Plan Marshall pétrole

10 à 25 milliards d'euros sur 10 ans pour réduire la dépendance au pétrole des consommateurs

Publié le : 03/10/2006 

Cette étude présente les grands principes du plan Marshall Pétrole (réduire la dépendance au pétrole du consommateur, effort collectif de financement ...) ainsi que les quatre propositions piliers du plan Marshall pétrole (taxe exceptionnelle, financement des transports collectifs...).

 
SOMMAIRE

 

Plan Marshall Pétrole

Résumé

Les grands principes du plan Marshall Pétrole

- Envolée des prix du pétrole, des perdants et des gagnants : les consommateurs sont parmi les grands perdants, puisqu'ils font face à une explosion de la facture de carburants (+ 24 % en deux ans), les gagnants sont en premier lieu les compagnies pétrolières, qui ont doublé leurs profits en trois ans, et, dans une moindre mesure, l'Etat, dont les recettes fiscales se sont accrues.

- L'objectif central : réduire la dépendance au pétrole du consommateur plutôt que chercher une baisse illusoire du prix du carburant. L'envolée du prix du pétrole étant devenue un phénomène structurel, la seule façon d'alléger la facture pétrolière des ménages est de parvenir à une réduction de l'intensité énergétique de la consommation.

- Le moyen : l'Etat doit lancer un plan Marshall pour réduire la dépendance au pétrole en augmentant l'investissement public dans les transports collectifs, les véhicules économes et les énergies renouvelables.

- Un effort collectif de financement : la rente pétrolière publique et privée doit servir à financer ce plan Marshall. L'augmentation du prix du pétrole a créé une rente pour l'Etat, sous la forme de recettes fiscales, et une rente pour les groupes pétroliers, sous la forme de supers profits. Il est logique qu'une partie de cette rente, qu'elle soit publique et privée, soit utilisée pour que la collectivité puisse faire face à ce grave problème énergétique et puisse aider le consommateur à diminuer sa facture pétrolière.

Les quatre propositions piliers du plan Marshall pétrole

- La rente publique : 3 à 10 % de la TIPP sur le carburant doit financer des dépenses supplémentaires pour les alternatives au pétrole. Il serait voté chaque année dans la loi de finances cette affectation, comprise entre 3 et 10 % de la TIPP, en fonction de la situation budgétaire et des priorités du budget. Cela représente un surplus d'investissement de 500 millions à 2 milliards d'euros par an.

- La rente privée : une taxe exceptionnelle de 5 milliards d'euros sur les profits pétroliers déclarés en France pour financer les alternatives au pétrole.

- Le plan Marshall pétrole. De 10 à 25 milliards d'euros sur dix ans qui pourront notamment financer quatre domaines prioritaires : les transports collectifs, l'acquisition de voitures économes, le fret ferroviaire et la recherche développement en faveur des énergies renouvelables.

- Ni hausse ni baisse des taxes sur le carburant : chacune de ces options présente des effets pervers ou peu opérationnels. La baisse des taxes induirait une trop faible baisse du prix du carburant et inciterait l'Etat à ne pas investir dans la réduction de la dépendance au pétrole.

 

Proposition n°1

Une partie de la rente publique pétrolière va à la réduction de la consommation de pétrole.

Nous pensons que le seul moyen viable de réduire la facture pétrolière des ménages est de réduire la consommation de pétrole. Pour ce faire, il faut donner la possibilité au consommateur de changer son usage énergétique par un investissement accru de la collectivité. Cet investissement dans la « Réduction de la dépendance au pétrole » désigne, en premier lieu, des dépenses qui favorisent la baisse des usages liés au pétrole (l'utilisation de la voiture, du chauffage au fioul, du transport routier de marchandises, etc.) et, en deuxième lieu, des dépenses en faveur des énergies renouvelables.

Notre proposition vise à affecter une partie de la TIPP à des dépenses supplémentaires en faveur de la réduction de cette dépendance. Il n'est donc pas question de financer des investissements existants par cette partie de la TIPP (dans ce cas il s'agirait seulement d'une modification des circuits financiers à enveloppe constante). Il s'agit de financer l'augmentation des dépenses « réduction de la dépendance » par cet apport de la TIPP car nous supportons l'idée que cette croissance de l'investissement est le seul moyen d'amortir le choc pétrolier structurel.

L'UFC-Que Choisir fait donc sienne la proposition de la mission d'information parlementaire sur l'effet de serre qui, dans son rapport du 12 avril 2006, recommande d' « affecter des centimes de TIPP à un fonds destiné aux investissements dans les transports publics, en incluant le fret ferroviaire et le ferroutage ». Cette proposition est d'ailleurs une revendication ancienne des autorités en charge de l'organisation des transports de proximité (STIF en région parisienne, GART en région).

Les points faibles de cette proposition sont :

- Si on affecte trop les taxes, le décideur public perd toute marge de manoeuvre

L'Etat et le législateur accueillent généralement avec scepticisme les affectations de taxes notamment quand elles concernent des budgets importants (ce qui est le cas ici). Lorsque les affectations automatiques de taxes se multiplient, les dépenses de la nation tendent à être définies à l'avance et le législateur, ou le gouvernement, ne peut pas adapter le budget de l'Etat en fonction des contraintes et des besoins nouveaux.

- Une affectation trop importante pèserait sur le déficit budgétaire Le produit de la TIPP représente 24 - 25 milliards d'euros et pourrait légèrement diminuer à l'avenir si la consommation baisse. Sur ces 25 milliards, 4 ou 5 vont aux collectivités locales. On peut donc considérer que l'Etat encaisse 20 milliards d'euros par an.

Une affectation de 10 % dégagerait une somme de 2 milliards d'euros pour des dépenses nouvelles. Elle représente environ 5 % du déficit budgétaire de l'Etat (45 milliards d'euros). Toutes choses étant égales par ailleurs, cette affectation de 2 milliards augmenterait le déficit budgétaire de 0,15 point en proportion du PIB (par exemple on passerait à un déficit de 3 % du PIB à 3,15 % du PIB).

Cet effort paraît supportable. On pourrait aller au-delà mais, dans ce cas, la tension budgétaire obligerait certainement à une augmentation des taxes. Il reste que l'impact de cette affectation sur le déficit budgétaire n'est pas à négliger.

Pour tenir compte de ces réserves, l'UFC-Que Choisir propose une règle d'affectation souple à savoir :

Chaque année, en loi de finances, il serait décidé d'une affectation d'une part de la TIPP pour des dépenses supplémentaires en faveur de la réduction de la dépendance pétrolière. Cette affectation serait comprise dans une fourchette allant de 3 % à 10 % des recettes TIPP de l'Etat.

En laissant une fourchette large de 3 à 10 %, le législateur dispose d'une véritable marge de manoeuvre : il peut décider d'une affection assez faible et qui pèse peu sur le budget de l'Etat (3 % soit 500 millions d'euros) ou d'une affection ambitieuse (10 % soit plus de 2 milliards d'euros). L'affectation sera donc modulée chaque année selon la situation du budget, les priorités du gouvernement, les opportunités d'investissements, etc.

