Les publicités de l'industrie agroalimentaire
Influence sur les préférences et les comportements alimentaires des enfants
Publié le :
26/09/2006
Les buts assignés à cette étude sont d'une part d'examiner si les publicités influencent ou non les préférences alimentaires des enfants et les décisions d'achat des parents et d'autre part d'estimer le type de publicités télévisées auxquelles sont soumis en France les enfants pendant les horaires qui leur sont consacrés en relevant les catégories de produits alimentaires les plus représentées.
SOMMAIRE
- 1. Introduction
- 2. Contexte
- 3. 1. Obésité : une progression alarmante
- 4. Comparaison des moyennes d'IMC d'études nationales réalisées en France, en Angleterre et aux Etats Unis (garçons et filles)
- 5. 2. Des apports alimentaires beaucoup trop riches
- 6. 3. Influence de la publicité : les limites des études existantes
- 7. Les choix méthodologiques
- 8. 1. Réalisation pratique de l'étude
- 9. a) Echantillonnage
- 10. b) Traitements statistiques
- 11. 1. Une forte exposition des enfants à la télévision
- 12. Estimations des enfants (en fréquence)
- 13. 2. Des enfants « forts en pub »
- 14. Résultats : les réponses par publicité sont les suivantes :
- 15. 3. Les publicités donnent envie de manger les produits
- 16. 4. Les parents trouvent les publicités influentes
- 17. L'enfant se sent-il influencé dans ses choix alimentaires
- 18. 5. Les publicités incitent les enfants à réclamer
- 19. Fréquence de réclamation des produits vu à la TV
- 20. 6. Entre deux produits, les enfants préfèrent les marques
- 21. 7. Les enfants influent sur les achats de leurs parents
- 22. a) Les enfants savent faire céder leurs parents
- 23. Résister à ces demandes, c'est ...
- 24. 8. Conclusion
- 25. 1. Méthodologie
- 26. b) Comment évaluer les consommations réelles des enfants ?
- 27. D'après ce graphique, on constate :
- 28. En ce qui concerne le contenu des placards et des réfrigérateurs :
- 29. 3. Entre les repas : viennoiseries, gâteaux et confiseries
- 30. Préférences spontanées :
- 31. Contenu des placards et des réfrigérateurs :
- 32. 4. Parents et enfants divergent sur les boissons entre les repas
- 33. Préférences spontanées des enfants :
- 34. Contenu des placards et des réfrigérateurs :
- 35. On observe :
- 36. 5. Le week-end : une domination écrasante de la restauration rapide
- 37. On relève :
- 38. Nota :
- 39. 6. Conclusion
- 40. L'INFLUENCE DE LA PUBLICITE
- 41. 1. Méthodologie
- 42. - Les « forts consommateurs » de télévision et de marques : 30 %
- 43. a) Le comportement des parents :
- 44. b) Le contenu des placards et des réfrigérateurs :
- 45. c) Les caractéristiques de population
- 46. On note ici une sur-représentation :
- 47. 4. Conclusion
- 48. Relevé et analyse des publicités télévisées
- 49. 1. Méthodologie
- 50. Nous n'avons pas retenu en revanche :
- 51. On observe également :
- 52. La pyramide alimentaire
- 53. On observe :
- 54. b - Des arguments nutritionnels sans rapport avec la réalité des produits
- 55. Analyse des scénarii des spots publicitaires portant sur des aliments
- 56. 3. Conclusion
- 57. Conclusion générale
Introduction
En 2006, 12,4 % des français sont obèses et 29,2% en surpoids : c'est donc au total 41,6% de la population qui est concernée. Les enfants sont tout particulièrement touchés, ainsi 19% des enfants de 8 ans sont obèses ! L'inflation continue de ces chiffres confirme que l'obésité sera un des principaux problèmes de santé publique pour les prochaines décennies. Malgré certaines mesures mises en place en France (création du Programme National Nutrition Santé, intégration du fait nutritionnel dans les programmes scolaires...), l'obésité, loin de s'arrêter, continue sa progression à raison de 5,7% par an, selon une courbe qui est comparable à celle que connaissaient les Etats-Unis dans les années 70. Il est donc urgent d'agir dès maintenant, non pas sur telle ou telle cause prise isolément, mais bien sur l'ensemble des facteurs contribuant à l'obésité.
Parmi les différents facteurs identifiés (manque d'activité physique, offre alimentaire déséquilibrée, consommations alimentaires excessives, hérédité...), le rôle de la publicité télévisée sur les préférences alimentaires et donc sur les comportements alimentaires, est fréquemment évoqué. Certes, de nombreuses études de marketing montrent que la publicité permet de faire progresser la part d'une marque donnée à l'intérieur de la catégorie de produits dont elle fait partie. Mais ces études ne disent pas si la publicité fait en outre progresser la consommation de l'ensemble de cette catégorie de produits au détriment d'autres aliments. En pratique, très peu d'études se sont attachées à étudier le lien potentiel entre publicité et comportements alimentaires. Par ailleurs, les plus reconnues sont anciennes ou étrangères. Compte tenu de l'urgence que constitue l'obésité, il est donc vital de disposer d'une étude récente, réalisée sur la population française.
