TVA sociale

L'analyse et la position de l'UFC-Que Choisir

Publié le : 21/06/2007 

Définition de la TVA sociale (objectifs, impacts, exemples) - L'impact consumériste - Comparaison européenne - La position de l'UFC-Que Choisir (de la TVA sociale à la TVA sociétale)

 

I - TVA SOCIALE : LES POINTS CLES

II - L'IMPACT CONSUMERISTE

III - LES COMPARAISONS EUROPEENNES

IV - L'UFC-QUE CHOISIR ET LA TVA SOCIALE

ANNEXE : LA TVA SOCIALE A DEJA ETE REFUTEE PAR BERCY

I - TVA SOCIALE : LES POINTS CLES

- Qu'est-ce que la TVA sociale ?

Cette réforme consiste à diminuer les cotisations sociales qui pèsent sur l'emploi et à compenser cette baisse par une augmentation de la TVA. Il s'agit donc de modifier le régime « bismarkien », qui revient à financer les régimes d'assurance sociale (santé, retraite, chômage) par les seules cotisations des employeurs et des salariés. Dans ce nouveau cadre, une partie des comptes sociaux est financée par l'impôt et, en l'occurrence, il s'agit de la TVA.

- Quels sont les objectifs assignés à la TVA sociale ?

Les cotisations sociales, et notamment patronales, pratiquées en France sont les plus élevées de l'Union européenne si on excepte la République Tchèque.

L'idée est de dire que les cotisations patronales sont un impôt sur l'emploi salarié et qui est payé par les entreprises. Elles viennent renchérir le coût de l'emploi et nuire à la compétitivité. Il serait donc préférable de financer les comptes sociaux par des prélèvements moins pénalisants pour l'emploi et la compétitivité des entreprises.

- Quel impact financier pour le consommateur ?

Les partisans de la TVA sociale proposent souvent une augmentation de deux à cinq points de la TVA à 19,6 % ce qui, à consommation constante, représenterait en soi un prélèvement supplémentaire de 10 à 25 milliards d'euros par an. Nous montrerons qu'en intégrant la baisse du prix de revient induite par la diminution des charges, l'effet net d'une TVA sociale à deux points peut être évalué par une dépense supplémentaire annuelle de près de6 milliards d'euros pour les consommateurs.

- Des exemples d'augmentation de prix induit par la TVA sociale

L'UFC-Que Choisir estime qu'une augmentation de deux points de la TVA à 19,6 % augmenterait les dépenses annuelles de carburants de 423 millions d'euros. L'augmentation serait de plus de 210 millions d'euros pour l'électricité et de 144 millions d'euros pour le gaz. Sur ce seul poste énergétique, augmenter de deux points la TVA revient à faire peser une dépense supplémentaire annuelle de 777 millions d'euros, soit 30 euros par ménage.

- Le consommateur français n'est-il pas déjà très taxé ?

Globalement, oui. Pour l'Allemagne, la Grande Bretagne, l'Italie, l'Espagne et les Pays Bas, soit les pays peuplés de l'Europe occidentale, la TVA est en moyenne de 18,3 % soit un niveau un peu inférieur à celui de la France. En outre, il faut noter que la TIPP sur les carburants en France, qui est le deuxième grand impôt consumériste (25 milliards par an), présente un niveau sensiblement supérieur à la moyenne européenne.

- Compenser la baisse des charges par l'impôt implique-t-il forcément d'augmenter la TVA ?

Non et il s'agit d'un point fondamental. La logique de la mesure est de compenser la baisse des charges par un impôt qui ne nuit pas, au moins directement, à la compétitivité. Cela peut être la TVA mais aussi d'autres impôts (impôt sur le revenu, CSG, etc.). Les comparaisons européennes montrent que si la France veut financer une baisse des charges elle ne doit pas se concentrer exclusivement sur la TVA mais mener une réforme fiscale très diversifiée.

haut de page

II - L'IMPACT CONSUMERISTE

TVA à 21,6 % = un prélèvement net de 6 milliards d'euros sur le budget des consommateurs

1. Une augmentation généralisée des prix à la consommation

Nous discutons d'une réforme de TVA sociale telle qu'elle est souvent présentée, notamment par la Commission des finances du Sénat. Il s'agit d'augmenter de deux à cinq points la TVA à 19,6 % pour compenser une baisse des cotisations sociales.

