Assurance emprunteur

Le scandale

Publié le : 22/10/2007 

 

I - L'UFC-Que Choisir répond à la très forte mobilisation des consommateurs. Cliquez ici.

II - Cette nouvelle mobilisation de l'UFC-Que Choisir pour répondre aux attentes des consommateurs démontre une fois de plus la nécessité de créer une action de groupe en France. Cliquez ici.

 

I - L'UFC-Que Choisir répond à la très forte mobilisation des consommateurs

1) Rappel de la problématique

L'assurance emprunteur est l'assurance souscrite par un particulier à l'occasion d'un emprunt immobilier ou d'un crédit à la consommation.

Elle est limitée à la période de crédit et assure le paiement du crédit en cas de décès et généralement d'invalidité et d'incapacité.

La loi n'impose pas la souscription de cette assurance. En pratique, elle est souvent facultative pour le crédit à la consommation, mais constitue une condition d'obtention du prêt exigée par l'établissement prêteur pour un crédit immobilier.

Dans plus de 80% des cas, l'assurance emprunteur prend la forme d'un contrat de groupe, c'est-à-dire une assurance collective souscrite par l'établissement de crédit auprès d'une compagnie d'assurance au profit de ses emprunteurs, ces derniers étant des adhérents au contrat. Même si, en théorie, le consommateur est libre de choisir son contrat d'assurance et la compagnie auprès de laquelle il va le souscrire, les établissements de crédit préfèrent placer le contrat d'assurance de la compagnie avec laquelle ils ont signé un partenariat. Ils sont en effet rémunérés pour cette souscription.

L'assurance emprunteur appartient à la catégorie des produits d'assurance vie et est donc soumise à ce titre aux règles prudentielles. Ces règles sont destinées à protéger les assurés contre les aléas de l'activité de l'assurance. En effet, dans un domaine où les risques sont particulièrement difficiles à évaluer, une sous estimation de ceux-ci peut, en cas de mauvaise conjonction des évènements, conduire les compagnies d'assurances à l'impossibilité de faire face à leurs engagements, avec tous les effets négatifs susceptibles d'être portés à l'économie dans son ensemble.

Pour éviter une telle situation, ces règles prudentielles permettent aux assureurs de surévaluer les risques liés à l'assurance emprunteur et, par voie de conséquence, les primes sollicitées.

En contrepartie de cette surévaluation, le législateur a prévu qu'en cas de différentiel observé à posteriori entre les risques estimés et les risques réalisés, les compagnies d'assurance soient tenues de redistribuer une partie des bénéfices réalisés grâce à ces contrats d'assurance aux assurés.

En effet, selon l'Article L.331-3 du Code des Assurances :

« Les entreprises d'assurance sur la vie ou de capitalisation doivent faire participer les assurés aux bénéfices techniques et financiers qu'elles réalisent, dans les conditions fixées par arrêté du ministre de l'économie et des finances ».

L'UFC-Que Choisir a démontré par deux modèles économiques basés sur les sinistres réels de la population des assurés, que les contrats d'assurance emprunteur sont très largement bénéficiaires.

Ainsi, pour les crédits immobiliers, l'UFC-Que Choisir a calculé que les « bénéfices techniques et financiers » des contrats d'assurance emprunteurs atteignent 40 % des primes versées, soit sur la période 1996-2005 : 11,56 milliards d'euros.

De la même façon, l'assurance liée aux crédits à la consommation dégage d'importants bénéfices correspondant à prés de 70 % de la prime payée par les assurés. Depuis 1997, les bénéfices cumulés atteignent 4,5 milliards d'euros.

Or, ces bénéfices devant normalement revenir aux assurés sont en réalité reversés par les compagnies d'assurance aux banques et organismes de crédit qui distribuent leur contrat d'assurance collective à l'occasion des prêts qu'elles consentent aux particuliers.

2) Rappel de l'action menée par l'UFC-Que Choisir

Ces pratiques, compte tenu de leur ancienneté et de leur ampleur, créent un préjudice considérable aux consommateurs.

L'UFC-Que Choisir a donc décidé de s'attaquer à la question, en lançant plusieurs actions pour les crédits à la consommation et les crédits immobiliers.