Les buts assignés à cette étude sont les suivants : d'une part examiner si les publicités influencent ou non les préférences alimentaires des enfants et les décisions d'achat des parents et d'autre part estimer le type de publicités télévisées auxquelles sont soumis en France les enfants pendant les horaires qui leur sont consacrés en relevant les catégories de produits alimentaires les plus représentées. Elle se décompose en deux parties : un premier volet est consacré aux préférences et aux comportements alimentaires par le biais d'une enquête en face à face auprès de 704 parents et enfants, le deuxième volet s'attachant à l'analyse quantitative des publicités diffusées sur des chaînes de télévision nationales et spécialisées.
Contexte
1. Obésité : une progression alarmante
- En 2006, 12,4% des français sont obèses et 29,2% sont en surpoids. Au total, c'est donc 41,6 % de la population française qui est en surpoids ou obèse.
- 10 à 12,5% des enfants de 5 à 12 ans sont obèses avec un pic de 19% pour les enfants de 8 ans.
- Les coûts de l'obésité en Europe sont estimés entre 75 à 130 milliards d'euros par an (Europe des 15)
Des mesures ont été prises au niveau français pour lutter contre ce phénomène : élaboration d'objectifs nutritionnels par le PNNS, intégration du fait nutritionnel dans les programmes scolaires, actions de sensibilisation et de dépistage au niveau local.
Pourtant les chiffres de l'obésité sont en augmentation de façon dramatique depuis quelques années à raison de 5,7% (1) par an et selon une courbe qui est comparable à celle que connaissaient les Etats-Unis dans les années 70 :
2. Des apports alimentaires beaucoup trop riches
L'apport alimentaire moyen en France est trop riche, nous consommons :
- Trop de matières grasses : 40% de l'énergie est apportée par les matières grasses alors qu'elle devrait se situer entre 15 et 30%,
- Trop de sucres : ils apportent 17,5% de l'énergie, alors qu'ils ne devraient pas dépasser 10% ,
- En parallèle, on observe depuis les dernières décennies, le développement de nouveaux produits sucrés et gras. Ce développement s'est traduit par une forte hausse de la consommation : boissons gazeuses (+ 26%), biscuits (+ 31%) sur les 15 dernières années (source Insee).
3. Influence de la publicité : les limites des études existantes
Parmi tous les facteurs pouvant contribuer à l'obésité, peu d'études ont porté sur l'influence de la publicité :
a - Une étude menée en 2002 pour le compte de la Direction Générale de la Santé a montré que 70% des publicités diffusées pendant les programmes pour enfants portent sur des produits alimentaires et que parmi celles-ci 70% concernent des produits particulièrement sucrés et/ou gras. Un deuxième volet de cette étude semblait montrer une forte imprégnation des publicités télévisées chez les enfants étudiés. Cependant, la petite taille de l'échantillon étudié et le faible nombre de questions posées ne permettait pas de conclure de manière tranchée sur l'influence de la publicité.
b - Une autre étude réalisée pour la UK's Food Standards Agency (FSA), a établi que la publicité pour les produits alimentaires a une influence sur les préférences, le comportement d'achat et la consommation des enfants, et que cette influence porte aussi bien sur la préférence de la marque mise en avant que de la catégorie de produits concernés. Cependant, il s'agit d'une étude étrangère, consistant par ailleurs en une revue bibliographique.
Les choix méthodologiques
En ce qui concerne strictement les aspects méthodologiques, l'étude se répartit en deux volets :
- Un premier consacré aux préférences et comportements alimentaires, qui consiste en une enquête en face à face auprès de 704 personnes (352 parents et 352 enfants),
- Un deuxième consacré à l'analyse des publicités diffusées qui comprend un relevé, et une analyse des publicités diffusées sur les chaînes françaises pendant deux semaines consécutives.
Nota : le plan de ce rapport ne reprend pas ce découpage, ce paragraphe détaille les choix méthodologiques du premier volet : l'enquête en face à face, quant à ceux du deuxième volet, ils sont détaillés à la partie « Relevé et analyse des publicités télévisées ».
Etudier l'influence de ces publicités sur les comportements alimentaires des enfants, implique d'examiner l'ensemble des maillons qui pourraient constituer la chaîne de causalités reliant la publicité au comportement alimentaire. Ces différents maillons sont dans l'ordre :
- Modalités de visionnage de la publicité par les enfants (fréquence, durée),
- Imprégnation de ces publicités chez les enfants,
- Les rapports des parents et des enfants à la publicité,
- Les relations parents-enfants dans le domaine alimentaire,
- Les préférences alimentaires des enfants,
- Les consommations réelles des enfants.