Les recettes nettes de TVA représentent 127 milliards d'euros en 2006. En première analyse, l'impact de la TVA sociale est très clair : une augmentation de deux points de TVA à 19,6 % représente un prélèvement de plus de 6 milliards par an sur les achats des consommateurs.

Les analyses favorables à la TVA sociale affirment que cette mesure aura un impact limité sur l'inflation des prix. Il est estimé que l'augmentation du prix par la TVA sera compensée par la baisse des charges qui va diminuer le prix de revient. En d'autres termes, la hausse des taxes est compensée par une baisse des prix hors taxes.

Cet argument se heurte à plusieurs limites :

- quoiqu'il arrive, le prix des produits importés augmente.

En effet, la TVA augmente sur tous les produits, importés ou non, et la baisse des charges ne concerne que les produits nationaux. Donc, le prix des produits importés augmente à hauteur de l'augmentation de la TVA.

Il est à noter que nombre de produits importés renvoient à des consommations assez rigides comme le pétrole, le gaz et la plupart des matières premières. Il en va de même pour les produits manufacturés dont le changement du prix comparatif induit par la réforme de TVA sociale modifiera peu le recours à l'importation (produits textiles par exemple).

- la baisse des charges ne veut pas forcément dire une baisse du prix de revient.

Les entreprises peuvent évidemment profiter de la baisse des charges pour accroître leur marge. Les entreprises peuvent aussi profiter de la baisse des charges pour embaucher ou accroître les salaires. Ces éléments sont positifs en soi, mais viennent fortement atténuer la baisse du prix de revient et donc peser sur les prix à la consommation.

Enfin, dans les secteurs à faible intensité de main d'oeuvre, la baisse des charges jouera peu sur le prix de revient et compensera faiblement l'augmentation de la TVA. Le secteur automobile illustre parfaitement ce cas de figure.

Il y a donc nécessairement une « déperdition » de la baisse des charges dont une partie ne vient pas baisser le prix de revient et ne vient donc pas compenser la hausse de la TVA.

Pour conclure, une hausse de deux points de la TVA sera en partie compensée par une modération des prix de revient et ne va pas entraîner une hausse de 10 milliards d'euros. Mais la compensation est très partielle et l'effet inflationniste resterait donc très conséquent.

12. L'étude de Bercy et le chiffrage qui en découle

La Direction de la Prévision du Ministère des Finances a simulé l'impact d'une réforme de TVA sociale pour compenser 9 milliards d'euros de baisse des cotisations sociales soit de deux points d'augmentation de la TVA normale . Elle constate que l'impact est de 0,8 points sur l'inflation. Ensuite, l'effet de l'augmentation de la TVA ne pèse plus sur l'inflation. Mais, les prix ne reviennent pas non plus à leur niveau initial. Cela veut dire que l'augmentation de 0,8 % reste de façon pérenne comme un surplus de dépense des consommateurs.

Si on considère les données INSEE, on constate que chaque ménage dépense environ 35 000 euros par an soit une dépense totale de 900 milliards par an. On peut donc évaluer l'impact de la réforme de la manière suivante :

- Une TVA sociale à deux points entraîne un prélèvement annuel net de 7 milliards d'euros et de 270 euros par ménage.

- Une TVA sociale à trois points entraîne un prélèvement annuel net de 9 à 10 milliards d'euros et de 385 euros par ménage.

- Une TVA Sociale à cinq points entraîne un prélèvement net de plus de 15 milliards d'euros soit plus de 570 euros par ménage.

En résumé, une augmentation de la TVA est de très loin la réforme la plus préjudiciable pour le budget des consommateurs.

3. Carburant, électricité, gaz : quelques exemples d'impact

L'impact de la TVA à 21,6 %

sur les prix de l'énergie

Prix juin 2007

Prix avec TVA 21,6 %

Surplus de dépensesannuelles

Surplus de dépenses annuelles par ménage

Essence

1,314 euro/litre

1,334 euro/litre

206 millions d'euros

-

Gasoil

1,081 euro/litre

1,098 euro/litre

217 millions d'euros

-

Total carburant

-

-

423 millions d'euros

16 euros

Electricité

HP 9,3 cts/kwh, HC 5,4 cts/kwh

HP 9,69 cts/kwh, HC 5,7 cts/kwh

210 millions d'euros

-

Gaz

5,15 cts/kwh

5,37 cts/kwh

144 millions d'euros

-

Total

-

-

777 millions d'euros

29,90 euros

Le tableau ci-avant simule l'impact d'une augmentation de la TVA à 21,6 % sur des produits de première nécessité tels que le carburant, qui est taxé à 19,6 %, ou l'électricité et le gaz, dont la partie variable est aussi taxée à 19,6 %.

