Profits pétroliers réalisés en France
Acte 4 : 2007-2012 La taxe exceptionnelle sur les profits pétroliers - Le plan Marshall
Publié le :
12/02/2007
SOMMAIRE
- 1. I - Plan Marshall Pétrole : Résumé
- 2. Les grands principes du plan Marshall Pétrole
- 3. Les quatre propositions piliers du PMP
- 4. II - La rente pétrolière finance le Plan Marshall pétrole
- 5. - La rente pétrolière publique : les taxes sur le carburant
- 6. - Le plan global de financement du plan Marshall pétrole : de 10 à 25 milliards d'euros sur 10 ans
- 7. 2007 - 2017
- 8. III - Le Plan Marshall pétrole : les quatre priorités d'investissement
- 9. - Priorité 1 : le transport collectif de proximité
- 10. Dépenses d'investissement et de fonctionnement
- 11. - Priorité 2 : la promotion des moteurs économes
- 12. - Priorité n°3 : relancer le fret ferroviaire
- 13. Le tableau ci après montre que :
- 14. - Priorité n°4 : les dépenses de R-D pour l'environnement
- 15. Annexe 1 :
- 16. Annexe 1
- 17. Annexe 2 : Le prix du pétrole
- 18. Annexe 2
- 19. Annexe 2
- 20. Annexe 3 : Malgré la flambée du prix...
- 21. Annexe 3
I - Plan Marshall Pétrole : Résumé
Les grands principes du plan Marshall Pétrole
- Envolée des prix du pétrole, des perdants et des gagnants : les consommateurs sont parmi les grands perdants, puisqu'ils font face à une explosion de la facture pétrolière (+ 33 % en trois ans), les gagnants sont en premier lieu les compagnies pétrolières, qui ont doublé leurs profits en trois ans.
- L'objectif central : réduire la dépendance au pétrole du consommateur plutôt que chercher une baisse illusoire du prix du carburant. L'envolée du prix du pétrole étant devenue un phénomène structurel, la seule façon d'alléger la facture pétrolière des ménages est de parvenir à une réduction de l'intensité énergétique de la consommation.
- Le moyen : l'Etat doit lancer un plan Marshall pour réduire la dépendance au pétrole en augmentant l'investissement public dans les transports collectifs, les véhicules économes, le fret ferroviaire et les énergies renouvelables.
- Un effort collectif de financement : la rente pétrolière publique et privée doit servir à financer ce plan Marshall. La consommation de pétrole a créé une rente pour l'Etat, sous la forme de recettes fiscales, et une rente pour les groupes pétroliers, sous la forme de super profits. Il est logique qu'une partie de cette rente, qu'elle soit publique et privée, soit utilisée pour que la collectivité puisse faire face à ce grave problème énergétique et puisse aider le consommateur à diminuer sa facture pétrolière.
Les quatre propositions piliers du PMP
- La rente publique : 3 à 10 % de la TIPP sur le carburant doit financer des dépenses supplémentaires pour les alternatives au pétrole.
Il serait voté chaque année dans la loi de finances cette affectation, comprise entre 3 et 10 % de la TIPP, en fonction de la situation budgétaire et des priorités du budget. Cela représente un surplus d'investissement de 500 millions à 2 milliards d'euros par an.
- La rente privée : une taxe exceptionnelle d'un milliard d'euros par an pendant cinq ans sur les profits pétroliers déclarés en France pour financer les alternatives au pétrole
- Le plan Marshall pétrole. De 10 à 25 milliards d'euros sur dix ans qui pourront notamment financer quatre domaines prioritaires : les transports collectifs, l'acquisition de voitures économes, le fret ferroviaire et la recherche développement en faveur des énergies renouvelables.
- Ni hausse ni baisse des taxes sur le carburant : chacune de ces options présente des effets pervers ou peu opérationnels. La baisse des taxes induirait une trop faible baisse du prix du carburant et inciterait l'Etat à ne pas investir dans la réduction de la dépendance au pétrole
II - La rente pétrolière finance le Plan Marshall pétrole
- La rente pétrolière privée : la taxe exceptionnelle sur les profits pétroliers
- La rente pétrolière publique : les taxes sur le carburant
- La rente pétrolière privée : la taxe sur les profits pétroliers
La mise en oeuvre d'une taxe sur les profits pétroliers constitue un moyen pragmatique et équitable de financer une partie de ce plan Marshall pétrole.