Lors des entretiens en face à face, de nombreuses questions explorant chacun de ces différents « maillons », ont été posées aux parents (42 questions) comme aux enfants (31 questions).
Les réponses à certaines questions ont été isolées et détaillées dans cette étude, car elles permettent de donner un éclairage sur des points majeurs. C'est le cas en particulier pour les préférences alimentaires spontanées des enfants pour différents moments de consommation alimentaire, ainsi que pour l'estimation des consommations réelles des enfants.
D'autres questions en revanche, n'ont pas pour but d'être interprétées isolément, soit parce que la validité d'une réponse déclarative est faible pour ce type de question, soit parce qu'elles ne suffisent pas à elles seules pour établir une conclusion sur un sujet donné. En revanche, ajoutées aux autres questions par le biais des tris croisés et de l'analyse des profils, elles permettent d'isoler différents types de familles selon leur rapport et leurs attitudes vis-à-vis de la télévision et des publicités.
1. Réalisation pratique de l'étude
La réalisation pratique de l'étude a été faite par la Société SPAD pendant le mois d'avril 2006 sous la forme d'un sondage, comprenant 704 interviews en face à face auprès de 352 familles.
Lors de la rédaction du questionnaire nous nous sommes efforcés de limiter les biais inhérents à toute étude déclarative. Dans la mesure du possible, nous avons privilégié les questions ouvertes, notamment pour les questions portant sur les préférences spontanées de produits alimentaires. Dans quelques cas, celles-ci ont été relevées par rapport à des grilles de réponses-types prédéterminées afin d'en faciliter la saisie et l'analyse. Dans le cas où une question fermée était inévitable, nous avons choisi la formulation la plus neutre possible pour éviter d'induire une réponse.
Le mode de recueil choisi pour l'enquête sur le terrain est l'administration du questionnaire en face à face. Les interviews ont été réalisées à domicile, car nous souhaitions pouvoir relever le contenu des placards alimentaires et des réfrigérateurs des familles. Les enfants et les parents ont été interviewés individuellement et seuls, sans la présence des autres membres de la famille. Un seul parent, généralement la mère de famille, a été interrogé par famille.
L'enquêteur saisissait les réponses directement sur un ordinateur portable, en suivant le déroulé du questionnaire présenté sous format CAPI (programme et présentation informatique gérant le déroulement des questions, ainsi que les différentes modalités de réponse).
Dans les tests de préférence entre deux produits alimentaires, ainsi que pour l'aide à la détermination (dans le cas de non réponse), l'enquêteur a présenté les photos des produits stockées sur l'ordinateur portable.
a) Echantillonnage
La taille de l'échantillonnage a été fixée à 700 personnes minimum (50% de parents et 50% d'enfants), de manière à assurer la validité statistique confortable des résultats. La constitution de l'échantillonnage a été réalisée selon la méthode des quotas définis au préalable sur les paramètres suivants : catégories socioprofessionnelles, sexe et âge de l'enfant.
Les instituts de sondage considèrent que l'on peut interroger un enfant avec une bonne fiabilité des réponses à partir de sept ans. Quant à la limite supérieure de l'âge, nous l'avons fixée de manière arbitraire à 14 ans, le coeur de notre cible d'étude étant les enfants et les préadolescents.
La répartition géographique a été réalisée en tenant compte des tailles d'agglomération et du poids des régions : (selon les neufs régions françaises métropolitaines « UDA » : Nord, Est, Bassin parisien Est, Région Parisienne, Bassin Parisien Ouest, Ouest, Sud Est, Sud Ouest et Méditerranée).
b) Traitements statistiques
Cette phase comprend la préparation de la base d'étude, les contrôles de cohérence, les tris à plats, les tris croisés (selon le profil socio-démographique), et l'analyse typologique des enfants et des parents. L'ensemble de ces étapes a été réalisé par la société SPAD.
Les tris à plats (c'est-à-dire les résultats bruts des réponses exprimées en pourcentages totaux) ont été effectués pour toutes les questions et pour l'ensemble des répondants. En ce qui concerne les tris croisés et la détermination des profils, un rappel succinct de la méthodologie utilisée est donné dans la partie consacrée aux résultats de l'enquête.
Une forte exposition des enfants à la publicité et un impact indéniable sur leurs préférences alimentaires
La première étape de l'étude consiste à étudier le niveau général d'exposition des enfants à la publicité et l'impact potentiel que le visionnage d'une publicité donnée peut avoir sur l'envie de manger le produit ou sur les produits que les enfants réclament à leurs parents notamment lors des courses alimentaires.
1. Une forte exposition des enfants à la télévision
Nous avons demandé d'estimer le temps que l'enfant passe devant la télévision :
Les estimations horaires données par les parents, donnent les résultats moyens suivants :
- Jour de semaine : 1 heure 48 min. ( écart-type : 58 min.)
- Mercredi : 2 heures 46 min. (écart-type : 1 heure 40 min.)
- Samedi : 2 heures 54 min. (écart-type : 1 heure 56 min.)