Ces exemples sont particulièrement intéressants car ils renvoient à des consommations captives : même si le prix augmente, le consommateur est bien obligé de se déplacer ou de se chauffer.

Plus encore, avec ces produits, l'effet inflationniste de la TVA sociale joue à plein car la diminution des cotisations sociales n'impacte quasiment pas sur le prix de revient : le prix du carburant dépend surtout de la matière première et des taxes, l'électricité et le gaz sont des activités à forte intensité en capital.

Les calculs effectués pour le carburant se fondent sur la base de prix du Ministère de l'Industrie. Ceux concernant l'électricité et le gaz proviennent d'une simulation opérée sur notre indice des prix de l'électricité et du gaz (IPEG) que nous avons créé fin mai.

Les résultats sont très impactants pour les consommateurs. Une TVA à 21,6 % entraînerait une augmentation des dépenses annuelles de carburants de plus de 400 millions d'euros. Les surplus de dépense seraient de plus de 200 millions d'euros pour l'électricité et de près de 150 millions d'euros pour le gaz.

Au final, les seules dépenses énergétiques annuelles des ménages seraient augmentées de plus de 700 millions d'euros, soit 30 euros par ménage. Cette hausse dépasserait largement le milliard d'euros avec une TVA sociale à trois points.

Avec une augmentation de cinq points, les résultats sont dramatiques : les dépenses annuelles sur ces postes d'énergies augmenteraient de plus de 2 milliards d'euros, soit 80 euros par ménage.

Au vu des simulations effectuées pour l'énergie, il nous semble acquis que la TVA sociale aura un impact inflationniste très important.

L'UFC-Que Choisir ne peut donc pas accepter une telle mesure.

4. TVA à 19,6 % et TVA à taux réduits : l'impact est différencié

L'augmentation de la TVA peut toucher le taux général à 19,6 % mais aussi le taux de TVA réduit à 5,5 % ou à 2,1 %. La mise en oeuvre de la TVA sociale en France pourrait donc impliquer une hausse des trois taux, et non pas du seul taux à 19,6 %.

De façon non exhaustive, la TVA à 5,5 % concerne la plupart des produits alimentaires et des « facilités » essentielles (eau, fioul, abonnement gaz et électricité). La TVA est de 2,1 % pour les médicaments.

L'augmentation de la TVA à 5,5 % et à 2,1 % aurait un effet inflationniste particulièrement problématique pour les consommateurs. En effet, les produits concernés présentent une faible élasticité-prix : même si le prix augmente on ne diminue pas sa consommation car il faut bien manger, se soigner ou se chauffer. L'impact de la hausse est donc assez radical sur le budget des ménages.

haut de page

III - LES COMPARAISONS EUROPEENNES

Un financement par la TVA...serait une réforme inéquitable pour les consommateurs français

Un des meilleurs axes d'analyse de la TVA sociale est de comparer le poids de la fiscalité consumériste française dans le contexte européen. La comparaison permet de donner une mesure objective du niveau de la fiscalité consumériste. En effet, il n'existe pas dans l'absolu de TVA élevée ou faible. Par contre, si, par exemple, la TVA française est significativement plus élevée que la TVA en Europe, nous sommes fondés à dire que le consommateur français est taxé de façon importante.

Pour ce faire, nous utilisons deux méthodes de comparaison. La première est assez simple puisqu'elle revient à comparer les taux de TVA en France à ceux pratiqués en Europe. La seconde comparaison que nous effectuons est plus complexe car elle mesure le niveau de la fiscalité consumériste dans la structure fiscale du pays.

1 - TVA en Europe : la France est dans le grand peloton des « 19-21 »

Taux de TVA

en Europe

Taux de TVA normal

Taux de TVA réduite

France

19,6

5,5

Allemagne

19

7

Grande Bretagne

17,5

5

Italie

20

10

Espagne

16

7

Pays Bas

19

6

Suède

25

6 ou 12

Autriche

20

10

Belgique

21

6

Grèce

19

9

Danemark

25

-

Portugal

21

5 ou 12

Irlande

21

13,5

Source : commission européenne

Le tableau ci-dessus compare les taux de TVA en Europe. En dessous de la France, il est indiqué en italique les taux de TVA des pays les plus peuplés et les plus comparables avec la France. Pour l'Allemagne, la Grande Bretagne, l'Italie, l'Espagne et les Pays Bas on obtient une moyenne de 18,3 % soit un niveau un peu inférieur à celui de la France.