Proposition n°2

Une partie de la rente pétrolière privée sert aussi à réduire la dépendance des consommateurs.

Les groupes pétroliers réalisent des profits exceptionnels depuis 2004 grâce à la rente que leur procure la hausse du cours du baril.

On ne peut pas demander aux particuliers de maintenir leur effort fiscal, à l'Etat d'affecter une partie de ses recettes à des investissements nouveaux, et, d'un autre coté, de laisser les groupes pétroliers profiter de leur rente. Par ailleurs, il est établi que ces groupes investissent très peu dans les énergies renouvelables. Par exemple, Total devrait dépenser 120 millions d'euros par an pour la R-D dans ce domaine et engage environ 200 à 300 millions de dépenses totales pour les alternatives au pétrole. Cela représente 2 à 3 % de ses profits et moins de 10 % de ses rachats d'actions.

Pour l'UFC-Que Choisir, il n'est pas question qu'une rente pétrolière illégitime se constitue au profit des entreprises du secteur mais aussi au profit de l'Etat. Nous appelons donc à une redistribution partielle de la rente au profit des ménages et du développement durable.

L'UFC-Que Choisir demande que soit mis en oeuvre une taxe exceptionnelle de 40 % sur les profits pétroliers déclarés en France pour l'année 2006.

En 2005, la mise en oeuvre de cette disposition aurait permis au groupe pétrolier Total de préserver un bénéfice annuel de 7 milliards d'euros - soit un niveau largement supérieur à ses besoins de financement et permettant une rémunération élevée du capital - tout en finançant les transports collectifs à hauteur de 5 milliards d'euros.

Le produit de cette taxe en 2006 viendrait financer des investissements qui permettent de réduire la consommation de pétrole.

Plan global de financement du plan Marshall pétrole : de 10 à 25 milliards d'euros sur 10 ans

Sur la base des propositions n° 1 et n°2, nous présentons dans le tableau ci-dessous une projection sur 10 ans du plan Marshall pétrole en supposant une hypothèse minimale (affectation de 3 % de TIPP par an) et maximale (affectation de 10 % de TIPP par an). (voir proposition n°1)

Nous reprenons aussi l'idée d'une taxe exceptionnelle de 5 milliards d'euros sur les profits pétroliers (40 % des bénéfices nets de 2005) en supposant que cet apport est dépensé sur 5 ans. (voir proposition n°2)

 

en chiffres

 

 

2007 - 2012 annuel

2012 - 2017 annuel

Recettes totales sur la période 2007 - 2012

Affectation de la TIPP

De 500 millions à 2mds par an

De 500 millions à 2 mds par an

De 5 à 20 milliards

Affectation de la taxe exceptionnelle de 5 mds

1 md par an

-

5 milliards

Recettes totales

De 1,5 md à 3 mds par an

De 500 millions à 2 mds par an

De 10 à 25 milliards

 

Il faut préciser que l'affectation de l'enveloppe 2 milliards de la TIPP et celle de la taxe sur les profits pétroliers n'obéissent pas aux mêmes règles :

- La taxe sur les profits pétroliers étant une ressource exceptionnelle non pérenne, elle doit venir surtout financer des projets d'investissements,

- L'enveloppe de la TIPP, qui est pérenne, peut aller aux investissements et aux dépenses de fonctionnement.

Proposition n°3

Ni hausse ni baisse des taxes sur le carburant

Faut-il modifier les taxes sur les carburants ?

Sur ce point, deux logiques s'affrontent. Pour l'UFC-Que Choisir chacune de ces options présente des faiblesses rédhibitoires.

1- Le scénario du cadeau fiscal de court terme : baisser les taxes pour redonner du pouvoir d'achat au consommateur

La faiblesse de cette proposition tient au fait que le gain en pouvoir d'achat, bien réel sur le court terme, ne sera pas confirmé sur une longue période. Même si une baisse de la taxe entraîne d'abord une baisse du prix, la hausse continue du cours du baril va continuer à tirer vers le haut la facture pétrolière des ménages.

- Un constat : les taxes ne sont plus un facteur d'inflation

Sur le premier semestre 2006, l'examen des données du ministère de l'Industrie montre que 84 % de la hausse du prix du carburant est absorbée sous la forme d'une rente au profit des producteurs pétroliers. L'augmentation des recettes fiscales sur le carburant, quant à elle, contribue pour seulement 16 % de cette hausse du prix.

L'explication de ce phénomène est simple : les particuliers restreignent leur consommation

(- 0,9 % en 2005, - 1,5 % en 2004) et, en conséquence, la recette de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, qui est assise sur les volumes consommés, reste stable. Seule l'application de la TVA induit une légère croissance de la perception publique. Dès lors, si les taxes représentent une part importante du prix, elles ne sont plus un facteur inflationniste déterminant.

- Quoiqu'il arrive le prix du carburant continuera de grimper

On peut en effet supposer que, pour des raisons budgétaires, l'Etat pourra difficilement baisser les recettes fiscales de plus de 10 % ou 20 % (entre 3 et 6 milliards de perte sur le budget). Or, il est probable que, sur dix ans, le prix du baril connaisse une augmentation bien supérieure. Au final, la baisse de la taxe ne fait au mieux que ralentir la hausse de la facture.

- La baisse des taxes risque d'être compensée par la hausse des marges pétrolières

Il n'est pas garanti qu'une baisse des taxes entraîne une baisse du prix du carburant. Dans la mesure où le secteur est peu concurrentiel, les pétroliers, ou les pays producteurs, peuvent décider de profiter de la baisse des taxes pour augmenter les marges, notamment sur le raffinage. Ce phénomène a été analysé aux Etats Unis, marché sur lequel l'OPEP définit un consentement à payer du consommateur américain puis ajuste sa marge en fonction de l'évolution des taxes.

Un ajustement des taxes en France n'aurait pas d'impact sur la politique des pays producteurs mais peut logiquement entraîner une hausse des marges de raffinage.

- Baisser la TIPP c'est désinciter l'Etat à investir dans les alternatives au pétrole

Baisser la TIPP revient à priver l'Etat de ressources et, du fait de la tension budgétaire, les pouvoirs publics se refuseraient certainement à accroître l'investissement public dans le domaine des transports collectifs ou des énergies renouvelables. Dès lors, la baisse des taxes empêche de modifier la structure de consommation et, par conséquent, empêche de réduire la dépendance au pétrole.

Sur la question de la rente pétrolière de l'Etat, il paraît beaucoup plus intéressant de considérer que les recettes de la TIPP doivent baisser mais par une diminution de la consommation : l'Etat perdrait de l'argent, certes, mais pour une bonne raison, la réduction de la dépendance au pétrole.

La pertinence à long terme d'une baisse des taxes est donc assez faible : elle sera en partie compensée par une hausse des marges pétrolières et n'empêchera pas de toute façon une augmentation du prix du carburant. Surtout, la collectivité aura moins de ressources pour investir dans les alternatives au pétrole.

L'UFC-Que Choisir préfère se concentrer sur le long terme et sur une proposition pérenne : il vaut mieux demander que soit engagée une baisse de la dépendance au pétrole des consommateurs plutôt que de demander une baisse assez illusoire du prix du carburant.