Estimations des enfants (en fréquence)
|
Tous les jours |
Une ou plusieurs fois par semaine |
Rarement ou jamais |
---|---|---|---|
Matin |
35 % |
16.5 % |
48.5% |
En rentrant de l'école |
60 % |
25 % |
15 % |
Soir |
36 % |
43 % |
21 % |
On note qu'une forte majorité d'enfants regarde tous les jours les programmes télévisés de fin d'après-midi et donc, très probablement, les publicités qui sont diffusées à ce moment.
De plus, nos enquêteurs ont relevé que 32 % d'enfants ont la télévision dans leur chambre.
2. Des enfants « forts en pub »
L'influence de la publicité est un élément qui est particulièrement difficile à déterminer, compte tenu de l'influence potentiellement inconsciente de la publicité chez les adultes et à fortiori chez les enfants. Nous avons donc choisi tout d'abord d'étudier cette influence de manière indirecte en vérifiant de manière factuelle la connaissance que les enfants peuvent avoir de certaines publicités.
Nous avons choisi des publicités largement diffusées sur les écrans quelques temps avant l'étude et concernant trois produits susceptibles de couvrir un public large d'enfants et préadolescents :
- Les céréales du petit-déjeuner « Lion » de Nestlé,
- La crème dessert Danette de Danone dans le spot faisant intervenir Lilian Thuram,
- Les sucettes Chupa-Chups pour un spot qui se passe dans un bus.
Nous avons demandé également à l'enfant de décrire la publicité, de manière à ce que l'enquêteur puisse vérifier que l'enfant a effectivement vu la publicité, afin de ne pas comptabiliser des réponses systématiquement positives.
Résultats : les réponses par publicité sont les suivantes :
- Publicité « Lion » de Nestlé : vue par 70 % des enfants
- Publicité « Danette » :vue par 69 % des enfants
- Publicité « Chupa-Chups » :vue par 46 % des enfants
On relève donc un fort taux de pénétration de ces trois publicités chez les enfants que nous avons interrogés.
3. Les publicités donnent envie de manger les produits
On a demandé aux enfants ayant vu les publicités si celles-ci leur donnent envie de manger le produit. Les résultats sont les suivants :
a) Publicité « Lion » de Nestlé : donne envie à 54 % des enfants qui l'ont vue,
b) Publicité « Danette » :donne envie à 65 % des enfants qui l'ont vue,
c) Publicité « Chupa-Chups » :donne envie à 57 % des enfants qui l'ont vue.
Avec les limites de toute étude déclarative, les réponses à cette question semblent révéler que les publicités ont une certaine influence sur les préférences des enfants, puisque pour les trois publicités étudiées, les enfants sont capables de reconnaître de manière consciente l'influence de la publicité sur leurs préférences.
4. Les parents trouvent les publicités influentes
Nous avons demandé aux parents d'estimer si leur enfant est plus ou moins influencé dans ses choix alimentaires par les publicités.
L'enfant se sent-il influencé dans ses choix alimentaires
|
Pourcentages |
Regroupements de réponses |
---|---|---|
Oui tout à fait |
25 % |
71 % |
Plutôt oui |
46 % |
71 % |
Plutôt non |
20 % |
28 % |
Pas du tout |
8 % |
28 % |
NSP |
1 % |
/ |
Les chiffres sont suffisamment éloquents et indiquent qu'une très forte majorité de parents perçoit l'influence de la publicité sur leurs enfants.
5. Les publicités incitent les enfants à réclamer
Notre tableau ci-dessous résume les réponses des parents sur l'estimation de la fréquence avec laquelle les enfants leur réclament des produits qu'ils ont vus à la télévision :
Fréquence de réclamation des produits vu à la TV
|
Pourcentages sur exprimés |
Regroupement des réponses |
---|---|---|
jamais |
14 % |
67 % |
de temps en temps |
53 % |
67 % |
assez souvent |
20 % |
32 % |
très souvent |
12 % |
32 % |
NSP |
1 % |
/ |
Il est à noter qu'un tiers des parents, c'est-à-dire une forte minorité, trouve que leurs enfants réclament assez ou très souvent des produits vus à la télévision.
6. Entre deux produits, les enfants préfèrent les marques
Nous avons testé la préférence spontanée des enfants entre deux produits, l'un mis en avant dans des publicités, l'autre ne bénéficiant d'aucune publicité. Les catégories choisies concernent des produits souvent mis en scène dans les publicités : les céréales du petit déjeuner et les boissons gazeuses. Nous avons pris soin de choisir des produits avec des présentations d'emballage proches.
- Dans le cas des céréales du petit déjeuner, nous avons choisi Chocapic de Nestlé, ainsi qu'un produit comparable à marque de distributeur Casino.
- Dans le cas des boissons gazeuses, nous avons choisi le Coca-Cola standard, ainsi que le Cola de Casino.
- En ce qui concerne les céréales du petit déjeuner, les céréales Chocapic sont préférées par 77 % des enfants,
- Dans le cas des colas, 95 % des enfants préfèrent la marque Coca-cola.