Equitable, car il est logique de demander aux grands gagnants de l'inflation pétrolière une contribution plus élevée pour cet effort collectif en faveur de la réduction de la dépendance au pétrole.
Pragmatique, car elle constitue un apport d'argent nouveau pour cet investissement et qui ne nécessite donc pas des arbitrages budgétaires délicats.
En effet, dans un contexte de tension budgétaire, dégager des fonds pour relancer la maîtrise de la consommation de pétrole amène mécaniquement à priver de ressources d'autres sphères d'engagement de l'Etat. Pour l'UFC Que Choisir l'enjeu économique et environnemental de la dépendance au pétrole est de tout premier ordre, ce qui justifie de le considérer comme une priorité budgétaire.
Il reste que cette taxe exceptionnelle est un apport nouveau de fonds qui se situe hors de l'équilibre tendu des finances de l'Etat et qui ne remettra pas en cause les projets industriels ni le versement de dividendes du groupe Total. Très concrètement, il existe certainement d'autres moyens de financer un Plan Marshall mais aucun d'entre eux ne nous paraît aussi équitable et aussi opérationnel du point de vue de la contrainte financière.
La taxe exceptionnelle sur les profits pétroliers est reversée aux actions qui seront engagées par les pouvoirs publics pour réduire notre dépendance pétrolière. Il s'agit donc d'un apport de cinq milliards d'euros sur cinq ans. Dans la mesure où il s'agit d'une recette exceptionnelle et limitée dans le temps, elle doit servir à financer des investissements pérennes.
- La rente pétrolière publique : les taxes sur le carburant
Les taxes sur le carburant représentent une recette fiscale tout à fait considérable. Contrairement aux profits pétroliers ces taxes ne sont pas dynamiques : la TIPP étant indexée sur la quantité, la stagnation des volumes consommés fait que la recette fiscale se tasse aux alentours de 32-33 milliards d'euros.
Pour l'UFC Que Choisir il n'est pas question de demander une baisse de ces taxes. Par contre, il nous semble parfaitement cohérent qu'une partie de ces recettes servent à l'investissement public pour réduire la dépendance au pétrole. La TIPP impose en effet à un taux très élevé la consommation de carburant car elle vise à maîtriser la demande d'énergie non renouvelable. Il reste que la maîtrise de la demande ne peut pas passer que par l'augmentation du prix de l'énergie. Il faut aussi donner le choix au consommateur. Logiquement, les recettes fiscales pétrolières doivent suivre cette vocation de maîtrise énergétique et concourir à financer des investissements d'un plan Marshall pétrole.
Notre proposition vise à affecter une partie de la TIPP à des dépenses supplémentaires en faveur de la réduction de cette dépendance. L'UFC Que Choisir fait donc sienne la proposition de la mission d'information parlementaire sur l'effet de serre qui, dans son rapport du 12 avril 2006, recommande d' « affecter des centimes de TIPP à un fonds destiné aux investissements dans les transports publics, en incluant le fret ferroviaire et le ferroutage ». Cette proposition est d'ailleurs une revendication ancienne des autorités en charge de l'organisation des transports de proximité (STIF en région parisienne, GART en région).
Une affectation de 10 % de la TIPP dégagerait une somme de 2 milliards d'euros pour des dépenses nouvelles. Elle représente environ 5 % du déficit budgétaire de l'Etat (45 milliards d'euros). Toutes choses étant égales par ailleurs, cette affectation de 2 milliards augmenterait le déficit budgétaire de 0,15 point en proportion du PIB (par exemple on passerait à un déficit de 3 % du PIB à 3,15 % du PIB).
Cet effort parait supportable. On pourrait aller au-delà mais, dans ce cas, la tension budgétaire obligerait certainement à une augmentation des taxes. Il reste que l'impact de cette affectation sur le déficit budgétaire n'est pas à négliger.
Pour tenir compte de ces difficultés, l'UFC Que Choisir propose une règle d'affectation souple à savoir : chaque année, en loi de finances, il serait décidé d'une affectation d'une part de la TIPP pour des dépenses supplémentaires en faveur de la réduction de la dépendance pétrolière. Cette affectation serait comprise dans une fourchette allant de 3 % à 10 % des recettes TIPP de l'Etat.
En laissant une fourchette large de 3 à 10 %, le législateur dispose d'une véritable marge de manoeuvre : il peut décider d'une affection assez faible et qui pèse peu sur le budget de l'Etat (3 % soit 500 millions d'euros) ou d'une affection ambitieuse (10 % soit plus de 2 milliards d'euros). L'affectation sera donc modulée chaque année selon la situation du budget, les priorités du gouvernement, les opportunités d'investissements, etc.