2- Le scénario de la rupture vers l'après pétrole : augmenter les taxes sur les carburants

Cette option reprend un credo écologiste : il vaut mieux avoir un pétrole très cher dès aujourd'hui pour inciter la collectivité, les entreprises et les ménages à préparer la société de l'après pétrole.

Au préalable, il faut signaler que le niveau des taxes sur le carburant en France est sensiblement plus élevé que la moyenne européenne. L'idée de hausser les taxes pourrait donc se justifier dans des pays où les taxes sont faibles, comme aux Etats Unis ou en Espagne, mais cela est plus difficile en France.

Surtout, cette proposition présente trois défauts majeurs.

Premièrement, l'impact de la hausse des taxes serait assez dramatique sur certaines catégories de ménages (habitat en milieu rural ou péri-urbain avec deux voitures et des déplacements quotidiens). Deuxièmement, à cause de la faible élasticité prix de la demande, l'augmentation des taxes et du prix du carburant n'entraînerait pas une baisse importante de la consommation. L'objectif recherché ne serait donc pas atteint avant de longues années. Troisièmement, on ne peut pas demander aux ménages de rentrer dès aujourd'hui dans la société de l'après pétrole alors même que les infrastructures nécessaires (transport collectif, moteur hybrides, etc.) n'ont pas été mises en place.

Ce troisième argument résume bien la faiblesse de la proposition : elle rend le pétrole très cher avant que ne soient proposées de vastes alternatives au pétrole.

Notre proposition est inverse : il faut accroître l'investissement dans les alternatives avant que le prix du pétrole n'atteigne un niveau rédhibitoire.

Au final, la baisse ou la hausse des taxes ne paraissent pas être des propositions de réforme intéressantes car elles présentent chacune des effets pervers et parce qu'elles n'apportent pas de solutions sur le long terme.

Nous soutenons l'idée que le bon débat n'est pas de savoir s'il faut accroître ou baisser la taxe sur le carburant. Le vrai débat consiste à déterminer comment on utilise les recettes de la fiscalité pétrolière.

Proposition n°4 : Pour une répartition efficace des ressources

Le tableau suivant présente une proposition de répartition annuelle de la manne qui serait dégagée par l'affectation de la TIPP et la taxe sur les groupes pétroliers.

Nous déclinons cette proposition à partir d'une affectation annuelle de 2 milliards d'euros de la TIPP et de 1 milliard d'euros pour la taxe sur les groupes pétroliers (5 milliards étalés sur 5 ans).

 

La répartition des 3 millards annuels

 

 

Part dans la consommation de carburant

Coefficient de substituabilité**

Part de l'enveloppe affectée au développement de transports alternatifs

Sommes affectées (millions euros)

Transport routier individuel

29 %

élevé

45 %

1 350

Transport routier marchandises

20 %

moyen

20 %

600

Transport aérien

7 %

très faible

2 %

70

Fioul domestique

10 %

moyen

5 %

220

Industrie

21 %

moyen

13 %

380

Autres (transport maritime, agriculture etc)

13 %

variable

13 %

380

** Par exemple, le transport automobile est assez substituable par le développement des transports collectifs, notamment en milieu urbain. A l'inverse, le transport aérien longue distance n'est quasiment pas substituable (on ne peut demander aux usagers de faire Paris - Rio en bateau).

 

En première analyse, nous proposons que la répartition des 3 milliards se fasse en fonction des contributions à la consommation du pétrole. Par exemple, le transport automobile individuel représente un petit tiers de la consommation de pétrole ; on va donc affecter un tiers des « 3 milliards » à l'investissement pour les alternatives au transport routier individuel (i.e le transport collectif ou des moteurs automobiles économes).

Nous sommes obligés d'affiner un peu cette règle de décision. Parmi les usages du pétrole, tous ne présentent pas la même substituabilité, c'est à dire la même propension à être diminués par le développement d'une alternative.

Il faut tenir compte de ces différences de substituabilité dans la règle d'affectation des 3 milliards : il ne sert à rien de mettre beaucoup d'argent dans l'alternative au transport aérien car ces alternatives existent assez peu.

Dans la deuxième colonne du tableau, nous proposons des coefficients indicatifs de substituabilité.

En tenant compte de la contribution de chaque usage à la consommation de pétrole et du coefficient de substituabilité on obtient donc la répartition des 3 milliards parmi les différents postes (dernière colonne du tableau).

Proposition 5 : Investir sur 4 chantiers prioritaires

Chantier n°1 : Les transports collectifs de proximité

I- Transports collectifs

1- Les difficultés du transport collectif de proximité

- L'essor du transport collectif est stoppé depuis dix ans

L'utilisation des transports en commun ne parvient plus à progresser depuis une dizaine d'années. Concernant le transport collectif en province, entre 1997 et 2002, le nombre de voyages par habitants a diminué de 8 % . La tendance est particulièrement inquiétante pour les petites agglomérations : les réseaux de 50 à 100 000 habitants ont connu une baisse de 25,5 % du nombre de voyage par habitants et les réseaux de moins de 50 000 habitants une diminution de 15,8 %. En Ile-de-France, le constat est tout aussi négatif puisque la part du transport collectif dans les déplacements des franciliens est passée de 33,6 % en 1976 à 29,4 % en 2001.

- Principal facteur de stagnation : l'absence d'amélioration de la qualité et de la densité du réseau

La Cour des comptes explique ce relatif désintérêt par deux facteurs qualitatifs :

- Le manque de rapidité et de fréquence du service,

- L'inadaptation des réseaux de transports pour les déplacements de périphérie à périphérie.

Le CERTU, principal laboratoire de recherche sur les transports urbains en France, rejoint cet avis en justifiant que « l'enquête permanente sur les conditions de vie des ménages et le compte national du transport de voyageurs mettent en évidence trois points faibles des transports collectifs : la couverture du territoire, la fréquence et l'amplitude du service, la vitesse ».

- La rapidité et la fréquence du service

Les données publiques font apparaître que le temps de trajet est toujours plus élevé lorsque l'usager choisit le transport collectif plutôt que la voiture. Le tableau ci-dessous mesure cet écart qui est particulièrement élevé hors Ile-de-France. Le CERTU en conclut que « les temps de parcours porte à porte en transports collectifs doivent être réduits ; cela passe par l'amélioration de la vitesse commerciale, mais aussi de la régularité et des temps de correspondance ».

 

Temps de trajet porte à porte

pour un déplacement domicile-travail de 8 km

 

 

Transports collectifs

voiture

Ile-de-France (petite couronne vers Paris)

45 min

36 min

Agglomération de province (moyenne)

32 min

18 min

Milieu rural (moyenne)

25 min

12 min

Source : CERTU

 

Il apparaît que la tendance récente est loin d'être favorable. Ainsi, concernant la vitesse commerciale des transports collectifs en province, la Cour des Comptes signale que « sur 22 réseaux de plus de 200 000 habitants recensés en 1996 et en 2002, 11 connaissent une diminution de la vitesse, 4 une stabilité et 7 réseaux une hausse ».