Plus globalement, on peut considérer un grand groupe de pays, auquel appartient la France, dont le taux de TVA est compris entre 19 et 21 %. S'écartent de ce groupe l'Espagne et la Grande Bretagne, dont le taux est plus bas, puis la Suède et le Danemark, dont le taux est bien plus haut.

On peut donc dire qu'il y a peu de marge de manoeuvre pour augmenter la TVA française : ajouter deux à trois points au taux de TVA normal en France placerait le consommateur français en troisième position sur le niveau de taxation de ses achats.

L'exemple allemand est aussi très éloquent. Ce pays a récemment augmenté sa TVA pour la faire passer de 16 à 19 %. Les partisans de la TVA sociale prennent souvent appui sur cet exemple pour demander une augmentation en France.

Il reste un fait : même après l'avoir augmenté, l'Allemagne présente un taux de TVA inférieur au taux français. Imiter l'Allemagne revient non pas à augmenter mais à baisser le taux de TVA en France pour le faire passer de 19,6 % à 19 %.

Cet exemple permet d'illustrer que, fondamentalement, le taux à 19,6 % est déjà élevé et que les comparaisons européennes plaident difficilement pour une hausse française. D'un point de vue fiscal, une marge de manoeuvre existe sur le taux de TVA réduit où le niveau français est plus bas que la moyenne européenne. Outre les défauts intrinsèques de cette mesure, il faut signaler que la seule hausse de la TVA réduite rapporterait trop peu pour obtenir une baisse significative des cotisations sociales.

Notons enfin que la TIPP sur les carburants en France, qui pèse tout de même 25 milliards d'euros par an et 20 % des recettes de TVA, est sensiblement supérieure à la moyenne européenne.

Par conséquent, quand on considère les deux grands impôts spécifiquement consuméristes (TVA et TIPP), la France est bien un pays où les taxes sur la consommation sont déjà à un niveau assez élevé.

2. Le faux argument pour la TVA sociale : il faut converger vers l'Europe

Les partisans de la TVA sociale constatent que les cotisations patronales sont bien plus élevées en France que dans la plupart des autres pays européens. Il en va donc de la compétitivité de la France de réduire ses cotisations. Ces mêmes partisans constatent aussi que dans les autres pays européens, l'impôt, au sens large, vient financer les comptes sociaux permettant d'obtenir un niveau plus faible de cotisations patronales.

Le très gros point faible de cet argument est qu'il fait trop rapidement le lien entre, d'une part, un basculement du financement des comptes sociaux vers l'impôt et, d'autre part, une augmentation centrée sur un impôt particulier qu'est la TVA. Le comparatif européen va justement montrer que converger vers la structure fiscale des autres pays n'implique pas une hausse élevée de la TVA.

Le comparatif européen n'est pas simple à mener pour une raison évidente : les niveaux globaux de prélèvement ne sont pas les mêmes selon les pays. Par exemple, le Danemark a des cotisations très faibles et une TVA très élevée. On pourrait donc supposer que converger vers le Danemark implique d'appliquer la TVA sociale. Cependant, le Danemark a aussi un impôt sur le revenu bien plus élevé qu'en France.

Prenons un autre exemple : s'inspirer du modèle britannique impliquerait de diminuer les cotisations patronales mais aussi de diminuer la TVA. Appliquer le cas britannique ne revient donc pas à faire la TVA sociale mais à décider d'une baisse générale des prélèvements obligatoires.

La meilleure option est de raisonner en termes de structure fiscale. Cela revient à regarder, par rapport aux autres pays européens, quel est le poids relatif de chaque type d'impôt en France et de déterminer dans quelle mesure il est justifié d'accroître les taxes sur la consommation.

