des principales occasions de consommation de Redbull et consorts.
Redbull et sport ne font pas bon ménage
Autre circonstance dans laquelle 41 % des amateurs consomment une ou plusieurs canettes : la pratique de sport. Peut-être ces consommateurs confondent-ils les boissons énergisantes avec les « boissons énergétiques », appelées aussi « boissons de l’effort », conçues pour aider à supporter un effort musculaire intense. Une confusion savamment entretenue par Redbull, qui consacre toutes ses dépenses marketing à associer son nom au monde du sport, notamment en sponsorisant des évènements ou des athlètes et même en rachetant une écurie de Formule 1. « Ces boissons ne sont pas faites pour être consommées lors d’un effort physique, contrairement à ce que laissent penser leurs campagnes de promotion », a souligné Marc Mortureux, directeur de l’Anses.
Étrangement, les recommandations de l’Agence n’évoquent pas la présence de taurine et de glucuronolactone dans les boissons énergisantes alors même que leur interdiction jusqu’en 2008 était basée sur la toxicité supposée de ces composés. La moitié des références contiennent de la taurine en association avec de la caféine, un tiers incluent également de la glucuronolactone et les experts s’interrogent : existe-t-il un effet cocktail qui démultiplierait la nocivité de ces trois composés pris isolément ? Cela mérite d’être mieux documenté, ont-ils conclu.
Au-delà des boissons énergisantes, cet avis met en lumière les effets potentiellement nocifs d’une consommation excessive de café : une des recommandations est de « modérer la consommation de boissons caféinées » et pas seulement de boissons énergisantes. Au-delà de quatre à cinq expressos quotidiens, la limite du raisonnable serait atteinte. Là encore, les circonstances modifient la toxicité possible : la chaleur et l’activité physique sont des facteurs aggravants. Prendre un double expresso avant de partir faire un jogging sous le soleil de l’été n’est vraiment pas une bonne idée. « Cela augmente le risque d’accident à la chaleur, a précisé le professeur Xavier Bigard, physiologiste. En revanche, boire du café après l’effort n’a pas d’incidence. » La consommation excessive de sodas au cola (Coca-Cola, Pepsi, etc.) par les enfants a également été évoquée : ils contiennent de la caféine que les plus jeunes supportent moins bien. Évidemment, chez eux, les boissons énergisantes sont à bannir.
Les recommandations de l’Anses
Éviter la consommation de boissons énergisantes en association avec l’alcool ou lors d’un exercice physique.
Être particulièrement vigilant vis-à-vis des apports en caféine, notamment via les boissons énergisantes, pour certains consommateurs : femmes enceintes et allaitantes, enfants et adolescents, personnes sensibles aux effets de la caféine ou présentant certaines pathologies notamment troubles cardiovasculaires, psychiatriques et neurologiques, insuffisance rénale, maladies hépatiques sévères.
Pour l’ensemble des consommateurs, modérer la consommation de boissons caféinées.