- La couverture du territoire et les déplacements périphériques

Le rapport de la Cour des comptes estime que « la prise en compte des besoins de la population pour le trajet domicile/travail reste encore problématique ». Dans la région parisienne, le rapport souligne que « la conception radiale des réseaux de transports collectifs et l'insuffisance du maillage en grande couronne et en petite couronne, en comparaison de l'offre déployée dans Paris intra muros, ne permettent pas de répondre de façon efficace à l'évolution de la mobilité des franciliens ».

Cette carence se retrouve au niveau national où il apparaît que la desserte des transports en commun n'est pas assez dense ou suffisamment adaptée. Le tableau ci-dessous fait apparaître qu'en France 23 % de la population n'a pas accès aux transports en commun, plus de la moitié ne dispose pas de service le dimanche et plus des trois-quarts ne sont pas desservis après 22h00.

 

Personnes qui disposent d'un arrêt de transports en commun à moins de 10 minutes à pied de leur domicile

(2000)

 

 

en pourcentage

sans condition de desserte

77 %

avec desserte le dimanche

43 %

avec desserte après 22 heures

23 %

Source INSEE - enquête permanente sur les conditions de vie des ménages

 

Ce bilan plaide pour une amélioration du rapport qualité/prix des transports en commun qui engagerait en premier lieu la qualité de la desserte (fréquence, maillage du réseau).

L'objectif principal de cet investissement serait de faire en sorte que le temps de trajet des transports collectifs converge vers celui de l'automobile. Cette mesure permettrait de renforcer la crédibilité des transports alternatifs, de diminuer la dépendance économique au pétrole et d'améliorer le service rendu aux usagers des transports en commun.

- L'effet prix doit s'accroître en faveur du transport collectif

Le transport collectif présente toujours l'inconvénient d'être moins pratique et moins rapide que le transport automobile. Si ce désavantage doit être réduit, la politique publique doit aussi se pencher sur l'avantage comparatif du transport en commun : son coût d'utilisation qui est inférieur à celui de l'automobile. Le tableau ci-dessous met en lumière une évolution défavorable. Il apparaît que le prix moyen de la carte orange a plus que doublé en une quinzaine d'années. Le prix moyen du ticket de métro a pour sa part augmenté de 164 % en 14 ans !

Cette sur inflation peut s'expliquer par des nécessités économiques et doit être relativisée par le fait que, pour les salariés, l'employeur prend en charge la moitié de l'abonnement. Il reste que la forte croissance du prix des transports collectifs est défavorable au report modal et à une moindre utilisation de l'automobile.

 

Le prix de la carte orange a plus que doublé en quinze ans

 

 

1990

1998

2004

Evolution 1990 -2004

Prix moyen des cartes oranges

28,96

49,74

65,37

125,7 %

Prix moyen du billet de métro (en carnets)

0,39

0,70

1,03

164,1 %

Source Stif

 

- L'Etat se désengage : l'investissement stagne

 

L'investissement dans le réseau de transport collectif en Ile-de-France

(en millions d'euros)

 

1980

1995

1998

2001

2003

1 002

1 800

1 305

1 005

1 178

Source : STIF

 

Le tableau montre que l'investissement francilien dans les transports en commun est revenu à son niveau de 1980.

Concernant les transports en commun de province, la circulaire de 1994 prévoyait un taux de subvention de l'Etat de 40 % pour infrastructures de transports collectifs routiers et de 20 % pour les réseaux souterrains. De 1994 à 2002, l'Etat a peu ou prou tenu ses engagements en subventionnant à hauteur de 17 %. En 2003, le taux d'intervention est passé à 7 % et la loi de finances pour 2004 a supprimé ce dispositif.

La Cour des Comptes remarque que « dans un contexte de maîtrise des dépenses de l'Etat, le gouvernement a fait le choix de ne pas doter la ligne de crédits jusque là ouverte pour les subventions». Dans ce contexte, la Cour des comptes conclut de façon pessimiste en estimant qu' « il n'est pas certain qu'à l'avenir d'autres autorités organisatrices dont les projets des transports en site propre n'étaient pas aussi avancés, opteront pour ce type d'investissement alors qu'elles ne seront plus aidées par l'Etat ».

2- Les projets de transports collectifs : quelques exemples

Dans la plupart des cas, il est communiqué le coût de l'investissement. Les données relatives aux coûts d'exploitations sont assez peu disponibles. Cette carence n'est pas trop gênante dans la mesure où notre proposition vise surtout à accroître le financement de l'investissement d'infrastructure.

- Une ligne de tramway à Angers : 200 millions d'euros HT/ 15 millions d'euros par an

Cette ligne, de 12 kms et de 25 stations, sera financée par un emprunt de 175 millions d'euros sur trente ans de la communauté d'agglomération qui apporte aussi 25 millions d'euros d'autofinancement. Les charges annuelles d'emprunts ajoutéEs aux coûts d'exploitation sont estimées à 15 millions d'euros par an.

- La ligne de tramway des maréchaux sud Paris : 300 millions d'euros d'investissement

Cette ligne, de 7,9 kms et 17 stations, devrait engager un investissement total de 295,6 millions d'euros en valeur année 2000 soit, en valeur actuelle, un investissement légèrement supérieur à 300 millions d'euros.

- La troisième ligne de tramway à Lyon : 177 millions d'euros d'investissements

La ligne L3 du réseau de tramway Lyonnais, longue de 14,7 kms, représente un coût d'investissement hors taxes de 177 millions d'euros.

- La ligne de tramway du Mans : 290 millions d'euros

Pour une longueur de 15,4 kms, cette ligne de 30 stations nécessite un investissement de 290 millions d'euros

- L'extension des lignes de métro lyonnaise :

53 millions d'euros pour une extension d'un kilomètre et l'ajout d'une station de la ligne A. 325 millions d'euros pour une extension de 2,5 kilomètres et l'ajout de deux stations de la ligne B.

3- Le plan Marshall pétrole doit relancer le financement public du transport en commun

Le tableau expose que l'on dépense chaque année 15,8 milliards d'euros (fonctionnement et investissement) pour le transport collectif de proximité . Cette dépense se décompose de la façon suivante :

- Près de 7 milliards d'euros sont affectés aux transports collectifs d'Ile-de-France (ce qui comprend bus, métro, RER et trains de banlieue).

- 5 milliards sont dépensés pour les transports collectifs urbains hors Ile-de-France (bus, métro, VAL, tramway).

- 2 milliards sont attribués aux trains régionaux (TER)

- 1,8 milliard est affecté aux transports départementaux non urbain (réseaux de cars).

L'investissement total dans le réseau représente 3,06 milliards d'euros soit 19 % des dépenses totales.

Si on considère que cet apport du plan Marshall pétrole doit surtout aller aux investissements, l'affectation de 600 millions d'euros permettrait d'accroître de 20 % l'investissement dans l'offre de transport en commun.

De façon plus concrète, apporter 600 millions d'euros par an permet de financer chaque année l'intégralité de la construction de 2 ou 3 lignes de tramway.

 

Dépenses d'investissement et de fonctionnement

(en millions d'euros)

 

 

Ile-de-France

Agglomération hors Ile-de-France

Transports régionaux

Transports départementaux

investissement

1 178

1 197

653

36

fonctionnement

5 818

2 897

1 461

1 598

total

6 996

5 098

2 114

1 635

Source : GART-STIF.

