BILLET DE LA PRÉSIDENTE
Envolée prévisible du prix de l’électricité

Mettra-t-elle le Président de la République en tension ?

Alors que l’estimation faite par l’UFC-Que Choisir de la hausse à venir début 2022 du tarif réglementé de vente d’électricité (+ 10 %), largement relayée par la presse et que personne n’a contestée, n’a pas manqué de susciter le légitime émoi des consommateurs, Bérangère Abba, secrétaire d’État chargée de la biodiversité, a indiqué mercredi au Sénat que le relèvement du plafond de l’ARENH (mesure technique demandée par l’UFC-Que Choisir qui, si elle était appliquée, réduirait l’augmentation des factures à 1,5 %) "n’est pas une solution possible" au regard de "risques juridiques", et que d’autres pistes étaient "étudiées" pour "limiter la hausse des prix de l’électricité".

Cette prise de parole ulcérante sur un sujet aussi sensible pour des millions de ménages m’inspire plusieurs commentaires que j’exprimerai le plus sereinement possible.

Tout d’abord, quels sont les risques juridiques évoqués ? C’est pour le moins étonnant que la majorité gouvernementale refuse d’actionner un levier créé par elle-même !

En effet, c’est bien en 2019 que la capacité du gouvernement d’augmenter par arrêté le plafond de l’ARENH (c’est-à-dire le volume de production nucléaire d’EDF vendu à ses concurrents à prix régulé, au bénéfice des consommateurs) a été gravée dans le marbre législatif français. Alors il faut vraiment oser afficher aujourd’hui un tel faux-fuyant pour justifier que Bruno Le Maire ne prenne pas un tel arrêté qui soulagerait le pouvoir d’achat des consommateurs.

S’agit-il de risques par rapport à la Commission européenne que les autorités françaises ne voudraient pas froisser ? Comment expliquer en effet que des membres de la Commission européenne puissent sérieusement priver les consommateurs français des fruits de la compétitivité du parc nucléaire qu’ils ont pourtant financé depuis des décennies via leurs factures ? Mais même dans l’hypothèse où l’aval de la Commission serait jugé nécessaire, les pouvoirs publics français ont-ils au moins, depuis 2 ans que l’UFC-Que Choisir demande cette augmentation du plafond de l’ARENH, fait des démarches concrètes pour faciliter les choses à l’échelon européen ? Sauf preuve du contraire, la réponse est non. Dès lors, je ne saurais admettre que le gouvernement puisse se prévaloir de son inaction passée pour justifier son inaction présente.

Ensuite, et sauf le respect que l’on doit à la secrétaire d’État chargée de la biodiversité, n’aurait-on pas pu légitimement attendre du Président de la République, qui est nécessairement le décisionnaire sur ce sujet, qu’il assume publiquement faire primer l’intérêt d’EDF (qui vend très chèrement sur les marchés internationaux son électricité) sur celui des consommateurs en France ? Il faut croire que le moment de la communication n’est pas venu. Ce moment sera-t-il celui de l’annonce des autres pistes ?

Justement, quelles pourraient être ces pistes ? Jouer sur les taxes et notamment la TVA, mais aussi mettre fin à l’aberration fiscale consistant à assujettir à la TVA les trois taxes et contributions pesant spécifiquement sur l’électricité (aberration qui permet chaque année au gouvernement de ponctionner un milliard d’euros aux consommateurs sur la seule électricité) ? Gageons, puisque cela devient l’échappatoire classique des autorités françaises, qu’elles évoqueront leur incapacité à agir en raison du cadre européen…

Ou peut-être diminuer l’une des trois taxes ? C’est possible, notamment concernant la Taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) dont le montant est de 22,5 €/MWh (HT) et pèse pour 13 % de la facture. Et ce serait doublement juste. D’une part car aujourd’hui les particuliers payent beaucoup plus que les grosses industries consommatrices d’électricité qui bénéficient de réductions, voire d’exonérations. D’autre part car depuis 2017, les montants ne sont plus fléchés pour financer les énergies renouvelables mais abondent directement le budget général.

Mais plus que les mots, ce sont les actions et leur traduction concrète pour le plus grand nombre qui importent. Certains de nos voisins européens, notamment en Espagne, ont déjà pris des mesures, notamment fiscales, pour soulager le pouvoir d’achat de l’ensemble des abonnés à l’électricité… Pour l’heure, la France ne s’est engagée qu’à augmenter le chèque énergie pour les plus précaires… d’une somme qui ne couvre pas même la totalité de la hausse prévisible des prix de l’électricité. Bref, un cautère sur une jambe de bois. J’attends donc avec une extrême impatience de connaître « les pistes » françaises pour l’ensemble des ménages !

Alain Bazot

Alain Bazot

Président de l'UFC-Que Choisir

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