L'UFC-Que Choisir a tout d'abord lancé des procédures judiciaires

Le 22 mai 2007, concernant les crédits immobiliers, l'UFC-Que Choisir a assigné en justice devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, à côté d'un consommateur, la CNP et la Caisse d'Epargne pour avoir violé le principe légal de la participation des assurés aux bénéfices.

Le 18 septembre 2007, l'UFC-Que Choisir a engagé une procédure similaire à côté d'un consommateur pour les crédits à la consommation devant le Tribunal de Grande Instance de Paris contre la CNP et la société COFIDIS.

L'UFC-Que Choisir a également lancé des actions politiques

L'UFC-Que Choisir a demandé au Ministre de l'Economie de faire connaître les mesures qu'elle entend mettre en oeuvre pour permettre aux assurés d'obtenir réparation de leur préjudice passé. Madame le Ministre de l'Economie a, par lettre en date du 3 octobre 2007, indiqué avoir saisi ses services du dossier.

L'UFC-Que Choisir a par ailleurs demandé aux parlementaires l'ouverture d'une commission d'enquête pour déterminer la responsabilité de chacun des acteurs du secteur et de proposer des pistes de réformes pour plus de transparence.

L'UFC-Que Choisir a enfin lancé des actions de mobilisations auprès des consommateurs

Compte tenu de la longueur prévisible des procédures, l'UFC-Que Choisir a appelé les consommateurs à réclamer, par une lettre type auprès des compagnies d'assurances, la participation aux bénéfices devant légalement leur revenir.

Les compagnies d'assurances et les établissements financiers ont répondu négativement à ces demandes, en développant des arguments qui seront bien entendu discutés dans le cadre des procédures judiciaires lancées par l'UFC-Que Choisir.

Cette action a rencontré un très fort écho chez les consommateurs. La lettre type mise en ligne sur notre site a été téléchargée plus de 150.000 fois.

Les consommateurs ont été extrêmement nombreux à manifester leur volonté d'agir et de faire valoir leurs droits à titre individuel.

L'UFC-Que Choisir ne peut les laisser sans réponse. Elle a donc décidé de mettre à la disposition des consommateurs des outils pour ce faire.

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II - Cette nouvelle mobilisation de l'UFC-Que Choisir pour répondre aux attentes des consommateurs démontre une fois de plus la nécessité de créer une action de groupe en France

1) La multiplication des litiges de masse

L'UFC-Que Choisir a lancé en 2006 une action groupée exceptionnelle dans le secteur de la téléphonie mobile.

Pour rappel, à la suite de la décision du Conseil de la Concurrence condamnant les opérateurs de téléphonie mobile pour entente, l'UFC-Que Choisir avait ouvert au public le site www.cartelmobile.org, offrant à chaque abonné la possibilité de calculer son préjudice et de se joindre à l'action engagée par l'association.

L'UFC-Que Choisir a déposé plus de 12.500 dossiers devant le tribunal de commerce.

Cette action a nécessité des moyens hors du commun :

- des moyens humains exceptionnels : 21 salariés (20 % du personnel) ont été mobilisés pendant plus de 6 mois sur cette opération,

- des moyens financiers hors de proportion : 500.000 euros, soit la totalité de la subvention versée à l'UFC-Que Choisir par la DGCCRF cette année là,

- des moyens matériels : 3 m3 de dossiers et des locaux mobilisés pendant 6 mois.

Ainsi, malgré ces moyens importants, seules 0,06 % des victimes ont rejoint la procédure et pourront effectivement être indemnisés.

Notre association n'est malheureusement pas en mesure de déployer à nouveau de tels moyens humains et financiers.

La seule mise à disposition des calculateurs pour les consommateurs dans le cadre de cette opération « justeprime » coûte près de 40.000 euros.

Le système judiciaire est inadapté aux litiges de consommation de masse. Le droit existant ne permet manifestement pas une réparation effective des dommages subis.

Aujourd'hui, seule une petite partie des consommateurs victimes des pratiques des professionnels agit.

Le montant des indemnisations obtenues ne correspond pas au bénéfice illicite retiré par les professionnels.

