par Elsa Abdoun
Régimes sans viandeIls sont bons pour la santé

Un rapport d’expertise suggère que les végétariens et les véganes sont moins sujets aux maladies chroniques. Il s’accompagne d’un second document proposant des régimes végétaux optimisés.
Les conclusions de ces travaux étaient très attendues. En mars dernier, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a révélé le bilan de cinq années d’étude des régimes dits végétaux, c’est-à-dire excluant toute chair animale (végétarisme) ou tout produit d’origine animale (végétalisme). « Dans les travaux que l’on a recensés, nous voyons que les végétariens sont, en moyenne, en meilleure santé », résume Perrine Nadaud, adjointe au chef d’unité d’évaluation des risques à l’Anses. Les alimentations végétalisées s’avèrent en effet associées à une moindre probabilité de diabète de type 2, et semblent également limiter le risque de certaines pathologies cardiovasculaires, troubles ovulatoires, cancers ou encore maladies gastro-intestinales et ophtalmologiques. Des bénéfices qui pourraient en partie s’expliquer par de plus grands apports en certains nutriments (notamment les fibres) dans ces populations.
De tels régimes peuvent également présenter des risques. Il apparaît en effet que les végétaliens sont, en moyenne, plus sujets aux fractures osseuses, mais aussi que les fils de femmes végétariennes semblent souffrir plus fréquemment d’hypospadias (une malformation de l’urètre). Le nombre plus important de fractures pourrait être causé « par des apports moins élevés en calcium et en vitamine D », avance Perrine Nadaud. Quant au surrisque d’hypospadias, il trouve, lui, une piste d’explication dans les isoflavones du soja (lire l’encadré).
Bonne nouvelle : il est très probablement possible d’éviter de tels soucis en équilibrant son alimentation. Il suffit, pour cela, de se référer à la seconde partie du travail réalisé par l’Anses : l’élaboration de régimes végétariens et végétaliens « optimisés », à destination des adultes en bonne santé (hors femmes enceintes et allaitantes).

Supplémentation inévitable pour les végétaliens ?
Le résultat obtenu, s’agissant des régimes végétaliens (lire également le tableau), s’avère étonnamment simple. Il implique la consommation quotidienne de fruits, de légumes, de légumineuses, de céréales complètes, de fruits à coque et d’huiles végétales, comme les autorités sanitaires le conseillent déjà à l’ensemble de la population. Les quantités sont juste un peu plus importantes en l’absence de chair animale… Quant aux produits laitiers, l’Anses invite à les remplacer par des alternatives végétales enrichies en calcium, en veillant à « varier [leurs] sources » (lait d’amande, d’avoine…), afin de limiter l’exposition aux isoflavones du soja. Il ne reste plus qu’à saupoudrer les plats de levure de bière, un produit naturellement riche en nutriments, souvent rangé au rayon diététique des supermarchés. Puis à se supplémenter (en sollicitant au préalable les conseils d’un professionnel de santé) en oméga-3, vitamine B12 et vitamine D. L’Anses conclut en effet qu’il est impossible d’atteindre des apports satisfaisants en ces trois micronutriments si l’on ne consomme aucun produit d’origine animale.
Produits laitiers, fruits de mer et poissons gras
Précisons toutefois, pour ceux qui souhaitent végétaliser leur alimentation sans avoir à se supplémenter, qu’une autre option existe. D’après une étude française publiée en 2023, ingérer chaque jour trois belles portions de produits laitiers et leur ajouter, toutes les semaines, une portion de fruits de mer ainsi qu’une à deux autres de poisson gras permettrait de couvrir tous les besoins en micronutriments sans manger ni viande, ni œufs, ni levure de bière, et sans recourir aux compléments alimentaires.
Comment équilibrer une alimentation végétalienne selon l’Anses
Légumes et fruits | 700 grammes/jour Par exemple, 3 portions de fruits et 2 autres, grosses, de légumes |
Légumes secs Lentilles, pois chiches… en limitant le soja | 120 grammes/jour 1 portion |
Féculents et pains Principalement complets | 250 grammes/jour 2 portions |
Oléagineux Noix, amandes… | 50 grammes/jour Une grosse poignée |
Huiles Essentiellement colza, noix et lin | 30 grammes/jour 3 cuillères à soupe |
« Yaourts » et « laits » végétaux enrichis en calcium (varier les sources végétales) | 270 grammes/jour 2 à 3 portions par jour |
Levure de bière ou extrait de levure | 15 grammes/jour 3 cuillères à soupe |
Compléments alimentaires Après avis médical | Vitamine D et B12 Oméga-3 |
Soja - De nouvelles analyses… insuffisantes
Deux autres rapports, publiés en mars par l’Anses intéresseront les végétariens et flexitariens.
Dans le premier, les auteurs ont calculé des limites de sécurité à la consommation d’isoflavones (composés du soja pouvant mimer les hormones) en recherchant, parmi les études disponibles, la dose la plus faible à laquelle apparaissaient des effets indésirables (augmentation du volume de la glande mammaire chez des rats mâles, par exemple), puis en divisant la dose juste inférieure plusieurs dizaines de fois.
Dans le second, les experts ont comparé cette dose « sans risque » aux quantités présentes dans les aliments, et observé que la consommation quotidienne d’un seul produit à base de soja pouvait suffire à la dépasser. Inquiétant ?
Sans aucun doute. Mais « il est important de garder à l’esprit que […] les études faisant état des éventuels effets bénéfiques des isoflavones sur la santé humaine n’ont pas été considérées », écrivent-ils. Car oui, ces molécules pourraient aussi protéger de maladies. À la question « Est-il bénéfique ou délétère de manger régulièrement du soja ? », ce rapport ne permet donc pas de répondre. Ce qui n’empêche pas l’Anses de recommander d’ores et déjà de « varier les sources végétales », par précaution. Santé publique France conseille toujours, elle, d’éviter le soja en cas de grossesse ou d’allaitement, et chez les moins de trois ans.
Elsa Abdoun