Action de groupe
Analyse et demande de l'UFC-Que Choisir
Publié le :
13/10/2006
Comme le prouve l'opération Cartelmobile, l'introduction dans notre droit d'une véritable action de groupe est plus urgente que jamais. L'UFC-Que Choisir propose un projet très avancé, beaucoup plus protecteur pour les consommateurs que le texte présenté par le gouvernement.
SOMMAIRE
- 1. 1. L'absence de procédure adaptée au contentieux de masse
- 2. 2. L'efficacité de l'option d'exclusion
- 3. 3. Les faux arguments à l'encontre d'une vraie action de groupe
- 4. II. Les carences et malfaçons du projet de loi introduisant une prétendue « action de groupe »
- 5. 1. Un mécanisme complexe et ingérable qui n'a rien à voir avec une véritable action de groupe
- 6. Une procédure en deux étapes qui laisse le consommateur « isolé » :
- 7. 2. Un champ d'application trop restrictif
- 8. III. L'appel massif en faveur d'une véritable action de groupe
- 9. 1. Le vrai visage d'une action de groupe
- 10. 2. La véritable action de groupe proposée par l'UFC-Que Choisir bénéficie aujourd'hui d'un soutien massif
Un constat : la nécessité d'une vraie action de groupe
1. L'absence de procédure adaptée au contentieux de masse
La massification de notre économie avec la multiplication des contrats d'adhésion a profondément changé le visage du contentieux français. Comme l'a souligné le Président de la République en janvier 2005, faute de procédure efficace à la disposition des consommateurs et de leurs associations, une multitude de textes législatifs et réglementaires prévoyant des sanctions en cas de comportements abusifs ou illicites des professionnels ne sont pas appliqués.
- La juxtaposition d'actions individuelles dans une même instance est ainsi synonyme de lourdeurs, de difficultés, voire d'impossibilité de gestion pour ceux qui ont la charge de ces dossiers ainsi que pour le tribunal.
- L'action en représentation conjointe à la disposition des associations de consommateurs n'a, quant à elle, rien d'une action de groupe. Il s'agit simplement d'une procédure par laquelle l'association en lieu et place de l'avocat se charge de collecter des mandats des consommateurs et de juxtaposer les dossiers individuels qu'elle déposera au tribunal. Une nouvelle fois, la gestion de ces dossiers individuels est impossible dès lors que le nombre de consommateurs victimes est important.
- Les actions pour la défense de l'intérêt collectif des consommateurs ne bénéficient pas directement aux consommateurs malgré les résultats favorables obtenus des tribunaux.
Quel que soit le caractère symbolique des condamnations obtenues, les dommages et intérêts récupérés sont très éloignés du bénéfice frauduleux retiré par l'entreprise.
2. L'efficacité de l'option d'exclusion
A l'appui de l'efficacité des systèmes québécois et portugais, il nous est apparu que la procédure permettant à une association de consommateurs d'agir pour le compte de toutes les victimes sans qu'elles aient à se manifester (option d'exclusion) avec un champ large était le mécanisme idéal pour répondre aux objectifs d'efficacité et d'effectivité :
- Elle garantit un réel accès des victimes à la justice, et par là même une réparation juste et effective à l'ensemble des consommateurs lésés par des pratiques abusives ou illicites.
- Elle évite les difficultés de gestion pour le demandeur et pour le tribunal (en effet les membres du groupe ne se font connaître qu'à l'issue de la procédure et non pas en amont).
- Elle a par ailleurs un réel effet dissuasif sur l'entreprise puisque celle-ci est contrainte de restituer la totalité du bénéfice frauduleux ou illicite.
Pour résumer, l'action de groupe ne fait pas que réparer des injustices, elle redonne au droit, comme le précise justement le Conseil de la Concurrence dans son rapport général 2005, toute son effectivité et, par là même, son pouvoir de régulation.
3. Les faux arguments à l'encontre d'une vraie action de groupe
Malgré ces mérites incontestables, les éternels réfractaires trouvent à redire... Certains dénoncent une américanisation de notre droit... Faut-il ici rappeler que la class action n'est pas une exclusivité américaine et que le système judiciaire américain n'est en rien comparable à notre système juridique ? Point de jurys populaires, point de magistrats élus, point de dommages et intérêts punitifs... Ces quelques éléments devraient suffire à rassurer les plus craintifs.
D'autres avancent le frein à la compétitivité des entreprises. L'action de groupe n'a absolument rien à voir avec cette notion, ni même avec la nécessaire protection des consommateurs mis en avant par le gouvernement dans ses dernières communications... Il ne s'agit pas de protéger les faibles contre les puissants mais de mettre en place les moyens permettant aux consommateurs de faire valoir des droits déjà existants, rien que ces droits mais tous ces droits. Le vrai gagnant n'est donc pas le consommateur, ni même l'entreprise, mais le droit.
