ACTUALITÉ
Perturbateurs endocriniens

Une définition bien trop étroite

Les États membres ont voté mardi en faveur de la définition des perturbateurs endocriniens proposée par Bruxelles. Un texte bien insuffisant pour assurer la protection de la santé et de l’environnement, estiment scientifiques et ONG.

Après des années de tergiversations, le texte permettant de définir les perturbateurs endocriniens (PE) et qui doit servir de base pour interdire certains pesticides a été voté mardi 5 juillet par les États membres. La France qui, jusqu’ici, s’était opposée à toutes les propositions présentées par Bruxelles, au nom de la protection de la santé et de l’environnement, a finalement cédé.

Le caractère peu contraignant de ce texte a fait réagir les représentants de la société civile. Monique Goyens, directrice du Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc) a regretté que l’approche de la Commission contredise le principe de précaution et préfère ignorer de nombreux produits chimiques pointés du doigt par les scientifiques pour leur capacité à perturber notre système hormonal. Les mêmes scientifiques, via leurs sociétés savantes (1), avaient réagi en juin à la lecture du projet de texte : « Les critères proposés ne permettront pas d’identifier des perturbateurs endocriniens toxiques pour l’homme et n’assureront pas un haut niveau de protection de la santé et de l’environnement. » Même son de cloche du côté de EDC free Europe (« Pour une Europe sans PE »), une coalition de 70 associations européennes, selon laquelle le très haut niveau de preuve requis rendra l’identification des perturbateurs endocriniens très difficile et renverra la prise de décisions aux calendes grecques.

Exemption pour les pesticides

L’aspect le plus choquant du texte, et révélateur de la puissance des lobbies, est le maintien de l’exemption pour les pesticides conçus pour être perturbateurs endocriniens : ces spécialités échapperaient à l’interdiction. C’est en interférant avec le système hormonal des ravageurs (insectes en particulier) qu’elles agissent. Mais les « organismes non-cibles », autres animaux mais aussi cultivateurs et finalement consommateurs peuvent eux aussi être exposés. Au lieu de classer d’emblée ces pesticides dans la liste noire puisque aucun doute n’existe sur leur caractère perturbateur endocrinien, Bruxelles, contre toute logique, a décidé de leur accorder une faveur sous l’influence du gouvernement allemand, soucieux de protéger les intérêts des fabricants de produits phytopharmaceutiques, Bayer et BASF notamment. Inqualifiable au point que le gouvernement français a annoncé qu’il comptait bien prendre des libertés avec cette exemption. L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) sera saisie pour examen des substances concernées les plus utilisées et, le cas échéant, une interdiction nationale sera prononcée.

Reste le cas des perturbateurs endocriniens présents dans les cosmétiques, emballages alimentaires, jouets et autres produits de consommation courante. Le gouvernement français affirme qu’il va demander à la Commission une interdiction ou une restriction « rapide » de ces substances. Un adjectif qui sonne faux quand les lobbies, par leur travail de sape, font tout pour retarder les décisions contraignantes. Le règlement pesticides exigeant une définition des perturbateurs endocriniens date tout de même de 2009 !


(1) Endocrine Society, European Society for Endocrinology et European Society for Paediatric Endocrinology

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