 

Chantier 2 : Atteindre l'objectif européen d'efficacité énergétique des moteurs automobiles

Si le développement des alternatives aux transports automobiles est un bon moyen de réduire la consommation de pétrole, il est aussi possible d'améliorer le rendement énergétique des véhicules. Sur ce point, les constructeurs ont accompli des progrès substantiels mais il reste encore des marges d'amélioration importantes qui devraient faire l'objet d'incitations financières.

1- L'accord volontaire européen pour 2010 : 5,1 litres au 100 pour les voitures essence

En 1998, la Commission européenne a conclu avec les principaux constructeurs mondiaux un accord de réduction volontaire de la consommation des moteurs automobiles. Cet accord vise, d'une part, et à satisfaire aux objectifs environnementaux définis par le protocole de Kyoto et, d'autre part, à réduire la facture pétrolière des ménages en améliorant l'efficacité énergétique des moteurs.

Sur ce point, la mesure de référence est l'émission de CO2 au kilomètre qui témoigne du degré de nuisance écologique du moteur mais qui constitue aussi une bonne approximation du rendement essence du véhicule.

L'accord volontaire propose que les émissions de CO2 soient de 140 g/km en 2008 (5,9 litres au 100 pour l'essence et 5,4 litres au 100 pour le diesel) et de 120g/km en 2010 (5,1 litres au 100 pour l'essence et 4,6 litres au 100 pour le diesel).

2- L'état d'avancement : la stagnation après une phase de progrès

En 1995, la consommation des voitures vendues en Europe était de 186g CO2/km. En 2003, ce ratio était de 163 g/km.

L'effort d'amélioration des moteurs est donc significatif mais, tel quel, il ne permettrait pas d'atteindre les objectifs de l'accord européen. En suivant ce rythme global de diminution des émissions, le ratio serait approximativement de 150g/km en 2008 (contre 140 g/km requis ) et de 145 g/km en 2010 (contre 120 g/km requis).

Atteindre cet objectif semble d'autant plus compromis que, sur les années récentes, l'amélioration de l'efficacité semble décliner. Les bilans de l'association des constructeurs européens, qui représente 86 % du marché communautaire, montre que le taux de réduction du ratio g CO2/km était de 1,8 % entre 1995 et 2001 et de seulement 0,6 % entre 2001 et 2003.

3- La France : un peu meilleure que la moyenne européenne mais l'effort stagne

Le tableau ci dessous détaille l'évolution des émissions de Co2 et de la consommation des véhicules neufs vendus en France. En 1995, la consommation énergétique France était sensiblement en dessous de la moyenne européenne (176 g/km contre 186 g/km) et cet avantage persiste en 2003 (155 g/km contre 163 g/km).

Surtout, l'essentiel de l'amélioration de l'efficacité énergétique s'est produit entre 1995 et 2001, période qui a connu une baisse des émissions de 11,3 %. Entre 2001 et 2005 la réduction des émissions n'a été que de 2,5 %.

Les courbes de consommation de carburants suivent mécaniquement la même évolution que celle du taux d'émission : elles baissent de façon assez significative entre 1995 et 2001 puis tendent à moins diminuer après 2001. Cette évolution est particulièrement marquée pour les moteurs diesel dont la consommation au litre a baissé de 12,1 % entre 1995 et 2000 puis a ensuite quasi stagné (-3,4 % entre 2000 et 2005).

 

Rendement énergétique des véhicules neufs en France

 

 

1995

1998

2000

2001

2003

2005

Taux moyen d'émission CO2 g/km

176

172

162

156

155

152

Consommation essence litre au 100 km

7,5

7,2

7,0

7,0

6,8

6,7

Consommation diesel litre au 100 km

6,6

6,3

5,8

5,8

5,7

5,6

Source : Ademe

 

4- Les possibilités d'amélioration des moteurs existent

Une étude réalisée en 2003 pour le Ministère des transports britanniques tend à montrer que l'on pourrait atteindre les objectifs européens d'efficacité des moteurs sans entraîner une augmentation rédhibitoire du coût d'achat des automobiles.

L'étude, dont les résultats sont résumés dans le tableau ci dessous, part d'un niveau moyen d'émission de 152 g/km soit le niveau actuel de la France. Il est indiqué que passer à un rendement de 145 g/km entraîne un surcoût de 1,5 % à l'achat de l'automobile. Pour atteindre un rendement de 117 g/km, soit en dessous de l'objectif idéal des 120 g /km en 2010, le surcoût pour le prix de la voiture n'est que de 5,8 %.

 

L'amélioration du rendement impacte assez peu sur les coûts

 

 

Co2 (G/km)

Amélioration Rendement énergétique

Augmentation du coût

Niveau moyen d'émission France

152

-

-

Modèle type année 2003

152

-

-

145

4,6 %

1,5 %

117

23,0 %

5,8 %

100

34,2 %

13,3 %

83

45,4 %

23,5 %

77

49,3 %

24,3 %

Source - Ricardo - étude pour le ministère britannique des transports (2003)

 

Si cette étude d'impact est séduisante, il reste que l'évolution du rendement énergétique est soumise à plusieurs freins :

D'une part, l'acquisition d'un véhicule à meilleur rendement est une opération non coûteuse pour le consommateur sur le long terme, mais il reste une différence de temporalité entre les gains liés aux économies de consommation, qui s'étalent sur plusieurs années, et le surcoût du véhicule économe qui intervient en une fois au moment de l'achat.

D'autre part, les constructeurs automobiles estiment répondre aux attentes des consommateurs qui réclament des configurations de modèles pouvant être défavorables à l'amélioration du rendement. Par exemple, entre 2000 et 2006 le nombre de véhicules de 12 chevaux, à forte consommation de carburants, a augmenté de 40,5 % alors qu'en moyenne le parc de voitures particulières s'est seulement accru de 4,2 %.

Enfin, l'impact de l'augmentation de l'offre de véhicules à faible consommation reste dépendant du rythme de renouvellement du parc automobile.

Il paraît donc justifié d'aider au renouvellement du parc automobile en faveur de véhicules à faible consommation.

5 - Les actions concrètes de la politique publique pour un meilleur rendement énergétique des moteurs

Les pouvoirs publics essayent de favoriser l'achat de véhicules économes de trois façons différentes :

- La réduction de la TIPP pour certains types de véhicules. Il s'agit principalement du gazole (réduction de 3,9 à 5,1 milliards d'euros) et, de façon très secondaire pour les véhicules GPL (148 millions d'euros) et pour les biocarburants (180 millions d'euros).

- Des crédits d'impôts associés à l'acquisition de véhicule GPL (7,7 millions d'euros) et aux véhicules électriques (500 000 euros).

- Des aides de l'Ademe pour l'acquisition de véhicules électriques (800 000 euros).