- Le plan global de financement du plan Marshall pétrole : de 10 à 25 milliards d'euros sur 10 ans
Sur la base de ces deux propositions, nous présentons dans le tableau ci-dessous une projection sur 10 ans du plan Marshall pétrole en supposant une hypothèse minimale (affectation de 3 % de TIPP par an) et maximale (affectation de 10 % de TIPP par an).
Nous reprenons aussi l'idée d'une taxe exceptionnelle de 5 milliards d'euros sur les profits pétroliers étalés sur cinq ans.
2007 - 2017
le plan Marshall pétrole
|
2007 - 2012 annuel |
2012 - 2017 annuel |
Recettes totales sur la période 2007 - 20012 |
---|---|---|---|
Affectation de la TIPP |
De 500 millions à 2mds par an |
De 500 millions à 2 mds par an |
De 5 à 20 milliards |
Taxe exceptionnelle profits pétroliers |
1 mds par an |
- |
5 milliards |
Recettes totales |
De 1,5 mds à 3 mds par an |
De 500 millions à 2 mds par an |
De 10 à 25 milliards |
III - Le Plan Marshall pétrole : les quatre priorités d'investissement
- développer l'offre de transport collectif de proximité
- promouvoir l'acquisition de moteurs économes
- relancer le fret ferroviaire
- accroître le budget de recherche et développement
Réduire la dépendance au pétrole des consommateurs est un objectif difficile. Il est démontré que même avec une forte croissance du prix la réduction de la demande est peu significative. Les économies de consommation impliquent en effet des changements d'habitude qui sont difficiles ou parfois impossible sans l'offre d'alternatives.
L'UFC Que Choisir demande donc aux pouvoirs publics d'engager un vaste programme d'investissement qui permette aux ménages d'effectuer dans la pratique des économies de consommation ou de se reporter vers des énergies alternatives. A cet effet, il est proposé quatre thèmes prioritaires : les transports collectifs de proximité, la promotion des moteurs automobiles économes, le fret ferroviaire et la recherche développement
- Priorité 1 : le transport collectif de proximité
L'utilisation des transports en commun ne parvient plus à progresser depuis une dizaine d'années. Le récent rapport de la Cour des comptes sur les transports collectifs urbains (1) conclut que « la part modale des transports collectifs a globalement diminué au cours des dix dernières années. Le taux de motorisation est par exemple passé en dix ans d'une voiture pour trois personnes à une voiture pour deux personnes ».
Concernant le transport collectif en province, entre 1997 et 2002, le nombre de voyages par habitants a diminué de 8 %. La tendance est particulièrement inquiétante pour les petites agglomérations : les réseaux de 50 à 100 000 habitants ont connu une baisse de 25,5 % du nombre de voyage par habitants et les réseaux de moins de 50 000 habitants une diminution de 15,8 %.
La difficulté à promouvoir le report vers le mode de transport collectif se justifie en large partie par la relative stagnation du réseau tant en qualité qu'en quantité. Le rapport de la Cour des Comptes explique ce relatif désintérêt par deux facteurs qualitatifs : le manque de rapidité et de fréquence du service ; l'inadaptation des réseaux de transports pour les déplacements de périphérie à périphérie.
Cette stagnation de l'offre trouve ses raisons dans l'équation financière : depuis 2004, l'Etat, qui pourvoyait en moyenne pour 17 % du financement des projets de transport en commun, a cessé de co-financer ces investissements, ce qui a fragilisé la mise en place de nouvelles lignes par les collectivités locales. Sur ce sujet, la Cour des comptes concluait en 2005 de façon pessimiste en estimant qu' « il n'est pas certain qu'à l'avenir d'autres autorités organisatrices dont les projets des transports en site propre n'étaient pas aussi avancés, opteront pour ce type d'investissement alors qu'elles ne seront plus aidées par l'Etat ».
Le tableau ci-dessous expose que l'on dépense chaque année 15,8 milliards d'euros (fonctionnement et investissement) pour le transport collectif de proximité (2). L'investissement total dans le réseau représente 3,06 milliards d'euros soit 19 % des dépenses totales.
Si on considère que cet apport du plan Marshall pétrole doit surtout aller aux investissements, l'affectation de 600 millions d'euros par an permettrait d'accroître de 20 % l'investissement dans l'offre de transport en commun.
