BILLET DE LA PRÉSIDENTE
Droit au très haut débit

Un « choix d'ambition » peu ambitieux

Lors des vœux annuels de l’Autorité de régulation des télécoms (Arcep), M. Barrot, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, a annoncé que le gouvernement envisageait la création d’un droit au très haut débit pour tous les consommateurs, et à un prix abordable. Sur le principe, cette initiative ne peut être que saluée, puisqu’elle se rapproche de celle déjà formulée par l’UFC-Que Choisir en 2021, et portée à nouveau par notre association dans le cadre de la dernière élection présidentielle. Pourtant, à y regarder de plus près, le propos tenu par le ministre est on ne peut plus curieux.

La seule information connue pour l’instant est le fait que le gouvernement souhaite fixer le niveau minimal de service à 30 Mbit/s. Là où la curiosité apparaît, c’est que dans la même intervention, le ministre s’est félicité qu’à la fin de l’année 2022, 100 % du territoire français était, selon le gouvernement, déjà couvert d’accès à Internet en très haut débit. Or, le très haut débit commence à… 30 Mbit/s. Autrement dit, garantir un droit au très haut débit n’est pas très engageant, si tout le monde y a déjà accès. Mais peut-être que le ministre a en tête que la réalité sur la couverture fixe est moins réjouissante que celle proclamée par les pouvoirs publics ? Cela ne m’étonnerait pas.

D’abord parce que le gouvernement se base sur les débits maximaux théoriquement disponibles. Or, comme nous l’avons montré dans nos études précédentes sur ce sujet, la qualité réelle des connexions mesurée sur le terrain est souvent nettement inférieure, en particulier pour les technologies hertziennes comme la 4G fixe et le satellite. Ensuite, parce que les problèmes massifs de raccordement à la fibre optique empêchent des centaines de milliers de consommateurs d’être raccordés. Résultat : beaucoup de consommateurs sont toujours privés d’un accès à Internet de qualité suffisante, quand bien même les chiffres officiels sur la couverture en Internet prétendent que pour eux, tout va bien.

J’invite donc le gouvernement à ne pas simplement créer un droit, mais un droit opposable au très haut débit. La différence est notable : avec un droit opposable, si les débits minimaux ne sont pas atteints, les consommateurs devront être en droit d’obtenir des compensations financières de la part des pouvoirs publics ou des opérateurs.

Reste la question de ce que le gouvernement considérera comme « prix abordable ». Je l’appelle à ne pas reproduire le fiasco du « tarif social Internet », proposé en 2011 par M. Besson, à l’époque ministre du Numérique. Ce tarif s’était avéré sans aucun intérêt, car il était en réalité plus cher que de nombreuses offres alors disponibles sur le marché. Pour aller au-delà de l’effet d’annonce, le gouvernement doit impérativement impliquer les représentants des consommateurs dans la définition de cette offre abordable. Nous veillerons alors à ce que cette offre ne soit pas dégradée et que son tarif soit réellement accessible, ce qui est indispensable alors que les opérateurs annoncent des hausses massives de prix.

Alain Bazot

Alain Bazot

Président de l'UFC-Que Choisir

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