Camille Gruhier
Facebook soustrait 70% de ses utilisateurs au règlement européen
Le nouveau règlement européen sur la protection des données personnelles entrera en vigueur le 25 mai prochain. Comme toutes les entreprises qui collectent les données de consommateurs européens, l’américain Facebook devra s’y conformer. Mais l’entreprise, dont le modèle économique repose précisément sur l’exploitation de données à des fins publicitaires, a trouvé une astuce toute simple pour soustraire 1,5 milliard de comptes du champ d’application de la nouvelle loi. Il lui a suffi… de changer l’adresse de son siège social.
Plus que quelques semaines avant que le Règlement général sur la protection des données (RGPD) n’entre en vigueur. Dès le 25 mai prochain, toutes les entreprises dont le siège social est basé en Europe ou dont l’activité cible des consommateurs européens devront s’y conformer. Ce nouveau texte, plus protecteur, exige notamment une information claire des usagers et le recueil explicite de leur consentement concernant l’utilisation de leurs données.
Plus de transparence, moins de données
Ceci ne fait pas les affaires de Facebook, dont le modèle économique repose précisément sur l’exploitation des données de ses utilisateurs. Schématiquement, plus le réseau social collecte de données, plus il est en mesure d’affiner des profils de consommateurs qu’il peut ensuite revendre aux annonceurs publicitaires. Faire preuve de plus de transparence, comme l’y contraint le RGPD, l’expose donc à une baisse potentielle du volume de données collectées : mieux informés, les consommateurs pourraient faire plus attention aux informations qu’ils publient, pardi ! Du coup, Facebook tente de limiter la casse. Pour les utilisateurs européens, pas le choix : le réseau social devra se conformer au règlement. « Nous nous préparons en vue de respecter le RGPD. Cette mise en conformité est déjà bien engagée », précise le réseau social, qui commence d’ailleurs à proposer à ses 360 millions d’utilisateurs européens de nouveaux paramètres de confidentialité.
Petite astuce, grande conséquence
Mais rien ne l’oblige à appliquer le règlement européen à ses utilisateurs non européens ! Or, jusqu’à présent, les utilisateurs d’Afrique, d’Asie, d’Australie et d’Amérique latine, qui représentent presque 70 % de ses abonnés, étaient régis par des conditions générales d’utilisation émises par le siège international de l’entreprise basé… en Irlande. Mécaniquement, ces utilisateurs (1,5 milliard sur les 2,1 milliards au total !) tombaient donc sous le coup du RGPD. Pour les y soustraire, Facebook va simplement modifier l’adresse de son siège social sur les pages de ces utilisateurs. Dans quelques jours, ils seront sous l’égide du siège américain de l’entreprise, qui pourra donc continuer à exploiter leurs données sans rien changer à ses habitudes. Et sans s’exposer à une amende qui, comme le prévoit le règlement, pourrait atteindre 4 % de son chiffre annuel en cas d’infraction.
Scandale Facebook/Cambridge Analytica
De l’inquiétude, mais peu d’impact
Alors qu’il prépare l’entrée en vigueur du règlement européen, Facebook est toujours embourbé dans le scandale Cambridge Analytica. Il y a quelques semaines, on apprenait que cette société d’analyse de données avait mis la main sur les informations de 87 millions d’utilisateurs à travers le monde, sans que Facebook ne s’en inquiète. Sommé par le Congrès américain de s’expliquer, le fondateur de l’entreprise, Mark Zuckerberg, avait reconnu des erreurs mais n’avait finalement apporté que peu d’explications.
Les utilisateurs ne lui en ont manifestement pas tenu rigueur. Un sondage de Which? (l’homologue anglais de Que Choisir) réalisé auprès de 2 068 adultes britanniques révèle que 73 % des utilisateurs n’ont rien changé à leurs habitudes : ils utilisent Facebook exactement comme avant. Seuls 21 % fréquentent moins le réseau social, et 5 % des sondés le consultent… davantage. Pourtant, 89 % affirment que l’affaire Cambridge Analytica les inquiète. Un tiers des sondés ont changé les paramètres de confidentialité de leur compte, mais ils sont un peu plus nombreux (38 %) à n’y avoir même pas songé un instant.
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