Ces chiffres dénotent une préférence écrasante des enfants pour les produits mis en avant dans les publicités.
Dans le cas où les enfants ont choisi Chocapic ou Coca-Cola, nous leur avons demandé s'ils ont vu précédemment des publicités à la télévision pour ce produit :
- 53 % des enfants préférant Chocapic se souviennent avoir vu une publicité pour ce produit
- 70 % des enfants préférant Coca-Cola se souviennent avoir vu une publicité pour ce produit.
7. Les enfants influent sur les achats de leurs parents
La relation parents-enfants est un point capital de l'étude. Les parents sont directement responsables de l'alimentation de leurs enfants (au minimum dans les premières années), du fait des produits qu'ils achètent à leurs enfants, des rythmes et des modes d'alimentation qu'ils ont eux-mêmes et qu'ils vont transmettre à leurs enfants, de la surveillance qu'ils peuvent exercer ou pas sur les consommations de leurs enfants et enfin compte tenu du discours qu'ils peuvent tenir sur l'alimentation en général et le cas échéant sur la nutrition. Dans le cas d'une influence potentielle des publicités, si l'enfant réclame un produit qu'il a vu à la télévision, le rôle des parents sera capital selon qu'il cède ou non aux demandes de l'enfant.
a) Les enfants savent faire céder leurs parents
Nous avons demandé aux enfants amateurs respectivement de ces produits, si leurs parents achètent le produit dans le cas où ils le réclament.
Pourcentage de familles dont les parents achètent le produit lorsque l'enfant le réclame :
- « Lion » de Nestlé : 84 %
- « Danette » : 87 %
- « Chupa-Chups » : 82 %
Ces chiffres doivent là encore être pris avec précaution, car il s'agit d'une part de déclaratif et la question peut induire un biais.
En revanche, les sous-populations concernées sont en nombre suffisamment important (de 65 à 112 individus selon le produit) pour donner une valeur statistique à cette réponse. Malgré la réserve précédente, le niveau de réponse positive particulièrement élevé à cette question est particulièrement éloquent et contribue à établir le rôle prescripteur des enfants sur les achats des parents, y compris dans le cas de produits sans intérêt nutritionnel.
b) Les parents résistent difficilement aux demandes de leurs enfants.
Nous avons également demandé aux parents si résister à ce type de demandes est ou non difficile.
Résister à ces demandes, c'est ...
|
Pourcentages sur exprimés |
Regroupement des réponses |
---|---|---|
Très facile |
11 % |
57 % |
Plutôt facile |
46 % |
57 % |
Assez difficile |
34 % |
40 % |
Très difficile |
6 % |
40 % |
NSP |
3 % |
/ |
Nous voyons dans ce tableau que pour une forte minorité de parents il est difficile de résister aux demandes des enfants, d'ailleurs, le premier motif mentionné par les parents pour accéder aux demandes des enfants est le besoin de faire plaisir à l'enfant avec 65 %. Même en cas de refus, l'intérêt nutritionnel des produits ne semble pas constituer la motivation majeure car l'équilibre alimentaire n'arrive qu'en 3e position avec 19 % des réponses, après l'autorité parentale et le prix. |
8. Conclusion
La première partie de cette étude met en lumière :
- Une forte exposition des enfants aux publicités du fait du temps important passé en moyenne devant la télévision, avec pour un tiers d'entre eux la présence directe de la télévision dans leur chambre,
- L'impact indéniable de la publicité, confirmé par les déclarations des parents, par la bonne connaissance que les enfants ont en moyenne des spots, par l'envie de consommer les produits que ces spots donnent aux enfants et enfin par la préférence systématique donnée aux produits mis en avant dans les publicités,
- En final, l'influence de ces publicités se traduit par les demandes d'achats que les enfants adressent à leurs parents, demandes auxquelles une partie importante des parents ne sait pas résister !
A ce stade de l'étude, ces éléments permettent donc de tirer un premier enseignement sur l'influence des publicités : celles-ci contribuent à construire l'idéal alimentaire des enfants, idéal qui va se retrouver dans les produits que les enfants réclament à leurs parents.
Comparaison entre les préférences alimentaires des enfants et la réalité de leurs consommations
Alors que dans la partie précédente nous avons établi l'influence des publicités sur la construction de l'idéal alimentaire des enfants, il s'agit maintenant dans cette deuxième partie de l'étude de déterminer quel est concrètement cet idéal alimentaire chez les enfants et de le confronter à ce que les enfants mangent effectivement au quotidien. Nous avons choisi d'étudier quatre moments ou types de consommation, susceptibles d'être influencés par les publicités télévisées :
- Le petit déjeuner,
- Manger entre les repas,
- Boire entre les repas,
- Le lieu du repas pour le week-end (pour des raisons de difficultés méthodologiques évidentes, seul le volet « préférence des enfants » a été étudié pour ce moment de consommation).