De façon plus concrète, apporter 600 millions d'euros par an permet de financer chaque année l'intégralité de la construction de 2 ou 3 lignes de tramway ou d'une douzaine de lignes de bus.
Dépenses d'investissement et de fonctionnement
(en millions d'euros)
2003 en millions d'euros
|
Ile-de-France |
Agglomération hors Ile-de-France |
Transports régionaux |
Transports départementaux |
---|---|---|---|---|
investissement |
1 178 |
1 197 |
653 |
36 |
fonctionnement |
5 818 |
2 897 |
1 461 |
1 598 |
total |
6 996 |
5 098 |
2 114 |
1 635 |
Source : GART-STIF. |
- Priorité 2 : la promotion des moteurs économes
En 1998, la Commission européenne a conclu avec les principaux constructeurs mondiaux un accord de réduction volontaire de la consommation des moteurs automobiles. Cet accord vise, d'une part, à satisfaire aux objectifs environnementaux définis par le protocole de Kyoto et, d'autre part, à réduire la facture pétrolière des ménages en améliorant l'efficacité énergétique des moteurs.
Sur ce point, la mesure de référence est l'émission de CO2 au kilomètre qui témoigne du degré de nuisance écologique du moteur mais qui constitue aussi une bonne approximation du rendement essence du véhicule.
L'accord volontaire propose que les émissions de CO2 soient de 140 g/km en 2008 (5,9 litres au 100 pour l'essence et 5,4 litres au 100 pour le diesel) et de 120g/km en 2010 (5,1 litres au 100 pour l'essence et 4,6 litres au 100 pour le diesel).
Le tableau ci-après détaille l'évolution des émissions de Co2 et de la consommation des véhicules neufs vendus en France. En 1995, la consommation énergétique France était sensiblement en dessous de la moyenne européenne (176 g/km contre 186 g/km) et cet avantage persiste en 2003 (155 g/km contre 163 g/km).
Surtout, l'essentiel de l'amélioration de l'efficacité énergétique s'est produit entre 1995 et 2001, période qui a connu une baisse des émissions de 11,3 %. Entre 2001 et 2005 la réduction des émissions n'a été que de 2,5 %.
Rendement énergétique des véhicules neufs en France
|
1995 |
1998 |
2000 |
2001 |
2003 |
2005 |
---|---|---|---|---|---|---|
Taux moyen d'émission CO2 g/km |
176 |
172 |
162 |
156 |
155 |
152 |
Consommation essence litre au 100 km |
7,5 |
7,2 |
7,0 |
7,0 |
6,8 |
6,7 |
Consommation diesel litre au 100 km |
6,6 |
6,3 |
5,8 |
5,8 |
5,7 |
5,6 |
Source : Ademe |
Les courbes de consommation de carburants suivent mécaniquement la même évolution que celle du taux d'émission : elles baissent de façon assez significative entre 1995 et 2001 puis tendent à moins diminuer après 2001. Cette évolution est particulièrement marquée pour les moteurs diesel dont la consommation au litre a baissé de 12,1 % entre 1995 et 2000 puis a ensuite quasi stagné (-3,4 % entre 2000 et 2005).
Une étude (3) réalisée en 2003 pour le Ministère des transports britanniques tend à montrer que l'on pourrait atteindre les objectifs européens d'efficacité des moteurs sans entraîner une augmentation rédhibitoire du coût d'achat des automobiles. L'étude indique notamment que passer à un rendement de 145 g/km entraîne un surcoût de 1,5 % à l'achat de l'automobile. Pour atteindre un rendement de 117 g/km, soit en dessous de l'objectif idéal des 120 g /km en 2010, le surcoût pour le prix de la voiture n'est que de 5,8 %.
Si cette étude d'impact est séduisante, il reste que l'évolution du rendement énergétique est soumise à plusieurs freins. D'une part, l'acquisition d'un véhicule à meilleur rendement est une opération non coûteuse pour le consommateur sur le long terme, mais il reste une différence de temporalité entre les gains liés aux économies de consommation, qui s'étalent sur plusieurs années, et le surcoût du véhicule économe qui intervient en une fois au moment de l'achat.
D'autre part, les constructeurs automobiles estiment répondre aux attentes des consommateurs qui réclament des configurations de modèles pouvant être défavorables à l'amélioration du rendement. Par exemple, entre 2000 et 2006 le nombre de véhicules de 12 chevaux, à forte consommation de carburants, a augmenté de 40,5 % alors qu'en moyenne le parc de voitures particulières s'est seulement accru de 4,2 % (4). Enfin, l'impact de l'augmentation de l'offre de véhicule à faible consommation reste dépendant du rythme de renouvellement du parc automobile.