Les insuffisances de cette politique

Il est évident que les deux dernières actions sont parfaitement marginales et s'adressent à un public très restreint. En fait la politique publique s'est égarée autour de deux axes extrêmes :

1- subventionner massivement le diesel par la réduction de la TIPP, ce qui incite à rouler plus et donc limite l'impact en termes d'économies de consommation,

2- accorder des aides sur des niches marginales (voitures électriques).

Pourtant, il apparaît que de substantielles économies de consommation peuvent être réalisées en incitant les ménages à renouveler plus vite leur automobile en faveur de véhicules dont la consommation ne dépasse pas les 120 g Co2/km.

Par un crédit d'impôt, l'aide de l'Etat pourrait venir compenser le surcoût de véhicules, qui est estimé à 6 % par l'étude précitée. Pour un véhicule neuf de 20 000 euros cela représente une aide de 1200 euros ce qui est loin d'être négligeable pour un ménage.

On peut ainsi estimer que, pour aider au renouvellement de 300 000 voitures par an, la dépense publique se porterait à 350 millions euros.

Chantier 3 : Relancer le fret ferroviaire

- Le fret ferroviaire est à son plus bas niveau depuis trente ans :

Le tableau ci après montre que :

- Sur trente ans le fret ferroviaire est sur le déclin : il diminue d'un quart entre 1975 et 2004.

- Le fret a d'abord beaucoup diminué de 1975 à 1995 pour ensuite se redresser entre 1995 et 2000 et de nouveau diminuer pour atteindre son plus bas niveau historique en 2004.

- L'évolution négative du fret est à l'opposé du transport routier de marchandises, ce dernier ayant augmenté de 130 % en vingt ans. La part du fret ferroviaire relative au transport routier est donc passée de 42 % en 1985 à 20,5 % en 1995 et 15,2 % en 2004.

 

Evolution comparée du transport de marchandises entre le Fret et la Route

 

 

1975

1985

1990

1995

2000

2004

fret ferroviaire

60,4

54,2

49,7

46,6

55,4

45,2

Transport route

-

128

194

227

267

295,6

Part du transport ferroviaire relativement à la route

-

42,31 %

25,6 %

20,5 %

20,7%

15,2 %

Source : ministère de l'équipement

 

- Concentrer les investissements nouveaux sur des infrastructures adaptées

Le rapport du commissariat général au plan de décembre 2003, consacré au transport combiné, estime que le développement du fret ferroviaire dépend assez largement de la taille et de la qualité des infrastructures. Selon le Plan , les expériences étrangères montrent que sur des trajets relativement longs (plus de 600 kilomètres), le transport de fret est d'une compétitivité égale ou supérieure au transport de marchandises.

En fait, la particularité du transport de fret est de présenter des coûts fixes très élevés (le rail et les plates-formes), alors que le transport routier est plutôt une économie de coût variable (carburant, salaires). Un des facteurs clé est donc de mettre en place des « autoroutes » de fret, soit des axes lourds transfrontaliers, qui permettent d'amortir les coûts fixes sur de longues distances et des importants volumes. Il faut aussi développer des plates-formes logistiques et des installations portuaires de grande envergure pour amortir les coûts fixes.

L'UFC-Que Choisir rejoint les recommandations de plusieurs rapports parlementaires et du rapport du Plan qui préconise une augmentation de la dotation publique pour l'investissement d'infrastructures dans le fret ferroviaire.

Chantier 4 : accroître l'effort de recherche et développement

Les dépenses de R-D pour l'environnement

L'Institut français de l'environnement chiffre à 1,7 milliard d'euros en 2004 les dépenses de R-D publique et privée dédiées à l'environnement. La part de l'environnement dans les dépenses nationales de R-D se porte donc à 5 % par an ce qui est assez faible. Malheureusement, il n'existe pas de bilan statistique qui puisse fournir des comparaisons internationales fiables.

Au sein de ce budget, les dépenses publiques sont de 919 millions d'euros, ce qui là encore est plutôt modéré au regard des enjeux. Depuis 1990, ces dépenses de R-D progressent de 9 % par an. En soi ce rythme de croissance est élevé mais il faut souligner que l'on partait quasiment de zéro à la fin des années 1980.

L'objectif est d'accroître de 25 % la R-D publique en faveur de la réduction de la fracture pétrolière

Investir dans la recherche-développement pour développer les alternatives au pétrole représente une dépense utile de l'Etat et ce pour deux raisons :

1- Cela permet d'atteindre des objectifs de protection de l'environnement (protocole de Kyoto), 2- D'un point de vue économique cela permet de diminuer à long terme la facture énergétique du pays. Il existe donc un véritable retour financier sur l'investissement.

Cette augmentation de l'investissement viendra financer de réels besoins. Ils peuvent supporter des projets de recherche dans le domaine des carburants non fossiles (biocarburants), afin d'accroître leur rentabilité, soutenir la R-D privée dans le domaine de l'automobile (moteurs économes, allègement du poids des voitures) ou développer des infrastructures nouvelles plus adaptées au fret ferroviaire.

L'UFC-Que Choisir propose que le plan Marshall pétrole serve à accroître d'un tiers les dépenses publiques de recherche environnementale, ce qui représente un coût de 300 millions d'euros par an.

 

Plan Marshall pétrole

une prise de conscience au-delà des frontières

- En Grande Bretagne : décembre 2005 une surtaxe sur les profits pétroliers

Le 5 décembre 2005, le gouvernement britannique a décidé de doubler la surtaxe sur les profits réalisés par les groupes pétroliers en mer du Nord, ce qui devrait rapporter près de 4 milliards d'euros d'ici 2008. L'affectation de la taxe n'a pas été décidée.

Six mois après sa mise oeuvre, il apparaît que la taxe n'a pas du tout désincité à l'investissement : au mois de juin 2006, le nombre de licences d'exploration atteint un niveau inégalé depuis trente ans (147 licences pour 121 entreprises). Le principal argument des groupes pétroliers, qui affirmaient que la taxe allait réduire les investissements, a donc été démenti par les faits.

- 1980 : la première taxe exceptionnelle sur les profits pétroliers aux Etats Unis

L'outil de la taxe exceptionnelle (« windfall tax »), qui est assez courant dans le monde anglo-saxon, consiste à apporter une mesure corrective quand un secteur professionnel connaît une forte hausse de ses profits, sans lien avec une amélioration de son activité, hausse des profits qui se fait au détriment des consommateurs.

La première grande taxe exceptionnelle date de 1980 et a été appliquée sur les profits des compagnies pétrolières américaines. Une partie de cette taxe a servi à augmenter le crédit d'impôt en faveur des énergies renouvelables.

A l'heure actuelle, une large part de la classe politique américaine veut décider d'une nouvelle taxe exceptionnelle sur les profits pétroliers. Cette taxe, d'un montant de 5 milliards de dollars, a ainsi été votée le 12 novembre 2005 par la commission des finances du Sénat américain, de majorité républicaine.

- Au Canada : la taxe sur l'essence relance l'investissement dans les transports en commun

Jusqu'à une date récente le Canada investissait peu dans les transports collectifs. Il était le seul pays du G8 à ne pas disposer d'un programme de soutien national direct au transport en commun.