1. Méthodologie
a) Comment connaître les aliments que préfèrent les enfants ?
Il est important de noter que dans cette partie nous ne cherchons pas à connaître les produits que l'enfant mange ou boit dans sa réalité quotidienne. Il s'agit au contraire de faire ressortir l'idéal de l'enfant pour un moment de consommation donnée.
Nous avons demandé aux enfants et aux parents de nous indiquer quels aliments l'enfant préfère spontanément (ou dans quel lieu il préfère manger), même si ces produits (ou ces lieux) ne sont pas nécessairement ce qu'il consomme. Pour limiter les biais, la question posée est une question ouverte, l'enquêteur n'aidant ni dans le choix, ni dans la formulation des réponses. Dans le relevé de la réponse, on note également si le parent et l'enfant citent spécifiquement des marques commerciales ou bien seulement des catégories génériques de produits alimentaires.
b) Comment évaluer les consommations réelles des enfants ?
Il est particulièrement difficile de connaître les consommations alimentaires réelles d'une population. Plusieurs études, telles que celle réalisée par la Société Findus en 2005 , ont prouvé l'écart considérable entre le déclaratif et la réalité des consommations.
En effet, les réponses données lors d'une enquête déclarative ont très peu de fiabilité, compte tenu des nombreuses considérations pouvant interférer : soucis de ne pas paraître trop éloigné des recommandations nutritionnelles en présence d'un tiers, prise en compte du prix des produits, difficulté à apprécier soi-même de manière fiable les consommations réelles, etc. C'est pourquoi nous avons préféré demander aux parents de nous autoriser à examiner le contenu de leurs placards et de leurs réfrigérateurs, en nous montrant quels sont, pour chaque moment de consommation, les quatre produits les plus consommés.
Cet examen ne donne aucune information sur les fréquences et les quantités consommées. Il ne prend pas non plus en compte des produits susceptibles d'être achetés au jour le jour et qui ne seraient pas présent au moment de l'enquête, mais il met en lumière la présence ou l'absence d'une catégorie de produits alimentaires dans la diète familiale, ainsi que le nombre de produits appartenant à telle ou telle catégorie.
2. Pour le petit-déjeuner : une sur-représentation des céréales les plus sucrées
Nous avons considéré que seuls les produits suivants ont un intérêt nutritionnel :
- Céréales du petit déjeuner : ayant moins de 33 % de sucres et 10 % de matières grasses,
- Pain et tartines, biscuits : du fait de la présence de sucres complexes,
- Tous les produits laitiers : du fait de l'apport de calcium,
- Fruits.
Par ailleurs, seuls les aliments solides ont été pris en compte dans cette question.
Le graphique ci-dessous représente les catégories que préfèrent spontanément les enfants, ainsi que leur l'intérêt nutritionnel :

D'après ce graphique, on constate :
- Les céréales fortement sucrées constituent la première catégorie citée avec 38 % de l'ensemble des citations (les céréales moins sucrées étant proportionnellement 6 fois moins citées)
- Les viennoiseries et gâteaux occupent le deuxième rang devant le pain et les tartines,
- Très faible nombre de citations des produits laitiers,
- La quasi absence des fruits,
- Lorsque l'on ajoute viennoiseries, gâteaux et confiseries, on constate que plus des deux tiers des produits préférés par les enfants pour le petit déjeuner sont trop sucrés ou trop gras,
- D'une manière générale, les enfants privilégient les aliments ou les catégories d'aliments les plus sucrés pour le petit déjeuner.
En ce qui concerne le contenu des placards et des réfrigérateurs :
- Les céréales les plus sucrées restent la première catégorie avec 31 % des relevés,
- Les pains et tartines passent au deuxième rang devant les viennoiseries et les gâteaux,
- Une présence plus élevée, mais malgré tout assez faible des produits laitiers (12 %),
- Les fruits restent quasiment absents pour cette occasion de consommation,
- Près de la moitié des produits relevés pour le petit déjeuner sont trop sucrés ou trop gras.

Si on analyse les écarts observés entre préférence des enfants et contenu des placards, on observe :
- Moins de viennoiseries et de gâteaux dans la réalité, les parents évitant probablement de céder systématiquement aux demandes des enfants,
- Un peu plus de produits laitiers et de biscuits,
- Une diversité plus marquée des produits,
- Au global une qualité nutritionnelle un peu moins mauvaise.
3. Entre les repas : viennoiseries, gâteaux et confiseries
Nota : nous avons considéré que seuls les produits suivants ont un intérêt nutritionnel :
- Pain et tartines, biscuits : du fait de la présence de sucres complexes,
- Produits laitiers : du fait de l'apport de calcium,
- Fruits,
- Céréales du petit déjeuner : pour simplifier l'analyse et compte tenu des faibles fréquences de citation, nous avons retenu l'ensemble de cette catégorie.