Si l'état accorde effectivement des avantages pour l'acquisition, sa politique s'est quelque peu égarée autour de deux axes extrêmes. D'une part, il subventionne massivement l'achat de carburant diesel par la réduction de la TIPP, ce qui incite à rouler plus et donc limite l'impact en termes d'économies de consommation. D'autre part, il accorde des aides sur des niches prometteuses mais encore marginales (voitures électriques)
Pourtant, il apparaît que de substantielles économies de consommation peuvent être réalisées en incitant les ménages à renouveler plus vite leur automobile en faveur de véhicules dont la consommation ne dépasse pas les 120 gCo2/km.
Par un crédit d'impôt, l'aide de l'Etat pourrait venir compenser le surcoût de véhicules, qui est estimé à 6 % par l'étude précitée. Pour un véhicule neuf de 20000 euros cela représente une aide de 1200 euros, ce qui est loin d'être négligeable pour un ménage.
On peut ainsi estimer que, pour aider au renouvellement de 300 000 voitures par an, la dépense publique se porterait à 350 millions euros.
- Priorité n°3 : relancer le fret ferroviaire
Le tableau ci après montre que :
- Sur trente ans le fret ferroviaire est sur le déclin : il diminue d'un quart entre 1975 et 2004.
- L'évolution négative du fret est à l'opposée du transport routier de marchandise, ce dernier ayant augmenté de 130 % en vingt ans. La part du fret ferroviaire relative au transport routier est donc passée de 42 % en 1985 à 20,5 % en 1995 et 15,2 % en 2004.
Evolution comparée du transport de marchandises entre le Fret et la Route
En tonne éq. kilomètres
|
1975 |
1985 |
1990 |
1995 |
2000 |
2004 |
---|---|---|---|---|---|---|
fret ferroviaire |
60,4 |
54,2 |
49,7 |
46,6 |
55,4 |
45,2 |
Transport route |
n.d |
128 |
194 |
227 |
267 |
295,6 |
Part du transport ferroviaire relativement à la route |
n.d |
42,31 % |
25,6 % |
20,5 % |
20,7% |
15,2 % |
Source : ministère de l'équipement |
Le rapport du Commissariat général au Plan de décembre 2003, consacré au transport combiné, estime que le développement du fret ferroviaire dépend assez largement de la taille et de la qualité des infrastructures. Selon le Plan (5), les expériences étrangères montrent que sur des trajets relativement longs (plus de 600 kilomètres), le transport de fret est d'une compétitivité égale ou supérieure au transport de marchandises.
En fait, la particularité du transport de fret est de présenter des coûts fixes très élevés (le rail et les plates-formes), alors que le transport routier est plutôt une économie de coût variable (carburant, salaires). Un des facteurs clé est donc de mettre en place des « autoroutes » de fret, soit des axes lourds transfrontaliers, qui permettent d'amortir les coûts fixes sur de longues distances et des importants volumes. Il faut aussi développer des plates-formes logistiques et des installations portuaires de grande envergure pour amortir ces coûts fixes.
L'UFC Que Choisir rejoint les recommandations de plusieurs rapports parlementaires (6) et du rapport du Plan qui préconise une augmentation de la dotation publique pour l'investissement d'infrastructures dans le fret ferroviaire.
- Priorité n°4 : les dépenses de R-D pour l'environnement
L'Institut Français de l'environnement chiffre à 1,7 milliard d'euros en 2004 les dépenses de R-D publique et privée dédiée l'environnement. La part de l'environnement dans les dépenses nationales de R-D se porte donc à 5 % par an, ce qui est assez faible.
Malheureusement, il n'existe pas de bilan statistique qui puisse fournir des comparaisons internationales fiables.
Au sein de ce budget, les dépenses publiques sont de 919 millions d'euros ce qui là encore est plutôt modéré au regard des enjeux. Depuis 1990, ces dépenses de R-D progressent de 9 % par an. En soi ce rythme de croissance est élevé mais il faut souligner que l'on partait quasiment de zéro à la fin des années 1980.
Investir dans la recherche-développement pour développer les alternatives au pétrole représente une dépense utile de l'Etat et ce pour deux raisons :
1- Cela permet d'atteindre des objectifs de protection de l'environnement (protocole de Kyoto par exemple).
