Biocarburants
Constats et propositions cadres de l'UFC-Que Choisir
Publié le :
10/01/2007
Sous l'angle global de la politique énergétique et de la réduction de la dépendance au pétrole que l'UFC Que Choisir propose 7 constats et 5 propositions cadres relatifs aux biocarburants.
SOMMAIRE
- 1. I - Les 7 constats de l'UFC-Que Choisir
- 2. 1- Absence de consensus scientifique sur la pertinence des biocarburants actuels
- 3. 2- Une quasi-certitude : en France le biodiesel est plus intéressant que l'éthanol
- 4. 3- L'éthanol à base de canne à sucre est très supérieur à l'éthanol à base de céréales
- 5. 4- La seconde génération de biocarburant, à partir de la biomasse, ouvre des belles perspectives
- 6. 5- Un puissant avantage fiscal payé par le consommateur
- 7. 6- Un avantage fiscal démesuré qui octroie une rente pour le producteur
- 8. 7- Un avantage fiscal démesuré au regard des bénéfices énergétiques et environnementaux
- 9. II - Les cinq propositions cadres de l'UFC-Que Choisir
- 10. 1- Organiser une conférence de consensus scientifique
- 11. 2- Aujourd'hui en France : privilégier la filière de « biodiesel - oléagineux » plutôt que la filière « éthanol - céréales »
- 12. 3- Aujourd'hui : ouvrir le débat de l'importation d'éthanol en provenance du Brésil
- 13. 4- Demain en France : favoriser la filière biomasse pour la production de biocarburants
- 14. 5- Diminuer et moduler l'avantage fiscal accordé aux biocarburants
I - Les 7 constats de l'UFC-Que Choisir
Il faut rappeler que le développement des biocarburants n'est pas une fin en soi. Ce qui compte c'est de parvenir à réduire notre dépendance au pétrole.
En effet, depuis trois ans, le pétrole connaît une inflation très marquée et structurelle (+ 26 % entre janvier 2004 et janvier 2007). Pour maîtriser son budget énergétique, la seule solution pour le consommateur est de maîtriser sa demande. Cela passe par une baisse des usages d'énergie fossile, comme le transport automobile ou le chauffage au fioul par exemple, et par un recours aux énergies alternatives.
Certains biocarburants, comme le biodiesel ou l'éthanol à base de canne à sucre, peuvent contribuer à cette maîtrise dès aujourd'hui et d'autres, ceux à base de biomasse, pourront accroître encore dans le futur cette contribution. Il reste que ce moyen est à la fois significatif et assez secondaire. Il est donc fondamental de faire l'effort sur d'autres leviers de la réduction de la dépendance pétrolière qui sont aussi ou plus décisifs que les biocarburants : les transports en commun, les moteurs économes et le fret ferroviaire par exemple.
C'est sous cet angle global de la politique énergétique et de la réduction de la dépendance au pétrole que l'UFC Que Choisir propose sept constats relatifs aux biocarburants :
1- Absence de consensus scientifique sur la pertinence des biocarburants actuels
Le bilan écologique et énergétique « officiel » de l'Ademe est très contesté par l'Institut national de la recherche agronomique qui s'appuie lui-même sur une étude de la Commission européenne. Aux Etats Unis, la controverse scientifique est au moins aussi intense. Elle porte notamment sur le rendement énergétique de l'éthanol à base de céréales ou de betteraves qui, selon plusieurs études, serait très faible. A l'évidence, il y a une réelle cacophonie scientifique sur ce sujet. La position du gouvernement français, qui s'appuie seulement sur l'écobilan de l'Ademe, est exagérément optimiste.
2- Une quasi-certitude : en France le biodiesel est plus intéressant que l'éthanol
Dans ce contexte d'incertitude scientifique, il apparaît tout de même que le diester, ou biodiesel, fabriqué en France à partir de produits oléagineux, présente un bien meilleur rendement énergétique que l'éthanol fabriqué en France à partir de céréales ou de betteraves. Pour résumer, l'intérêt de développer une filière de biodiesel est assez évident alors que la filière éthanol présente peu d'intérêt pour le consommateur et pour l'environnement.