A l'occasion de la loi de finances 2005, le gouvernement a décidé de pallier cette carence en transférant 5 milliards de dollars canadiens (3,5 mds d'euros) des recettes de la taxe fédérale sur l'essence aux collectivités canadiennes d'ici 2010 pour des projets d'infrastructures durables (notamment dans le transport en commun). En année pleine d'application, le gouvernement canadien va donc reverser 2 centimes de dollar canadien de taxe au litre d'essence pour les transports en commun.

Il ne s'agit pas de présenter le Canada comme un cas exemplaire de développement des transports en commun, ce pays ayant plutôt accumulé du retard comparé à l'Union européenne. Il reste que la nouvelle impulsion donnée au financement des transports en commun repose sur une logique vertueuse, puisqu'une partie des taxes sur l'essence est utilisée.

- En Californie : un référendum en novembre 2006 pour un plan Marshall pétrole

En novembre 2006, la proposition 87 sera soumise à referendum. Elle propose qu'une taxe sur les profits des producteurs de pétrole californiens serve à alimenter un fonds pour développer les énergies renouvelables et des procédés économes en énergie.

La taxe porterait sur les bénéfices de l'exploitation pétrolière, à hauteur de 6 % de la valeur ajoutée si le cours du baril dépasse les 60 dollars et de 4,5 % si le cours du baril est compris entre 40 et 60 dollars. L'objectif annoncé est de récolter 4 milliards de dollars sur 10 ans. La ventilation du programme d'investissement est la suivante : 57 % pour inciter à l'achat et à la production de véhicules plus économes, 26 % pour la recherche développement, 10 % pour la création d'entreprises dans le domaine des énergies renouvelables, le reste allant aux campagnes de sensibilisation.

La campagne est menée par une large coalition, appelée « Californians for Clean Energy » qui regroupe des associations environnementales, de consommateurs et de scientifiques.

Cette proposition a recueilli 1 100 000 signatures (il en fallait 580 000) et fera donc l'objet d'un vote en novembre 2006. Elle correspond pleinement à l'esprit de la proposition de l'UFC-Que Choisir puisqu'il s'agit d'utiliser une partie de la rente pétrolière pour financer les alternatives au pétrole.

La facture pétrolière du consommateur explose

- La facture pétrolière française en 2005 : 31 milliards d'euros, 1,87 % du PIB

 

 

Importation 2005

Exportation 2005

Facture (Import - export) 2005

Evolution 2004 - 2005

Evolution 1998 - 2005

Total pétrole

40336

8816

31 520

+ 35,9 %

+ 287,5 %

Source DGEMP

 

On calcule une facture énergétique par un solde import - export (cf tableau ci dessus). Il apparaît que la facture pétrolière française s'élève à 31 milliards d'euros en 2005 contre 23 milliards en 2004, 18 milliards d'euros en 2003 et...8 milliards d'euros en 1998 !

La facture pétrolière représente l'essentiel de la facture énergétique. Il intervient ensuite la facture gaz qui représente 7,7 milliards et qui est aussi en forte augmentation. L'électricité présente elle un solde positif de 2,4 milliards (exportations supérieures aux importations).

La seule facture pétrolière représente 1,87 % du PIB et la facture énergétique totale (pétrole, gaz, électricité) compte pour 2,26 % du PIB.

Le tableau donne l'évolution de la facture énergétique en part du PIB sur 25 ans. Les données pour la seule facture pétrolière ne sont pas disponibles mais cette dernière représente de toute façon l'essentiel.

On constate que cette facture énergétique connaît un dérapage important depuis deux ans : elle passe de 1,44 % du PIB en 2003 à 2,26 % en 2005.

 

Part de la facture énergétique

 

 

1973

1997

2003

2005

Part de la facture énergétique dans le PIB

1,44 %

1,03 %

1,44 %

2,26 %

Source DGEMP

 

- La facture pétrolière pèse lourd sur le pouvoir d'achat des consommateurs

La dépense domestique en 2004 pour le pétrole représente environ 32 milliards d'euros soit 4,2 % du budget d'un ménage. Pour donner un repère, la dépense en pétrole des consommateurs est près de deux fois supérieure à celle de l'électricité ou à celle des télécoms (qui représente chacune près de 2,2 % du budget d'un ménage). La facture pétrolière est donc un élément clé du budget domestique.

L'INSEE a aussi évalué le surcoût de la facture qui pèse sur les ménages. Ce surcoût mesure l'impact de la hausse du prix du pétrole sur le pouvoir d'achat. Dans sa note de conjoncture, l'INSEE calcule que le surcoût représente 200 euros pour chaque ménage sur l'année 2005, ce qui est très significatif. Sachant que le nombre de ménages se portait à près de 24 millions lors du recensement 1999, cela signifie que le surcoût supporté par les ménages français en 2005 est proche de 5 milliards d'euros.

 

Le consommateur est captif du pétrole

car il est prisonnier du transport automobile

I- La dépendance pétrolière des consommateurs

Le graphique ci-dessous montre que la consommation finale de produits pétroliers en France est à peu près constante depuis 1970 : autour de 90 millions de tonnes équivalents pétrole (tep).

La forte hausse du prix du pétrole depuis le début de la décennie 1970 a effectivement amené des économies d'énergie et une stabilité de la consommation de pétrole malgré la croissance économique.

Cependant, cette stagnation globale de la consommation masque des évolutions différenciées selon les usages. En effet, le même graphique montre que deux catégories ont fortement diminué. Il s'agit, d'une part, de la consommation industrielle (dont la part est passée de 36 % à 23 % en trente ans) et, d'autre part, de la consommation de fioul pour le logement et les activités tertiaires. D'un autre coté, le transport a connu une forte croissance de la consommation (+ 96 % entre 1973 et 2004), croissance qui vient annuler les économies effectuées sur les autres usages.

 

Image

Source : DGEMP

 

II- La consommation de pétrole des ménages est tournée vers le transport automobile

Le tableau montre que la consommation énergétique du transport concerne en premier lieu le transport individuel (25 millions de tep) et, en deuxième lieu, le transport de marchandises avec 17 millions de tep.

Le transport individuel reste donc le poste prépondérant de consommation en France : il représente près de 30 % de la consommation totale de pétrole et la moitié de la consommation de pétrole par les transports.

D'un point de vue consumériste, cette prépondérance du transport routier est encore plus marquée. Ce poste représente la majeure part de consommation pétrolière des ménages (25 millions de tep) loin devant la consommation de fioul (9 millions de tep) et le transport aérien (6 millions de tep).

 

Image

Source : Ministère du Transport d'après CPDP

III- Un marché captif : la faible élasticité prix de la consommation de pétrole

Une récente étude de l'Insee fait le point sur l'élasticité prix de la consommation de pétrole par les ménages. Par ce concept, il s'agit de savoir de combien diminue la consommation de pétrole si son prix augmente.

D'une façon générale, l'Insee constate que « les élasticités de consommation d'énergie seraient relativement faibles de l'ordre de 10 % à 15 % » (i.e : si le prix augmente de 10 % la consommation baisse de 1 à 1,5 %).

Les conséquences de cette faible élasticité sont claires : quand le baril flambe les consommateurs diminuent peu leur usage de pétrole et ils « sont amenés à diminuer la valeur de leurs achats en d'autres produits pour faire face au renchérissement de leur budget énergétique ».

