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GreenwashingUne réglementation européenne à l’arrêt

Elsa Casalegno

par Elsa Casalegno

Le projet de directive Green Claims a été suspendu sans préavis par la Commission européenne le 20 juin dernier, juste avant sa finalisation. Ce texte devait encadrer strictement les allégations utilisées par les fabricants concernant les biens de consommation, afin de lutter contre le greenwashing. Un recul pour les uns, une opportunité à mieux faire pour les autres.

« Écologique », « neutre en carbone », « préserve la biodiversité »… Dans plus de la moitié des cas, ce genre d’allégations qui figurent sur les publicités ou les emballages de produits de consommation ne sont pas étayées, voire carrément mensongères, d’après la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Comment, dans ce cas, les consommateurs peuvent-ils faire des choix éclairés en faveur de la transition écologique lors de leurs achats ? Pour y remédier, la Commission avait lancé en mars 2022 un projet de directive, dite « Green Claims » (« allégations écologiques »), destinée à encadrer ces mauvaises pratiques, dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe.

« Le projet de loi vise à protéger les consommateurs contre les pratiques de commercialisations environnementales trompeuses », explique le Parlement européen sur son site. Pour utiliser des allégations environnementales, les industriels devraient en apporter les preuves auprès d’organismes de certification accrédités et ce, avant de commercialiser le produit concerné, qu’il s’agisse d’une voiture, d’un vêtement ou d’un aliment. « Le projet de loi vise également à réglementer l'utilisation des systèmes d'étiquetage environnemental en Europe. »

→ Lire aussi : Produits neutres en carbone - Encore et toujours du greenwashing

Hélas, malgré trois ans de travail mené par les législateurs européens, vous allez continuer à lire ces allégations trompeuses ! Pourtant, tout semblait bien engagé, le Parlement européen puis le Conseil des ministres de l’Union européenne (UE) ayant adopté ce texte – avec amendements – en mars et en juin 2024. La directive était donc dans la dernière ligne droite des discussions, dans le cadre du trilogue (réunissant Commission, Parlement et Conseil) depuis janvier 2025. L’ultime réunion était prévue le 23 juin, afin de voter sur une version finale du texte.

Une annulation de dernière minute

Le 20 juin, coup de tonnerre : un porte-parole de la Commission annonce, presque incidemment, en conférence de presse, qu’Ursula von der Leyen, la présidente, compte retirer le projet de directive au motif qu’il va « à l’encontre de son programme de simplification » de la réglementation. Ce type de décision de dernière minute est rare, voire inédit. Mais il s’inscrit dans un contexte de recul généralisé des réglementations environnementales en Europe.

Les conséquences du lobbying des industriels

Cette annonce suscite évidemment un tollé parmi les eurodéputés de Renew (droite libérale), les sociaux-démocrates, les Verts, ainsi que divers acteurs de la défense de l’environnement. Pour eux, il s’agit d’un torpillage par le PPE (droite conservatrice) et le bloc d’extrême droite, qui ont annoncé à Ursula von der Leyen qu’ils s’opposeraient au texte. Faut-il y voir l’influence d’un lobbying appuyé des industriels ? En effet, 14 fédérations européennes de fabricants de divers secteurs – alimentation, spiritueux, jouets, cosmétiques, articles de sport, habillement, emballages, etc. – avaient ouvertement appelé en février à « simplifier, clarifier et rationnaliser » cette directive, afin de « stimuler la compétitivité de l'industrie et les investissements dans l'UE, et à éviter les distorsions de concurrence » ‒ en clair, la vider de sa substance.

Exempter les 30 millions de microentreprises

Face aux protestations, la Commission a rétropédalé, assurant que « le soutien de la présidente à la directive Green Claims n’a pas changé ». Elle pourrait donc revenir à la table des négociations. À une condition : que les « 30 millions de microentreprises, soit 96 % de toutes les entreprises de l'UE », soient exemptées de cette directive.

Une directive devenue une entrave à la transparence

Pour autant, une partie des soutiens au texte initial ‒ scientifiques, associations, mais aussi des entrepreneurs engagés ‒, sont plus partagés. D’après eux, la version finale du texte qui devait être mise au vote le 23 juin, largement amendée, n’avait plus grand-chose à voir avec les objectifs initiaux, au point d’être contre-productive et de constituer elle aussi un obstacle à la transparence recherchée. En particulier, ce texte aurait entravé, voire interdit, l’élaboration de scores environnementaux nationaux ou réalisés par des associations, à l’instar du Planet-Score.

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