3- L'éthanol à base de canne à sucre est très supérieur à l'éthanol à base de céréales
L'éthanol à base de canne à sucre, qui est notamment fabriqué au Brésil, présente un bilan écologique nettement supérieur à l'éthanol à base de céréales. En effet, l'éthanol à base de canne à sucre coûte par litre de carburant 15 à 20 centimes de moins que l'éthanol à base de céréales.
Tant la rationalité économique qu'environnementale devrait donc conduire à encourager la production de biodiesel en France, et à envisager l'importation d'éthanol à base de canne à sucre.
4- La seconde génération de biocarburant, à partir de la biomasse, ouvre des belles perspectives
Une autre façon de produire du biocarburant consiste à s'appuyer sur la biomasse. Elle présente l'avantage d'utiliser l'ensemble du végétal, et non une partie, et donc d'offrir à terme un meilleur rendement énergétique et économique. Cette seconde génération n'est pas encore mature mais, de l'avis de tous les scientifiques, elle devrait permettre d'accroître le rendement de ce produit. Cette seule perspective prête à penser que, sur le moyen ou long terme, les biocarburants constituent bien une voie d'avenir pour contribuer à réduire notre dépendance au pétrole.
5- Un puissant avantage fiscal payé par le consommateur
Le biocarburant bénéficie de deux puissants avantages fiscaux :
1- Le paiement d'une écotaxe TGAP sur le carburant fossile qui, en 2010, devrait engager près de 5 centimes au litre et un total de 2,4 milliards d'euros,
2- La défiscalisation pour plus de moitié de la TIPP qui en 2010 devrait représenter un manque à gagner pour l'Etat de 1,2 milliard d'euros.
6- Un avantage fiscal démesuré qui octroie une rente pour le producteur
Tous les rapports officiels, du Ministère de l'Industrie à l'INRA, démontrent que l'avantage fiscal a été calculé avec un baril de pétrole à 30 dollars. Le calcul se fonde donc sur un écart de compétitivité très important entre le biocarburant et le carburant fossile. Le baril fluctuant, semble-t-il de façon structurelle, entre 55 et 75 dollars, l'écart de compétitivité s'est réduit et l'avantage fiscal, qui n'a pas été modifié, est désormais bien trop élevé.
Le problème immédiat que pose ce mauvais ajustement est qu'il fournit une rente pour le producteur : celui-ci sait que même s'il augmente son prix de vente et constitue une forte marge son produit sera plus compétitif que le carburant fossile. Le Ministère de l'Industrie constate déjà que « la société Diester industrie, qui bénéficie en 2005 de 90 % des agréments de fabrication d'ester en France, a pu proposer à tous ses clients une hausse significative du prix de l'ester par rapport au prix habituellement facturé. Le prix de vente ainsi fixé excédera significativement le prix d'équilibre de fabrication du biocarburant. »
Dans ce contexte, l'avantage fiscal payé par le consommateur sert pour une part importante à procurer une marge injustifiée au producteur.
7- Un avantage fiscal démesuré au regard des bénéfices énergétiques et environnementaux
Il faut aussi considérer le coût d'opportunité d'une telle dépense collective. Sur ce point encore, les constats sont très critiques. L'INRA estime que « le bilan coûts-avantages de la filière calculé pour 2010, avec un prix du pétrole estimé à 65 dollars/baril, est proche de zéro. Si l'on tient compte de la valeur monétaire attribuée aux réductions des émissions de CO2 (20 euros/tonne CO2), le bilan devient légèrement positif ».