Préférences spontanées :

- Les viennoiseries et les gâteaux constituent la première catégorie citée avec 32 % des citations enfants,
- Les confiseries constituent la deuxième catégorie citée avec 26 % des citations,
- On note le faible rang du goûter traditionnel pain ou tartines (14 %),
- Avec 8 % des citations, les fruits ne viennent qu'en 5e rang des préférences,
- Au global, 60 % des produits préférés par les enfants sont trop sucrés ou trop gras
D'une manière générale, on observe que les enfants privilégient un faible nombre de catégories d'aliments et notamment les plus sucrées, au détriment de la diversité et des autres catégories moins sucrées.
Contenu des placards et des réfrigérateurs :

Par rapport aux préférences spontanées, on observe assez peu d'écarts.
- Les gâteaux-viennoiseries restent la première catégorie citée avec 28 % des citations,
- Les confiseries restent la deuxième catégorie relevée avec 22 %,
- L'ordre est modifié, pour les biscuits qui passent au troisième rang devant les pains et tartines,
- La proportion de fruits reste identique,
- Les produits laitiers sont un peu plus présents,
- Au global, 60 % des produits préférés par les enfants et plus de la moitié des produits présents dans les placards sont trop sucrés ou trop gras.
En ce qui concerne les écarts observés entre préférence et contenu des placards, on voit que les confiseries sont un peu moins présentes dans les placards et qu'au contraire les biscuits sont plus souvent représentés.
4. Parents et enfants divergent sur les boissons entre les repas
Nous avons considéré que seuls les eaux (minérales ou du robinet) et les jus de fruits peuvent être retenus pour leur intérêt nutritionnel :
Préférences spontanées des enfants :

- 64 % des citations concernent des boissons fortement ou moyennement sucrées,
- Les jus de fruits et les eaux (minérales ou du robinet) sont à égalité et ne représentent à eux deux qu'un tiers des citations.
Là encore, les préférences des enfants se portent sur les catégories de boissons les plus riches en sucres ajoutés.
Nota : la catégorie « sodas et autres boissons sucrées » se subdivise :
- D'une part en boissons fortement sucrées, telles que le Coca-Cola standard (avec 39 % du total des citations, 102 g de sucre par litre) et les sodas aromatisés sucrés 10 % des citations (par ex. Orangina, Sprite, Schweppes : de l'ordre de 100 g de sucre par litre)
- D'autre part en boissons moyennement sucrées, généralement non gazeuses qui représentent 9 % des citations (par ex. Oasis, Ice Tea : de 50 à 70 grammes de sucre par litre).
Contenu des placards et des réfrigérateurs :

On observe :
- Les eaux minérales ou du robinet constituent la première catégorie de boissons avec 40 % des relevés,
- Les boissons sucrées constituent le deuxième poste avec 34 % des relevés,
- En additionnant eaux, jus de fruits et sodas lights, on obtient 66 % de boissons susceptibles d'avoir un intérêt nutritionnel.
Contrairement aux autres moments de consommation, on observe ici une différence très importante entre les préférences exprimées et le contenu des placards, du fait des boissons sucrées qui sont sur-représentées dans les préférences des enfants.
5. Le week-end : une domination écrasante de la restauration rapide
Le graphique ci-dessous résume les lieux préférés des enfants pour manger le week-end :

On relève :
- Une majorité très nette de citations en faveur de la restauration rapide qui constitue 56 % des citations,
- La maison et les proches (famille, amis, ...) constituent le deuxième poste de citations,
- La restauration traditionnelle (par ex. le restaurant « d'à coté ») vient en troisième position, suivie par les chaînes de restauration (Flunch, Buffalo Grill, Hippopotamus ...).
Nota :
- L'analyse détaillée des réponses pour la catégorie « restauration rapide », montre qu'une seule marque constitue à elle seule près de la moitié des réponses (Mc Donald's : 47 % des citations des enfants),
- Indépendamment de la qualité nutritionnelle des repas servis dans tel ou tel lieu, la première information à retirer de ces graphiques est la faible place du foyer familial ou amical dans l'idéal nutritionnel des enfants, en faveur d'autres types de restaurations à l'extérieur des foyers. Ceci peut contribuer au fait que l'univers familial transmet de moins en moins les habitudes alimentaires au profit d'autres vecteurs.
6. Conclusion
Dans cette deuxième partie nous avons constaté que :
- Pour tous les moments de consommation étudiés, l'idéal alimentaire des enfants est particulièrement sucré et dans certains cas également gras,
- Cet idéal est en complète contradiction avec les recommandations des nutritionnistes,
- Au-delà de ce qui pourrait ne constituer qu'un ensemble de préférence sans conséquences particulières sur les consommations réelles des enfants, cet idéal est en fait très proche de la réalité du contenu des placards et des réfrigérateurs. Non seulement ce sont en effet les mêmes catégories d'aliments qui sont relevées, mais de plus elles sont relevées dans un ordre qui est généralement le même que celui des préférences des enfants. Enfin les proportions de citations par les enfants sont du même ordre que celles des relevés dans les réfrigérateurs et les placards.
