Fabienne Maleysson
Sombres constats des pouvoirs publics
Les services des fraudes (DGCCRF) et l’Agence de sécurité sanitaire (Anses) dressent chacun de leur côté des constats inquiétants sur la présence de nanoparticules dans les produits.
Hasard du calendrier, au moment où l’association Avicenn publiait les résultats de ses tests sur la présence de nanoparticules dans divers produits de consommation, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) faisait de même en revenant sur une campagne de contrôles menée en 2021. Son constat est tout aussi accablant : la quasi-totalité des produits cosmétiques analysés (86 % exactement) contenaient des nanoparticules qui n’auraient pas dû s’y trouver. Quelques-unes n’étaient pas étiquetées mais, plus grave, pour la plupart des références, il s’agissait de substances non autorisées. 18 produits de maquillage sur 20 étaient dans ce cas, ainsi que 11 produits solaires sur 13 ! Pourtant, les sanctions ont été très légères. L’action des pouvoirs publics est en effet entravée car l’analyse des nanoparticules est complexe et les procédés ne font pas consensus : « L’absence de méthode d’analyse des nanomatériaux normalisée conduit à de nombreuses contestations de la part des opérateurs », expliquent les services des fraudes.
Impossible de garantir la sécurité des consommateurs
Les particularités des nanoparticules entraînent des difficultés non seulement pour les repérer mais aussi pour évaluer leurs risques. C’est ce que vient de rappeler l’Agence de sécurité sanitaire (Anses) qui a développé une approche spécifique au sujet du dioxyde de titane (additif E171), désormais interdit dans l’alimentation. « Les méthodologies conventionnelles ne sont pas toujours pertinentes pour évaluer les risques potentiels pour la santé des consommateurs des nanomatériaux utilisés dans l’alimentation, souligne l’agence, [car ils] présentent des propriétés et des comportements dans l’organisme différents de ceux observés avec des substances conventionnelles. » Ces comportements aussi divers qu’imprévisibles font qu’il est impossible pour l’heure de garantir la sécurité des consommateurs, regrette l’Anses qui a pu constater « le chemin restant à parcourir pour disposer de toutes les données toxicologiques nécessaires afin d’évaluer correctement un nanomatériau. Il n’a en effet pas été possible de mener à terme l’évaluation des risques de l’additif E171 en l’absence de certaines données. »
Aveu d'échec
Cet aveu d’échec montre l’ampleur des incertitudes au sujet des nanoparticules. Mise devant l’impossibilité d’exercer son rôle de protection de la population, l’Anses « réitère sa recommandation de limiter l’exposition des travailleurs et des consommateurs aux nanomatériaux tant que leur innocuité n’a pu être démontrée, et d’éviter de même la dispersion de ces particules dans l’environnement. Pour cela, l’Agence recommande de favoriser les produits dépourvus de nanomatériaux. » Une recommandation maintes fois répétée mais qui ne semble entraîner qu’une timide prise de conscience de la part des professionnels.