Le rapport du Ministère de l'Industrie affirme lui aussi que « l'effort budgétaire envisagé au seul titre de la défiscalisation est tout à fait considérable(...) : 50 000 euros par emploi créé ou maintenu dans les hypothèses les plus optimistes, 600 euros par hectare concerné, 180 euros par tonne de CO2 économisé ». L'évaluation en terme de coût d'opportunité est importante car tout euro investi dans les biocarburants ne l'est pas dans d'autres alternatives au pétrole.
II - Les cinq propositions cadres de l'UFC-Que Choisir
1- Organiser une conférence de consensus scientifique
Il est aujourd'hui impossible de pouvoir statuer de façon fiable sur les bilans écologiques et énergétiques des biocarburants. Les pouvoirs publics doivent donc procéder à des expertises supplémentaires et ensuite organiser une conférence de consensus scientifique qui associera tous les grands organismes de recherche concernés (Ademe, IFEN, INRA etc). La politique en matière de biocarburants s'effectuera sur les fondements de cette conférence de consensus.
2- Aujourd'hui en France : privilégier la filière de « biodiesel - oléagineux » plutôt que la filière « éthanol - céréales »
Si les bilans écologiques et énergétiques sont incertains, il apparaît tout de même que la filière de biodiesel à base d'oléagineux présente un avantage comparatif très net sur celle de l'éthanol. Elle bénéficie d'un meilleur bilan écologique, d'un meilleur rendement énergétique et d'une meilleure adéquation avec la ressource en eau. Elle est aussi plus rentable économiquement ce qui profitera au consommateur et au budget de la politique énergétique de l'Etat.
3- Aujourd'hui : ouvrir le débat de l'importation d'éthanol en provenance du Brésil
La concentration sur la filière de biodiesel laisserait démunis les consommateurs d'essence et présente des limites d'un point de vue quantitatif. Pour pallier ce manque, il est judicieux de s'approvisionner en éthanol du Brésil qui est nettement moins coûteux pour le consommateur que l'éthanol européen. Si l'éthanol brésilien à base de canne à sucre bénéficie de meilleurs bilans énergétiques, une étude officielle doit faire le point sur les conséquences du développement de cette culture sur les ressources en eau et l'épuisement des sols.
4- Demain en France : favoriser la filière biomasse pour la production de biocarburants
La seconde génération de biocarburants, à base de biomasse, présente de bien meilleures perspectives en terme de bilans écologiques et énergétiques ainsi que du point de vue économique. Il convient de ne pas verrouiller le système français sur la seule première génération de biocarburants et de soutenir l'effort de recherche et développement en faveur de la seconde.
5- Diminuer et moduler l'avantage fiscal accordé aux biocarburants
Les produits biocarburants français bénéficient d'une défiscalisation et d'une taxe sur la consommation nettement supérieure à leur écart de compétitivité avec le pétrole. Cet avantage fiscal fournit une rente au producteur, grève le budget des consommateurs et limite les possibilités de financement des autres leviers de diminution de la dépendance au pétrole.
La modification de ces avantages fiscaux permettra à la fois d'éviter ce transfert de ressources injustifié entre les consommateurs et les producteurs de biocarburants mais aussi de hiérarchiser les biocarburants selon leur pertinence économique et environnementale.
L'UFC-Que Choisir demande globalement de diviser par deux la défiscalisation TIPP et de moduler cette défiscalisation sur des critères écologiques. Le biodiesel, parce que plus favorable sur le plan environnemental, doit être plus défiscalisé que l'éthanol.
Concernant la taxe sur la consommation (TGAP), si son principe est positif, le montant retenu est trop élevé au regard de l'écart de coût entre le biocarburant et le carburant fossile. Nous souhaitons une division par deux de cette TGAP. Les taux de la TGAP pourraient être aussi revus à la baisse dans le futur quand le prix du biocarburant se rapprochera encore de celui du pétrole.
Enfin, l'éthanol à base de canne a sucre ne doit pas faire l'objet de barrière à l'entrée du marché national. Revoir l'avantage fiscal de l'éthanol français permettrait d'introduire une concurrence étrangère positive pour le budget des ménages et pour le bilan à effet de serre.