Élisabeth Chesnais
Gaz et électricitéLa concurrence aux oubliettes
C’est la débandade sur le marché du gaz et de l’électricité. Les uns après les autres, les fournisseurs d’énergie retirent leurs offres commerciales, voire matraquent leurs clients avec des hausses insensées. Il faut se rendre à l’évidence, la concurrence sur le marché de l’énergie ne marche que par temps calme.
Alterna avait ouvert le bal dès le mois de septembre en retirant son offre gaz compétitive du marché. Son actionnaire principal Sorégies le justifiait ainsi : « Nos tarifs ultra-compétitifs nous ont fait gagner trop de clients […]. Si nous achetions du gaz maintenant pour approvisionner de nouveaux clients alors que les prix du marché de gros sont au plus haut, nous serions contraints de le vendre à perte. »
Depuis c’est l’hécatombe. Les fournisseurs se retirent du marché les uns après les autres et ne proposent plus aucune offre de gaz ni d’électricité à la souscription. Notre comparateur énergie comptait ainsi 30 offres de moins en quelques jours, et l’hémorragie peut encore s’amplifier. Car si l’ouverture du marché de l’énergie à la concurrence a fait émerger de nombreux fournisseurs, ils sont pour beaucoup issus du monde des affaires ou tout droit sortis d’une école de commerce. Ils n’ont jamais produit le moindre kilowattheure de gaz ou d’électricité, mais ont décidé d’en vendre en s’approvisionnant sur les marchés de gros. Les prix y sont depuis toujours très volatils avec des hauts et des bas, c’était néanmoins rentable en achetant aux moments propices. Or avec la flambée des prix de gros à des niveaux jamais atteints, ce modèle ne fonctionne plus.
Clients abandonnés
Cdiscount et sa filiale GreenYellow ne proposent plus aucune offre, E. Leclerc Énergies non plus. Ce dernier a même abandonné ses clients en rase campagne l’été dernier, les sommant de trouver un nouveau fournisseur avant le 15 octobre 2021. Son objectif était de lancer une nouvelle offre indexée sur les prix de gros à l’automne ! Mauvais timing, il a dû y renoncer. Même Vattenfall, le leader suédois de l’électricité, s’est retiré du marché du gaz.
Quant à Eni, le mastodonte italien du gaz, il a presque jeté l’éponge. Après avoir usé et abusé de méthodes de vente bien peu orthodoxes et même illégales pour engranger un maximum de clients, il se contente désormais de proposer son offre Webeo, à un prix tellement prohibitif qu’il faudrait être fou pour y souscrire. Du côté d’Iberdrola, pourtant producteur d’électricité en Espagne, c’est carrément le double jeu. Il a transmis d’un côté des grilles tarifaires au Médiateur national de l’énergie, en facturant de l’autre ses clients à des prix beaucoup plus élevés !
Grand ménage
Si de petits fournisseurs tentent de tenir, c’est aussi aux dépens de leurs clients, en les assommant à coups de très fortes augmentations. C’est le cas, entre autres, d’Ekwateur, de Mint Énergie, de Planète Oui, de Dyneff, et la liste est loin d’être exhaustive. Ceux qui résistent encore à ce jour pourraient leur emboîter le pas d’ici peu. L’automne 2021 n’a pas fini de faire le ménage sur les marchés du gaz et de l’électricité…
En ces temps d’explosion des prix sur les marchés de gros, seuls ceux qui ont signé des contrats de long terme pour leur approvisionnement ou, surtout, les gros producteurs d’énergie, peuvent résister. C’est exactement ce qui se passe en France avec EDF, qui bénéficie du parc nucléaire historique du pays, ou avec Total Énergies (nouveau nom du groupe Total), l’un des plus gros producteurs de gaz au monde, qui profite à plein de la hausse des prix. Pour Engie, 1er opérateur gazier en Europe, c’est plus compliqué. S’il a de grosses capacités de transport et de stockage de gaz, il n’en produit pas.
Nos conseils
- Si vous êtes en offre à prix fixe, restez-y. Seule exception, un prix nettement surfacturé. Vérifiez-le sur notre comparateur de gaz ou d’électricité.
- Si vous êtes en prix indexé, vérifiez qu’il est toujours inférieur au tarif réglementé.
Si votre contrat arrive à échéance ou si votre tarif est trop élevé :
- Revenez au tarif réglementé d’EDF en électricité.
- Optez pour l’offre classique Tarif gaz de Total Énergies (kWh hors taxes à -5 % par rapport au tarif réglementé en prix indexé).
Et si votre fournisseur de gaz ou d’électricité fait faillite ?
En théorie tout va bien, la loi a prévu un fournisseur de secours, les décrets d’application sont même sortis. Le hic, c’est qu’aucun appel d’offres n’a encore été lancé par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) pour le désigner. Ceci dit, les gestionnaires de réseau, Enedis pour l’électricité, GRDF pour le gaz, continueraient à approvisionner les consommateurs dans un premier temps. Dans un second, les pouvoirs publics devraient faire le nécessaire pour éviter les coupures.
Une nouvelle régulation s’impose
Concernant l’électricité, l’UFC-Que Choisir dénonce depuis de nombreuses années l’absence de régulation permettant un fonctionnement du marché profitable aux consommateurs et appelle à un relèvement du plafond de l’Arenh (dispositif qui permet aux fournisseurs alternatifs d’acheter s’ils le souhaitent, à un prix régulé, de l’électricité produite par les centrales nucléaires d’EDF) empêchant la spirale inflationniste des prix.