3. La structure fiscale et les taxes consuméristes françaises dans le contexte européen

Le tableau de l'OCDE ci-après présente la structure des prélèvements dans les différents pays européens. Il est proposé la part en % de chaque impôt et cotisation dans le prélèvement fiscal du pays. Le terme « taxe consommation » signifie que l'OCDE considère toutes les taxes de consommation, c'est-à-dire principalement la TVA et, secondairement, la TIPP sur les carburants. Le tableau date de 2002 car ce type de comparaison est difficile d'un point de vue méthodologique. Nous nous en sommes tenus au comparatif le plus sérieux et le plus complet.

Structure fiscale des principaux pays européens

en 2002 (en %)

Impôts revenu

Impôts société

Cotis. employé

Cotis. employeur

Taxes consommation

Autres taxes

Danemark

53,2

5,8

2,7

0,7

33,1

-

Grande Bretagne

29,8

8,1

6,8

9,6

32,7

13

Irlande

26,6

13,1

4,5

9,6

39,5

7,1

Suisse

34,4

8,8

12

11,8

22,6

10,4

Grèce

14

10,4

12,7

15,5

37,3

10,1

Autriche

22,8

5,1

13,7

15,8

28,2

14,4

France

17,3

6,6

9,3

25,3

25,4

16,2

Allemagne*

25,1

2,3

17,6

19,8

29,2

5,5

Espagne

19,4

9

5,6

24,9

28,6

10,1

Italie

25,5

7,6

5,6

20,4

26,9

14

Suède

30,4

4,8

5,8

24,3

26,4

8,3

Moyenne UE

25,8

8,6

9,1

16,3

30,8

9,4

Source : OCDE - * Avant la réforme fiscale de 2007

Commençons déjà par comparer la France à la moyenne de l'Union européenne. Incontestablement, la France a une part élevée de cotisations patronales (25,3 % contre 16,3%).

Concernant les taxes de consommation, la France a une part plus faible que la moyenne européenne : 25,4 % contre 30,8 % soit un écart de 5,4 points. Pour l'impôt sur le revenu, la France a une part particulièrement faible : 17,3 % contre 25,8 % pour l'Europe soit un écart de 8,5 points. La part de l'impôt sur les sociétés est un peu plus faible que la moyenne européenne (6,6 % contre 8,6 %) et la France se distingue par le niveau élevé des autres taxes.

Si la France menait une réforme de baisse des cotisations patronales pour aller vers la tendance européenne, il faudrait d'abord augmenter la part de l'impôt sur le revenu et, dans une moindre mesure, la part des taxes de consommation.

On peut maintenant comparer avec les pays européens qui ont des faibles cotisations patronales, puisque c'est l'objectif majeur de la TVA sociale.

Concernant la taxe sur la consommation, il apparaît que, sur les six pays à faible cotisation, deux ont une part sensiblement plus élevée que la France (le Danemark et la Grande Bretagne avec 33 % et 32 %) deux autres un niveau beaucoup plus élevé (Irlande et Grèce) et deux autres une part comparable (Autriche et Suisse avec 28 % et 22 %).

On constate globalement une compensation des faibles cotisations patronales par un poids de TVA plus élevé, donc un schéma de TVA sociale, mais qui n'est pas toujours flagrant.

Concernant l'impôt sur le revenu, si on excepte la Grèce, tous les pays considérés ont une part plus élevée (Autriche ou Irlande) ou beaucoup plus élevée (Suisse, Grande Bretagne, Danemark). La faible part des cotisations patronales est donc aussi compensée par une plus forte part de l'impôt sur le revenu.

En outre, on peut globalement constater que la compensation par l'impôt sur le revenu est plus prononcée que la compensation par la TVA.

Conclusion : converger vers les pays européens à faible cotisation n'implique pas une hausse élevée de la TVA mais une réforme fiscale diversifiée.

On peut encore affiner la comparaison en considérant que certains pays présentent des structures fiscales beaucoup trop éloignées : les pays comme l'Irlande, la Grande Bretagne ou la Suisse ont un niveau global de prélèvement très nettement inférieur à la France ce qui biaise la comparaison (imiter ces pays n'induit pas la « TVA sociale » mais une baisse généralisée des impôts).

Un pays intéressant est l'Autriche qui est assez proche de la France avec notamment un niveau global de taxation strictement identique, ce qui permet d'avoir une comparaison non biaisée des niveaux d'imposition.

L'Autriche a une part de cotisation patronale bien plus faible que la France (15 % contre 25%). On constate que l'Autriche a une part plus élevée de taxe sur la consommation à hauteur de 2,8 points et une part plus élevée de taxe sur les revenus à hauteur de 5,5 points. Là encore, converger vers l'Autriche n'impliquerait pas une nette augmentation de la TVA.