2- D'un point de vue économique cela permet de diminuer à long terme la facture énergétique du pays. Il existe donc un véritable retour financier sur l'investissement.
Cette augmentation de l'investissement viendra financer de réels besoins. Ils peuvent supporter des projets de recherche dans le domaine des carburants non fossiles (biocarburants), afin d'accroître leur rentabilité, soutenir la R-D privée dans le domaine de l'automobile (moteurs économes, allégement du poids des voitures) ou développer des infrastructures innovantes et plus adaptées au fret ferroviaire.
Un exemple permet d'illustrer les perspectives à moyen terme de la recherche. Il y a un consensus scientifique pour affirmer que la seconde génération de biocarburant, à base de biomasse (éthanol de peuplier par exemple), présente un potentiel de rendement énergétique et économique largement supérieur à la génération actuelle de biocarburant qui est à base d'oléagineux, de céréales ou de betteraves. L'incertitude porte surtout sur la durée nécessaire à l'aboutissement du produit (entre cinq et quinze ans). Accroître l'effort de recherche pourrait permettre de gagner sept ou huit années et de faire des biocarburants une alternative beaucoup plus crédible qu'elle ne l'est aujourd'hui.
L'UFC Que Choisir propose que le plan Marshall pétrole serve à accroître d'un tiers les dépenses publiques de recherche environnementale et énergétique, ce qui représente un coût de 300 millions d'euros par an.
Annexe 1 :
2003 - 2006 La rente pétrolière pour les actionnaires : une tendance générale
Nous avons calculé les ratios de l'utilisation du flux de trésorerie d'exploitation entre 2004 et 2006 pour les trois majors européennes et entre 2004 et 2005 pour les deux majors américaines (nous manquons de données en 2006 sur ces groupes).
Utilisation du Flux de trésorerie d'exploitation
Période 2004 - 2006 (Part en %)
|
Total |
BP |
Shell |
Exxon* |
Chevron* |
---|---|---|---|---|---|
Investissements corporels et incorporels |
54,1 % |
51,1 % |
75,9 % |
29,1 % |
43,14 % |
Flux de trésorerie d'investissement |
59,5 % |
26,0 % |
51,1 % |
28, 4 % |
43,3 % |
Rachats d'actions |
22,4 % |
46,3 % |
21,7 % |
31,7 % |
12,2 % |
Dividendes |
25,5 % |
27,3 % |
38,3 % |
16,4 % |
20,2 % |
Rachats d'actions + dividendes |
47,9 % |
73,6 % |
60,0 % |
48,1 % |
32,4 % |
* sur 2004 - 2005 seulement. Source : d'après comptes consolidés des groupes |
Annexe 1
(suite)
Ces chiffres doivent être considérés avec une certaine prudence pour deux raisons principales.
Premièrement, les groupes américains ne sont pas soumis aux mêmes règles comptables ce qui peut induire quelques différences dans la ventilation des comptes. Deuxièmement, nous avons été obligés d'extrapoler le dernier des douze trimestres pour les compagnies européennes.
- Les investissements : une préoccupation « minoritaire »
Shell et BP atteignent 75,9 % et 51,1 % du flux de trésorerie d'exploitation pour l'investissement corporel et incorporel mais une partie importante de ces investissements a été financée par la vente d'actifs de production et non par les profits.
En retenant le critère du flux de trésorerie d'investissement, on constate alors que seuls deux groupes consacrent un peu plus de la moitié de leur capacité de financement à l'investissement. Il s'agit de Total, qui atteint 59,5 %, et de Shell, qui est à 51,1 %. Le cas d'Exxon mobil est on ne peut plus caricatural : seules 28 % des capacités de financement sont consacrées à l'investissement !
- Plus d'argent pour l'actionnaire que pour l'investissement productif
La distribution de la rente pétrolière aux actionnaires est très claire. Excepté Chevron, les groupes consacrent entre 47 % et 73 % de leur capacité de financement aux postes des rachats d'actions et de dividendes. Sur ce point, la palme revient à BP qui consacre une part absolument inouïe au rachat d'actions (46,3 %) tandis que Chevron est très discret dans ce domaine (12,2 %). Shell est quant à lui plus orienté vers le versement de dividendes (38,3%).
Il faut signaler que les deux groupes américains Exxon et Chevron présentent une spécificité. On peut constater qu'ils n'utilisent qu'une partie de leur capacité de financement pour l'investissement et la rémunération de l'actionnaire. Que font-ils du reste de l'argent ? Ils le laissent tout simplement en trésorerie disponible : au 31 décembre 2005 Chevron disposait de 10,04 milliards de dollars « en cash » et, pour Exxon, le montant atteint la somme astronomique de 28,6 milliards de dollars.