Enfin, certains évoquent les atteintes aux principes constitutionnels. Pourtant, de nombreux professeurs de droit, notamment d'éminents constitutionnalistes, soulignent que l'option d'exclusion ne contrevient pas à ces principes, et notamment à celui de la liberté d'agir en justice fréquemment invoqué. Dès lors qu'est laissée aux membres du groupe la possibilité de s'exclure à tout moment de la procédure, ce principe est respecté. En outre, les droits de la défense, invoqués à l'encontre du système, doivent être envisagés en situation. Par essence, l'action de groupe n'est pas une procédure fortement asymétrique de nature à menacer l'équité du procès. Il est très peu probable, voire irréaliste, qu'un professionnel puisse réellement soulever un moyen spécifique contre un seul consommateur appartenant à un groupe dont l'homogénéité a été vérifiée par le juge. Enfin, le Conseil Constitutionnel a rappelé qu'il fallait concilier les normes à valeur constitutionnelle entre elles. Dès lors, il faut apprécier les éventuelles entorses au principe du droit de la défense au regard du principe de l'accès au droit et au juge qui grâce à l'action de groupe ne restera pas lettre morte.
Plus d'un an après la déclaration du chef de l'Etat, le Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie au terme d'un long débat, agité et passionné, est sur le point de déposer au Parlement un projet de loi introduisant une fausse « action de groupe » en droit français. En outre, et quelle que soit la sémantique, ce projet de loi est aux antipodes du modèle que nous proposons et, par là même, des objectifs d'efficacité et d'effectivité du droit mis en avant par le Président de la République.
II. Les carences et malfaçons du projet de loi introduisant une prétendue « action de groupe »
1. Un mécanisme complexe et ingérable qui n'a rien à voir avec une véritable action de groupe
Une procédure en deux étapes qui laisse le consommateur « isolé » :
Alors que l'objectif principal est de permettre à tous les consommateurs victimes d'un même préjudice d'être justement réparés, le projet de texte préparé par le gouvernement, sans concertation avec les associations, invente une usine à gaz invraisemblable : sur la base d'une décision constatant la responsabilité d'un professionnel, chaque consommateur devra individuellement « négocier » son indemnisation avec ce professionnel et, en cas d'échec, saisir la justice individuellement pour se prévaloir de la décision rendue précédemment.
Une procédure ingérable par les associations de consommateurs, les entreprises et les tribunaux :
- L'opération cartelmobile montre que les associations de consommateurs ne peuvent supporter économiquement et humainement la gestion de plusieurs milliers de dossiers.
- Les entreprises qui devront répondre aux très nombreuses demandes d'indemnité qui leur seront adressées connaîtront, elles aussi, les mêmes difficultés de gestion.
- Compte tenu du maintien des actions individuelles, l'encombrement des tribunaux, déjà dénoncé par les justiciables et les praticiens, ne fera que croître.
2. Un champ d'application trop restrictif
L'action de groupe proposée par le gouvernement ne répond pas à l'objectif d'efficacité énoncé par le Président de la République puisqu'elle exclut :
- les litiges nés de pratiques anticoncurrentielles, comme ceux de l'opération « Cartelmobile »
- les dommages corporels, comme ceux consécutifs à l'usage d'un produit défectueux, etc...
- les litiges nés de la formation du contrat (vices du consentement), comme ceux liés à la souscription forcée d'un contrat
- les litiges dont le montant est supérieur à 2000 euros
III. L'appel massif en faveur d'une véritable action de groupe
1. Le vrai visage d'une action de groupe
L'UFC-Que Choisir rappelle qu'une véritable action de groupe doit obéir à 3 principes directeurs :
- Elle porte sur « tous les préjudices subis par les consommateurs » : la définition juridique d'un acte de consommation pouvant admettre une pluralité d'interprétations qui concourent à son ambiguïté, la mention de « préjudice subi par les consommateurs » pour évoquer le champ d'application de cette procédure doit être privilégiée.
- Elle exige l'option d'exclusion : offrant un accès à la justice à un groupe de consommateurs en une seule procédure, seule l'option d'exclusion permet de réparer l'ensemble des préjudices subis et en conséquence de récupérer l'ensemble des sommes indûment perçues par les entreprises s'étant livrées à des pratiques abusives ou illicites; et ce, sans encombrement des tribunaux. La seule existence de l'action de groupe constituera un garde fou au développement des pratiques illicites, qui s'avèrent lucratives pour les professionnels.
- Elle doit être placée sous le contrôle constant du juge : le juge est omniprésent de la recevabilité à la répartition des sommes. Il fixe les conditions de la publicité. Afin d'éviter les recours abusifs, le juge doit vérifier que l'action de groupe est la procédure la plus adaptée à la réparation des préjudices subis, et renvoie, à défaut, sur une autre procédure.
En mettant fin à la prime actuelle à la violation de la Loi, l'action de groupe ne fait pas que réparer des injustices, elle redonne au droit, comme le précise justement le Conseil de la Concurrence dans son récent rapport, toute son effectivité et, par là même, son pouvoir de régulation.
2. La véritable action de groupe proposée par l'UFC-Que Choisir bénéficie aujourd'hui d'un soutien massif
La véritable action de groupe à la française est aujourd'hui réclamée par :
- 7 associations de consommateurs représentatives (CLCV, la CNAFC, la CSF, Familles de France, Familles Rurales, l'UFC-Que Choisir, et l'UNAF)
- Le Conseil National de la Concurrence ( rapport général 2005, avis du 21 septembre 2006)
- plus de 120 personnalités du monde politique, universitaire et judiciaire mais aussi économique (cf. « appel des 100 en faveur d'une véritable action de groupe à la française » publié le 6 juillet 2006)
- des dizaines de milliers de consommateurs qui ont adressé un tract-pétition à leur député.