Quel que soit l'angle considéré, on constate qu'une convergence de la France vers un modèle européen à plus faible cotisation n'induit pas une compensation par la seule TVA.

Par ce constat, l'UFC-Que Choisir n'a pas vocation à être prescripteur d'une réforme fiscale. Mais il nous permet de souligner qu'au regard des standards européens, il serait inéquitable que le poids financier de la réforme soit uniquement supporté par les consommateurs.

haut de page

IV - L'UFC-QUE CHOISIR ET LA TVA SOCIALE

Le consommateur ne doit pas être la vache à lait de la réforme fiscale

1. L'UFC-Que Choisir est opposée à la TVA Sociale

Globalement, l'UFC-Que Choisir n'est pas favorable à la réforme de TVA Sociale et à l'augmentation de la TVA.

Ce refus se fonde sur deux arguments principaux :

- L'UFC-Que Choisir est opposée à une mesure qui présente un très grand risque inflationniste sur les prix à la consommation :

Le consommateur devrait être ponctionné de plusieurs milliards d'euros par an. Sauf évolution très atypique en Allemagne, nous considérons que la TVA sociale est une mesure inflationniste sur les prix à la consommation. Son caractère exceptionnel est qu'elle touche la plupart des produits de consommation, ce qui rend l'impact financier particulièrement lourd.

Cet élément nous amène à porter un regard critique sur la TVA sociale que nous considérons comme contraire à l'intérêt consumériste.

- L'UFC-Que Choisir est opposée à une mesure qui fait injustement porter l'effort financier sur le seul consommateur :

Premièrement, le consommateur français est déjà taxé à un niveau légèrement supérieur à celui des grands pays de l'Union Européenne.

Deuxièmement, il apparaît que le grand argument des partisans de la TVA sociale est de faire converger la France vers la situation des autres pays européens où les cotisations sont plus faibles. En réalité, les comparaisons européennes montrent qu'une baisse des cotisations sociales et une convergence vers la structure fiscale européenne n'impliquent pas de faire porter tout l'effort sur l'augmentation de TVA, mais de modifier plusieurs types d'impôts. La référence européenne ne permet donc pas de fonder une mesure de TVA sociale à deux ou trois points.

Pour l'UFC-Que Choisir, cette réforme est donc inéquitable au sens où elle fait porter l'effort sur le budget des consommateurs.

Cette opposition à l'augmentation de la TVA est encore plus importante quand il s'agit des taux réduits. Les taux de TVA à 5,5 % et 2,1 % concernent souvent des biens dont la consommation est très peu compressible quel que soit le prix. L'impact sur le pouvoir d'achat serait donc particulièrement prononcé.

2. L'UFC-Que Choisir fait une proposition : de la TVA sociale à la TVA sociétale

L'UFC-Que Choisir considère qu'il n'y a pas lieu d'augmenter globalement la TVA en France. Il existe cependant des cas où la hausse de la TVA peut avoir une utilité autre que budgétaire. Pour ces catégories de produits, une hausse serait donc concevable, cette dernière pouvant compenser des baisses de taxation sur d'autres produits.

La proposition de « TVA sociétale » que nous exposons ci-après vise donc à sortir la réflexion sur cet impôt de son carcan budgétaire pour s'intéresser à l'incitation.

En tout état de cause, cette proposition se distingue radicalement d'une hausse indifférenciée de deux ou trois points de la TVA qui aurait un impact dramatique sur le budget des ménages.

L'UFC-Que Choisir a souvent rappelé que la consommation excessive de certains produits posait des problèmes de santé ou avait un impact négatif pour l'environnement.

Citons trois exemples assez représentatifs :

- les produits très riches en sucre ou en graisse, qui concourent à la progression de l'obésité,

- les parfums d'intérieur, dont la dangerosité sanitaire est établie,

- les produits suremballés, qui soutiennent la croissance des déchets.

Nous sommes aussi favorables à l'utilisation de la fiscalité incitative comme l'un des leviers permettant de modifier positivement les habitudes de consommation. Dès lors, il nous paraît plus utile de mettre à profit une éventuelle hausse de TVA pour la cibler sur une augmentation significative de la taxation des produits néfastes à la santé ou à l'environnement. Il s'agirait donc d'une « TVA sociétale ».