- Investissement : Total fait plutôt mieux que les autres
Il faut reconnaître que, relativement aux autres majors, le groupe Total développe un effort plus important pour l'investissement (59 % du flux de trésorerie contre 26 % à 51 % pour les autres groupes). Seul Shell présente une structure d'investissement assez proche de celle du groupe français.
Pour l'UFC que Choisir, il n'est donc pas question de présenter le groupe Total comme le mauvais élève de la classe des pétroliers puisque certains groupes, comme BP ou Exxon, présentent une financiarisation de leur rente bien plus prononcée.
D'un autre coté, cette comparaison n'invalide en rien notre constat sur le groupe : Total consacre une part faible de ses vastes profits à l'investissement et reverse une part démesurée à l'actionnaire. Le fait qu'il existe des situations encore plus caricaturales ne fait que confirmer l'anormalité de ce secteur industriel.
Au vu des ces données, il est donc parfaitement inacceptable d'affirmer que les profits pétroliers d'aujourd'hui sont les investissements de demain pour la sécurité énergétique d'après demain.
La majorité de ces profits servent à rémunérer l'actionnaire soit par le biais des dividendes ou, de façon plus prononcée, pour le rachat d'actions.
Annexe 2 : Le prix du pétrole
une hausse structurelle tirée par la demande mondiale
Le prix du baril a globalement doublé depuis quatre ans. Le cours du baril brent est passé d'une moyenne annuelle de 28,9 dollars en 2003 à 38,2 dollars en 2004, 54,4 en 2005 et un record de 65,1 dollars en 2006. En 2006, il a d'abord continué de flamber pour atteindre le record de 75 dollars le baril au mois de juillet. Il a ensuite connu une première forte correction à la baisse en revenant à 57-59 dollars début octobre puis en fluctuant entre 50 et 58 dollars depuis le début de l'année 2007.
La correction à la baisse de ces six derniers mois ne doit pas occulter que, sur le moyen terme, nous avons bien connu une hausse très forte et surtout assez structurelle. 55 dollars en janvier 2007, cela représente une augmentation de 77 % par rapport à janvier 2004.
- Un choc pétrolier dû à la croissance de la demande
Le prix du baril est tiré par la croissance de la demande mondiale (En milliers barils/jour)
|
Evolution 1980 - 1994 |
Evolution 1994 - 2005 |
Evolution 2002 - 2005 |
---|---|---|---|
Demande mondiale de pétrole |
+ 8,9 % |
+ 22,2 % |
+ 7,7 % |
Source : US Department of Energy |
Annexe 2
(suite)
demande très structurée par la Chine et les Etats Unis
|
Evolution 1994 - 2004 |
Part dans consommation mondiale 2004 |
Part dans évolution 1994 -2004 (Consommation mondiale) |
---|---|---|---|
Etats Unis |
+ 17 % |
25 % |
21,8 % |
Europe |
+ 9 % |
19, 7 % |
10,0 % |
Chine |
+ 102 % |
7,7 % |
23,4 % |
Inde |
+ 73 % |
3,0 % |
7,4 % |
Japon |
- 4 % |
6,5 % |
- 1,6 % |
Monde |
+ 20,1 % |
- |
- |
Source : US Department of Energy |
Annexe 2
(suite)
La particularité de la hausse des cours de ces trois dernières années est qu'elle n'est pas due à une maîtrise de l'offre décidée par le cartel de l'OPEP ou même à la seule conséquence de tensions géopolitiques.
Le facteur lourd de la croissance du prix est la nette augmentation de la demande mondiale depuis une douzaine d'années. Le tableau ci avant montre qu'entre 1980 et 1994, la demande mondiale de pétrole n'a crû que de 8,9 %. A partir de 1994, c'est le retournement de tendance : la demande mondiale redevient dynamique et connaît une croissance de 22 % en onze ans soit un rythme environ trois fois supérieur à celui de la période précédente. On s'aperçoit aussi que cette tendance s'est renforcée au cours des années puisque la demande a augmenté de plus de 7 % entre 2002 et 2005.
Le second tableau permet de mieux identifier ce qui alimente la croissance de la demande mondiale.
- La demande européenne a été assez stable avec seulement 9 % de croissance entre 1994 et 2005 et n'a contribué que pour 10 % à la croissance de la demande mondiale.