Les sociétés préfèrent aller en procédure plutôt qu'indemniser tous les consommateurs victimes amiablement, la sanction financière prononcée par le tribunal étant toujours inférieure à ce que leur rapporte les pratiques frauduleuses.

Le droit ne remplit plus son rôle de régulation des activités économiques. L'instauration d'une action de groupe s'impose.

2) La nécessité d'une action de groupe : Une nécessité pour l'effectivité du droit

La justice n'étant pas rendue pour les victimes, les professionnels n'ont pas à assumer les conséquences de leurs pratiques illicites ou abusives et peuvent continuer à violer la loi en toute impunité.

L'UFC-Que Choisir ne sollicite pas l'instauration d'une action de groupe dans un but de répression systématique des professionnels, mais recherche cet effet dissuasif qui permettrait un assainissement des pratiques des professionnels.

La nécessité d'instaurer une action de groupe s'impose tant au niveau national qu'au niveau européen.

Les « consommateurs français lésés » ont indiqué ressentir une frustration et un sentiment d'injustice indéniable. Selon un sondage CSA récent (1), 84 % des français sont favorables à l'introduction d'une action de groupe en France et 57 % jugent cette réforme prioritaire.

Sur le plan européen, le processus s'est également enclenché.

Le Livre vert de la Commission européenne sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante pointait la nécessité des actions en réparation : « En ayant la possibilité d'introduire effectivement une demande d'indemnisation, chaque citoyen européen, que ce soit une entreprise ou un consommateur, deviendra plus proche des règles de concurrence et pourra participer plus activement à leur application » . Il posait la question de la création « de procédures spéciales pour l'introduction d'actions collectives et la protection des intérêts des consommateurs ».

Cette interrogation a depuis reçu une réponse positive puisque le Parlement européen, dans son rapport sur le livre vert en date 10 avril 2007, affirme la nécessité de « disposer d'un mécanisme visant à traiter les petites réclamations multiples » et pour « des raisons d'économie, de célérité et de cohérence, de reconnaître aux victimes l'exercice volontaire d'actions collectives, soit directement, soit par l'intermédiaire d'une association dont les statuts auraient pour objet une telle initiative ».

Ce sujet est depuis régulièrement évoqué, que ce soit dans la Communication de la Commission sur la stratégie en matière de politique des consommateurs pour la période 2007-2013, ou dans celle relative au marché unique pour les citoyens.

La Commissaire européenne en charge de la consommation, Madame Meglena Kuneva, mentionne régulièrement la nécessité de voies de recours et de mesures coercitives fortes dans sa stratégie de protection des consommateurs : « les consommateurs ne profiteront pas des avantages du marché unique tant que des mécanismes puissants et performants n'auront pas été mis en place pour la résolution des litiges portant sur les biens et les services ».

Certains Etats membres ont par ailleurs récemment adopté des mécanismes d'actions de groupe.

Les discussions qui se déroulent tant au niveau communautaire, qu'au sein des Etats membres, indiquent que l'introduction d'un mécanisme d'action de groupe est inéluctable si l'on veut rétablir la confiance du consommateur et redonner toute son effectivité aux règles du droit de la consommation.

L'UFC-Que Choisir, confrontée au quotidien à la nécessité de pallier à l'insuffisance du système judiciaire pour que les consommateurs puissent faire valoir leurs droits, presse le gouvernement d'oeuvrer pour la création d'une véritable action de groupe.

Le Ministre de l'économie et le secrétaire d'Etat à la consommation ont d'ailleurs été saisis de la question par une lettre de mission du Président de la République rendue publique le 11 juillet 2007, les chargeant de légiférer sur la question.

L'UFC-Que Choisir, à l'instar de plus de 102.000 français ayant signé la pétition demandant la création de cette procédure, attend des pouvoirs publics un mécanisme efficace basé sur l'opt out.

Seul ce mécanisme permettant à toutes les « victimes » de faire partie de la procédure sans avoir à se manifester avant la décision, conduira les juges à sanctionner pleinement les professionnels à hauteur des bénéfices indûment perçus.

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(1) Sondage réalisé les 28 et 29 mars 2007, à l_initiative de la CLCV et de l_UFC-Que Choisir, associations de défense de consommateurs françaises, sur un échantillon national représentatif de 1003 personnes âgées de 18 ans et plus.