Sur le segment plus précis des carburants, l'élasticité prix est estimée à 20 % sur le court et moyen terme. Elle est donc un peu plus élevée que la moyenne énergétique mais reste tout de même à un niveau faible. Pour comparaison, l'élasticité prix à court terme est de 50 % pour la consommation de tabac et de 35 % pour le transport ferroviaire.

Cette faible élasticité s'explique facilement : bien souvent le consommateur ne peut pas modifier son mode d consommation qui est lié à un usage nécessaire (prendre sa voiture pour aller au travail, se chauffer au fioul, etc.).

Cependant, l'INSEE note que l'élasticité à long terme, soit sur plusieurs années, peut être plus élevée (selon les pays ou les périodes considérées). Selon la même étude, le phénomène s'explique par une décision du consommateur (il s'agit généralement de l'achat d'un véhicule moins polluant) ou par une augmentation de l'offre de transport en commun.

Le rapport 2004 du Sénat, relatif à la fiscalité en Europe, effectue le même constat : « la demande de carburants exhibe une faible mais réelle sensibilité par rapport au prix, de sorte que cette fois la fiscalité peut être utilisée pour orienter les comportements en faveur des moyens de transport collectifs, moins polluants par exemple, mais une telle politique aura des effets nécessairement limités compte tenu de la faible valeur de l'élasticité-prix à court terme ».

En conclusion, l'augmentation du prix du carburant, par la fiscalité, n'entraîne pas une vraie diminution de la demande des consommateurs sur le court et moyen terme. Cette diminution peut intervenir sur le long terme mais à condition que soient développées des offres économes.

 

La fiscalité du carburant :

les données d'ensemble

I- Une fiscalité importante mais sur le déclin dans sa part du prix

La fiscalité sur les carburants représente 33 milliards d'euros en 2005 répartis de la façon suivante :

- TIPP : 25 milliards,

- TVA : 8 milliards.

Le montant global des recettes fiscales a relativement peu évolué : il représentait 30-31 milliards d'euros en 1997-1999. Par ailleurs, on constate que la part de la fiscalité dans le prix du carburant est très majoritaire mais en nette décroissance depuis 10 ans. Pour l'essence, elle passe de 80 % du prix en 1995 à 67 % du prix en 2005 et à 61 % au premier semestre 2006 (la tendance est analogue pour le gazole).

Cette évolution s'explique par deux facteurs :

1- la stagnation de la consommation amène une moindre croissance de la TIPP relativement à l'évolution du prix ,

2- la montée en puissance de la rente privée, à savoir les profits pétroliers et la rémunération des pays producteurs.

La part des taxes dans le prix du carburant est en diminution

Part des taxes dans le prix en %

 

 

1995

2003

2004

2005

2006*

Eurosuper (supercarburant sans plomb 95)

80,2

74,4

72,0

66,9

61,5

Supercarburant sans plomb 98

79,8

73,2

70,8

65,3

60,4

Gazole

72,5

65,8

63,4

57,0

54,0

*premier semestre -Source DGEMP 2005

 

II- Les deux types d'impôts : TIPP et TVA

- La TIPP

La TIPP est perçue sur les volumes et non sur le prix de vente du produit. C'est donc un montant fixe en euros/litre perçu sur chaque unité mise à la consommation.

Le montant de cette taxe est fixé par la loi de finances votée par le Parlement. Pour 2006, il s'établit comme suit :

 

en euros

 

 

Unité

Taxe intérieure

Supercarburant ARS

hl

63,96

Supercarburant sans plomb

hl

60,69(*)

Gazole

hl

42,84(*)

Émulsion d'eau dans le gazole (EEG)

hl

24,54

Fioul domestique

hl

5,66

Essences aviation

hl

32,36

Carburéacteur (usage avion)

hl

-

GPL carburant

hl

5,99

Fiouls lourds

t

18,50

 

Le tableau montre que le produit de la TIPP tend à se stabiliser : il représente 25 milliards d'euros en 2004 contre 23 milliards en 1997, soit 8 % d'augmentation sur 7 ans. Cette faible évolution s'explique par le fait que la TIPP est assise sur les volumes : comme la consommation de pétrole stagne à cause de la hausse du prix, les recettes TIPP stagnent aussi.

 

Le produit de la TIPP se stabilise à 25 milliards d'euros

Dix ans de taxe intérieure sur les produits pétroliers (en millions d'euros)

 

 

1997

1998

1999

2000

2001

TIPP globale

22.982

23.465

24.649

24.271

23.409

Poids dans le PIB

1,85%

1,82%

1,83%

1,73%

1,56%

Évolution

1,6%

2,1%

5,0%

- 1,5%

- 3,6%

TIPP à l'État

22.982

23.465

24.649

24.271

23.409

TIPP aux départementss

-

-

-

-

-

TIPP aux régions

-

-

-

-

-

Source : Assemblée nationale 2005 rapport n°2568

 

2002

2003

2004

révisé 2005

PLF 2006

TIPP globale

23.962

24.303

24.966

24.947

25.047

Poids dans le PIB

1,55%

1,53%

1,21%

1,15%

1,10%

Évolution

2,4%

1,4%

2,7%

- 0,1%

0,4%

TIPP à l'État

23.962

24.303

20.025

19.600

19.374

TIPP aux départementss

-

-

4.941

4.941

4.941

TIPP aux régions

-

-

-

406

-

Source : Assemblée nationale 2005 rapport n°2568

 

Le produit de la TIPP est versé au budget de l'Etat sans affectation particulière. Depuis 2004, une partie de la TIPP (5 milliards d'euros) est transférée aux départements. Globalement, les départements n'utilisent pas ces sommes pour le développement durable. En considérant que les départements ne peuvent pas se passer de cette manne de TIPP, nous supposons que la base de TIPP pouvant être potentiellement affectée à des investissements dans le développement durable est de 20 milliards d'euros (soit ce qui reste à l'Etat).

 

La taxation française est sensiblement plus élevée que la moyenne européenne

Année 2005 (en euros pour 1000 litres)

 

 

TIPP euro super 1995

TIPP gazole

France

589

417

Grande Bretagne

726

771

Allemagne

670

486

Espagne

396

284

Italie

564

413

Pays-Bas

668

365

Suède

375

404

Grèce

296

245

Belgique

592

383

Autriche

417

302

Source : commission européenne

 

Le tableau montre que la TIPP française est plus élevée que la moyenne des pays d'Europe de l'Ouest mais que cet écart est assez relatif. Si on excepte l'Espagne, la Grèce, l'Autriche et la Suède, les autres pays sont assez proches de la taxe française (la taxe britannique, voire allemande, étant même nettement plus élevées). On ne peut donc pas parler de singularité française sur ce sujet.

-La TVA

Le taux de TVA applicable aux produits pétroliers, carburants et combustibles, est le taux normal, conformément aux règles européennes. En France, ce taux est de 19,6 % depuis le 1er avril 2000. Antérieurement, il était de 20,6 %.

Dans les pays de l'Union Européenne, les taux de TVA sur le carburant sont assez similaires.