- Les Etats Unis ont connu une croissance assez prononcée, + 17 % entre 1994 et 2004, et qui contribue pour 21,8 % à la croissance de la demande mondiale. La forte croissance économique américaine, qui a justement redémarré au milieu des années 1990 pour durer jusqu'en 2006, a donc été un important moteur de la demande mondiale de pétrole.
- La Chine a doublé sa consommation sur cette décennie et elle contribue pour 23,4 % à la croissance de la demande mondiale ce qui en fait le premier facteur de croissance. L'Inde voit sa consommation croître de 73 % entre 1994 et 2004 et contribue pour 7,4 % à la croissance de la demande mondiale. Mais ces chiffres, qui s'arrêtent à 2004, sous estiment le poids de ce pays qui, ces dernières années, a connu une forte croissance économique lui faisant suivre une évolution « à la chinoise » pour la consommation de pétrole.
Pour conclure, l'évolution de la demande mondiale de pétrole dépend de deux piliers. Le premier paraît assez structurel : la croissance de la demande chinoise et indienne, et plus généralement des pays émergents, constitue le moteur de fond qui, à lui tout seul, plaide pour une montée du prix du baril sur le long terme. Le second facteur est plus aléatoire : il s'agit de la demande américaine.
La forte correction à la baisse du second semestre s'explique notamment par le fait que les Etats Unis soient sortis de leur période de forte croissance économique. La stagnation de la demande américaine fin 2006, renforcée par un hiver doux, a ralentit la croissance mondiale de la demande pétrole ce qui a fait baisser le cours du baril.
- Qu'en est-il pour 2007 et l'avenir ?
Pour l'année 2007, le « consensus Reuters » du 15 janvier, qui regroupe l'avis de 34 analystes, prévoit un cours moyen du baril à 61 dollars, soit un niveau un peu inférieur à la moyenne 2006. Il est bien sûr impossible de prévoir l'évolution du cours du baril qui dépend à la fois du rapport entre l'offre et la demande mais aussi d'éléments beaucoup plus aléatoires tels que les tensions géopolitiques et les phénomènes spéculatifs.
Le relatif consensus des experts pour une stabilité du baril à 60 dollars en 2007 est justifié par l'entrée des Etats Unis dans un cycle de croissance plus faible.
Pour l'UFC Que Choisir, il reste un constat fondamental : la montée en puissance de la demande des pays émergents est un élément relativement structurel, qui, sur le long terme, crée une tension fondamentalement haussière sur le cours du baril. Cela ne veut pas dire qu'il y aura mécaniquement une hausse dans les deux ou trois années à venir. Cela signifie que, sur dix ans, l'hypothèse la plus probable est celle d'une forte progression du cours du baril provoquée par une forte demande mondiale.
L'UFC Que Choisir estime qu'il faut se préparer à ce scénario, même s'il n'est pas complètement certain. Toute autre attitude de la part des pouvoirs publics relèverait de la prise de risque ou de l'imprévoyance, qui, dans un domaine aussi important, ne sont pas acceptables.
Annexe 3 : Malgré la flambée du prix...
la consommation de pétrole ne baisse pas
Consommation totale de carburant en France (En millions de tonnes par an)
|
essence |
gazole |
total |
---|---|---|---|
1995 |
15,6 |
22,44 |
38,04 |
2002 |
13,10 |
29,23 |
42,33 |
2005 |
10,97 |
31,05 |
42,02 |
Source : Ufip d'après Cdpd |
Annexe 3
(suite)
Consommation de fioul domestique en France (En millions de mètres cube par an)
|
Consommation corrigée des variations saisonnières |
Consommation brute |
---|---|---|
1995 |
20,63 |
19,53 |
2002 |
20,29 |
18,45 |
2005 |
19,96 |
18,63 |
Source : Ufip |
(1) Rapport de la Cour des Comptes « Les transports publics urbains », avril 2005.
(2) Par transport collectif de proximité on entend tous les transports collectifs sauf les « grandes lignes » de trains ou de car. Il s'agit donc des transports collectifs utilisés pour des déplacements quotidiens.
(3) Etude citée par « Reducing CO2 Emissions from New cars », European Federation for Transport and Environnement, 2005. http://www.transportenvironment.org/
(4) Données ministère de l'équipement 2006 http://www.statistiques.equipement.gouv.fr/rubrique.php3?id_rubrique=264
(5) « Evaluation des politiques publiques en faveur du transport combiné rail route », rapport du commissariat général au Plan, 2003.