Enfin, si cette proposition de TVA sociétale venait à être mise en oeuvre, l'UFC-Que Choisir rappelle que la taxation incitative, si elle est intéressante, ne suffit pas à elle seule à modifier positivement les habitudes de consommation. Elle doit s'accompagner de mesures qui facilitent les reports vers des alternatives bénéfiques.

Par exemple, la hausse de la TVA sur des produits très sucrés doit s'accompagner d'une réforme de la publicité et d'une promotion des produits équilibrés, comme les fruits par exemple.

Selon cette logique, la TVA sociétale doit concerner des produits substituables dont l'augmentation du prix va faire basculer les achats des consommateurs vers des alternatives qui existent concrètement. Cette mesure serait donc critiquable pour des produits où le consommateur est très captif comme les produits pétroliers par exemple.

haut de page

ANNEXE : LA TVA SOCIALE A DEJA ETE REFUTEE PAR BERCY

Le Premier Ministre vient de demander que des études publiques soient réalisées pour évaluer la pertinence de la TVA sociale.

L'UFC-Que Choisir rappelle que cette réforme a déjà fait l'objet d'une étude par le Ministère des Finances et que l'évaluation s'est avérée plutôt négative. Il nous paraît souhaitable que cette étude soit intégrée à la réflexion gouvernementale.

Lorsque la Commission des Finances du Sénat a dressé un rapport en 2004, elle a bénéficié de deux études, une émanant du Ministère des Finances (la Direction de la Prévision) et l'autre du Centre d'observation de l'emploi.

La conclusion de la Commission des Finances est claire : « au total les simulations économiques obtenues par votre commission peuvent paraître décevantes. ».

En effet, il apparaît que cette étude de Bercy a plutôt réfuté la pertinence de la TVA sociale et, surtout, a bien mis en évidence son impact inflationniste.

La Direction de la Prévision a simulé l'impact d'une hausse de 9 milliards des recettes de TVA, soit une augmentation de deux points de la TVA à 19,6 % pour diminuer les cotisations sociales. Les résultats sont présentés dans le tableau ci-après.

L'impact est négatif sur les prix : + 0,8 % en deux ans. Plus globalement, on constate que l'effet inflationniste sur les prix à la consommation vient annuler les effets vertueux.

Impact à deux ans d'une TVA sociale à deux points

modèle Direction de la Prévision

Effet global de la réforme*

Dont baisse des cotisations sociales*

Dont hausse de la TVA*

PIB

0

0,3

-0,3

Consommation des ménages

-0,1

0,3

-0,3

Investissement des entreprises

-0,1

0,6

-0,6

Prix à la consommation des ménages

0,8

-0,8

1,5

Emplois salariés (en milliers)

23

88

-65

Taux de chômage (en points)

-0,1

-0,3

0,2

Revenu réel des ménages

0

-0,1

-0,3

Exportations

0

0,3

-0,3

Importations

-0,1

0,3

-0,3

En % sauf indication contraire - Source DGTP

Impact d'une TVA sociale à deux points

Effet à long terme

Effet global de la réforme (Hypothèse 1)

Effet global de la réforme (Hypothèse 2)

PIB (en %)

-0,1

-0,1

Investissement (en %)

-0,1

-0,2

Emplois (en milliers)

0

-2

Source DGTP

La Direction de la Prévision mesure ensuite les effets de la TVA sociale mais en considérant que la conséquence inflationniste (+ 0,8 %) joue sur la dépense publique qui est normalement indexée plus ou moins sur l'inflation. Les résultats sont compilés dans le tableau ci-dessous selon deux hypothèses dont nous ne présentons pas le détail. Il s'agit ici des résultats à long terme, soit les résultats « définitifs » : on voit que d'un résultat neutre on glisse vers un résultat un peu négatif.

L'étude propose d'autres simulations avec d'autres variantes. A chaque fois l'impact est neutre ou, plus souvent, légèrement négatif.

D'une manière générale, les avis des instituts économiques sur la TVA sociale sont assez divergents ou nuancés. Sollicité en mai 2006 sur la réforme des cotisations sociales, le Conseil de l'analyse économique a estimé que la TVA sociale était une piste à creuser mais qu'elle était loin de faire l'unanimité parmi les membres du Conseil. Il a notamment été souligné les faibles marges de manoeuvre dont dispose la France en rappelant que le taux de TVA à 19,6% est déjà assez élevé.

haut de page