Marie-Noëlle Delaby
L’inspection sanitaire sur le qui-vive
Les autorités de contrôle (DGCCRF) ont annoncé par communiqué le retrait de boîtes de lait infantile en poudre Prémilait 1er âge de la marque Prémibio en raison d’un risque de contamination par des bactéries de type Enterobacter sakazakii. Aucun cas d’enfant malade n’a été signalé pour l’heure. Mais dans un climat de tension lié au scandale Lactalis, la préfecture a jugé préférable de retirer l’ensemble des lots malgré des mesures déjà prises par l’usine dès fabrication en octobre dernier et une précédente visite des services sanitaires en décembre.
En raison d’un risque de contamination par des entérobactéries de type Enterobacter sakazakii, la marque Prémibio appartenant au groupe Noergie rappelle des boîtes de lait infantile Prémilait 1er âge appartenant au lot no 257 (numéro indiqué sous la boîte) et portant la date limite d’utilisation optimale (DLUO) 14-09-2020. Celles-ci étant fabriquées dans une usine de Vendée et distribuées par Lou Bio, le rappel est orchestré de concert avec les autorités sanitaires de la préfecture de la Vendée. Il concernerait 2 000 boîtes selon la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), « bien moins » selon un responsable de l’usine contacté par nos soins qui précise que le retrait en magasin a eu lieu dès le 25 avril, avec destruction immédiate des lots « pour éviter tout risque de remise en rayon ».
Des mesures plus sévères suite à l’affaire Lactalis
Cette mesure de rappel fait suite à un contrôle « exceptionnel » de l’usine en avril 2018 par la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) de Vendée. Suite au scandale de l’affaire Lactalis, un plan de contrôles spécifique des établissements fabriquant des poudres de lait pour bébé a été mis en œuvre en janvier 2018.
Dans un communiqué paru le 25 avril, la DGCCRF précise qu’en octobre 2017, des autocontrôles menés par Noergie dans son usine avant la commercialisation avaient mis en évidence la présence d’Enterobacter sakazakii dans des échantillons de produits appartenant au lot no 257. En conséquence, Prémibio avait procédé à des analyses complémentaires pour déterminer les boîtes concernées dans ce lot et décidé de ne pas les commercialiser.
Lors de son contrôle d’avril, la DDPP a considéré que les éléments présentés par l’entreprise n’étaient pas suffisants pour exclure la contamination du reste du lot. Informée de cette position de l’administration, Noergie a donc ordonné le retrait et le rappel de l’ensemble du lot et a informé ses clients.
Un revirement de la DDPP mal compris par le fabricant
Contacté par nos soins, le directeur technique de Noergie Yves Berjonneau prend cette mesure comme un « revirement » de la part des autorités sanitaires. « Le site avait déjà fait l’objet d’une inspection en décembre 2017 qui avait alors établi le reste de la production comme apte à être commercialisée. Mais la DDPP a soudainement décidé de renforcer les critères, remettant en cause notre méthode d’échantillonnage des lots », précise l’ingénieur qui souligne qu’aucun des lots mis sur le marché n’a été jugé non conforme par les autorités sanitaires. « Changer les règles en cours de jeu nous porte forcément préjudice », souligne le responsable de la chaîne qui regrette cette « mauvaise presse ».
De son côté, la DDPP se montre drastique, estimant que l'entreprise doit revoir sa procédure de gestion des non-conformités. Pour rappel, lors de leur audition par l’Assemblée nationale mi-avril 2018, la directrice de la Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) de Mayenne (où se trouve l’usine de Craon propriété de Lactalis à l’origine du scandale des laits contaminés à la salmonelle) Laurence Deflesselle avait rappelé la situation de sous-effectif récurrent au sein des services de la DDPP. Avec pour conséquence un nombre restreint de contrôles des usines. Soit à peine 18 entre 2005 et 2017 sur le site de Craon malgré une contamination avérée du site à la salmonelle en 2005, ayant rendu malade des centaines de jeunes enfants.
Infection rare mais potentiellement grave
Dans le cas présent, la source de contamination est Enterobacter sakazakii de la famille des Enterobacteriaceae. Au même titre que les autres entérobactéries (E. coli, salmonelles), elles sont généralement présentes dans le milieu naturel et dans le tube digestif de l’homme et peuvent se transmettre par des mains souillées. À des degrés variables, elles peuvent devenir agressives pour l’homme si elles sont présentes en quantité trop importante ou si le sujet est fragilisé. Dans un rapport de 2004, l’Institut national de veille sanitaire (désormais Santé publique France) estimait les cas d’infection à E. sakazakii comme rares mais souvent liées à des préparations en poudre pour nourrisson et pouvant entraîner des complications graves voire mortelles (méningites et bactériémies) chez les nouveau-nés prématurés ou de très petit poids (moins de 2 kg). Deux nouveau-nés prématurés étaient décédés en France des suites d’une contamination de ce type la même année. Ils avaient tous deux consommé des laits reconstitués à partir d’une même préparation en poudre de marque Pregestimil (laboratoires Mead Johnson) produits aux Pays-Bas.
Pour l’heure, aucun cas d’infection à Enterobacter sakazakii n’a été rapporté aux autorités sanitaires. Toutefois, l’apparition d’une fièvre persistante chez l’enfant dans les 15 jours suivant la consommation de ce produit doit conduire les parents à consulter un médecin dans les meilleurs délais.