Il y a par conséquent une corrélation très nette entre préférences et consommations alimentaires. Compte tenu des conclusions précédentes sur l'exposition et l'impact de la publicité, nous pouvons affirmer à ce stade que la publicité a non seulement une influence sur les préférences alimentaires, mais aussi sur les consommations des enfants.
Ceci dit ces conclusions se basent sur l'exploitation de la moyenne des réponses aux différentes questions de l'étude, ce qui a pour effet de masquer les hétérogénéités que l'on peut observer dans le détail.
L'INFLUENCE DE LA PUBLICITE
PAR PROFIL DE FAMILLE
Sachant que l'analyse de résultats moyens a pour effet de « lisser » la diversité des comportements, nous avons voulu aller plus loin dans l'analyse en étudiant s'il était possible de faire ressortir des comportements types propres à tel ou tel type de famille.
1. Méthodologie
Les tris croisés ont pour but d'étudier les corrélations existant entre les réponses données aux différentes questions que nous venons de voir.
L'établissement de profils types consiste à regrouper les individus en fonction de leurs réponses. Ceci est particulièrement important dans la mesure où le « consommateur moyen » n'existe pas, et raisonner sur des réponses moyennes a souvent pour effet de gommer des comportements et des attitudes très diverses. S'il existe en vérité une infinité de comportements et d'attitudes individuels, l'exercice consiste à les regrouper selon leurs caractéristiques les plus déterminantes.
La méthodologie « DEMOD » utilisée ici est une méthode de «caractérisation», consistant à mettre en évidence et à hiérarchiser les principales caractéristiques d'une sous-population choisie, en se basant sur des comparaisons de proportions. L'ensemble des critères à disposition est calculé pour un sous-groupe donné et on évalue à l'aide d'un test statistique si l'écart de proportion observé entre le sous-groupe et la population globale est significatif.
Le pouvoir de caractérisation d'un critère est apprécié en fonction de sa « valeur-test » qui peut prendre des valeurs positives ou négatives. Si la valeur-test est positive, cela signifie qu'il y a sur-représentation d'une modalité dans la sous-population par rapport au global. Si la valeur-test est négative, cela indique qu'il y a une sous-représentation de la modalité dans la sous-population par rapport au global. On considère que la différence est significative pour une valeur test supérieure à deux en valeur absolue.
On réalise un regroupement des enquêtés en groupes homogènes au regard de leurs réponses sur un thème choisi ou sur plusieurs questions jugées importantes. Ces groupes sont ensuite décrits en fonction des autres variables restantes (autres que celles prises en compte pour différencier les sous-populations), qui sont des variables illustratives, dans la mesure où elles ne participent pas à la formation des groupes de la typologie mais viennent ensuite les décrire.
2. La catégorie des enfants « téléphages » consomme plus de produits riches en sucres ou en matières grasses
Nous avons tout d'abord réalisé une typologie des profils-type de famille (parents et enfants) en fonction de la relation que les personnes entretiennent avec la télévision et les marques. Pour construire cette typologie, nous nous sommes appuyés sur les variables suivantes (variables déterminantes) :
- Le temps passé devant la télévision,
- La présence ou absence de la télévision dans la chambre,
- Le nombre de publicités vues par l'enfant
- La citation spontanée des marques pour les préférences aux différents moments de consommation,
- La publicité est citée comme raison de préférence des produits alimentaires,
- Les parents jugent que l'enfant est influencé par la télévision,
Le regroupement entre personnes ayant donné des réponses similaires à ces critères permet d'isoler trois classes homogènes :
- Les « forts consommateurs » de télévision et de marques : 30 %
- Les familles « réfractaires » à la publicité :13 %
- Les familles de comportement moyen : 57 %
Nous avons choisi de présenter en détail l'analyse de la classe « forts consommateurs » de télévision et de marques :
a) Le comportement des parents :
Par rapport à la moyenne, on observe plus souvent chez les parents appartenant à ce groupe :
- Des difficultés à résister aux demandes des enfants,
- L'habitude de céder aux enfants parce que ceux-ci insistent trop.
b) Le contenu des placards et des réfrigérateurs :
Dans les familles de la classe « forts consommateurs » de télévision et de marques, on observe plus souvent dans les placards et les réfrigérateurs :
- Une absence de marques de distributeurs
- Une forte proportion de produits trop sucrés ou trop gras
- Une forte proportion de produits de marques
c) Les caractéristiques de population
On note ici une sur-représentation :
- De certaines catégories socio-professionnelles (notamment artisans et commerçants),
- De personnes habitant en appartement (par rapport aux maisons individuelles).
3. Dans la catégorie des placards « gras et sucrés » on retrouve une sur- représentation des familles « téléphages »
Par précaution nous avons établi des profils ou classes homogènes non plus en fonction de la relation que les personnes entretiennent avec la télévision et les marques mais en fonction du contenu des placards et des réfrigérateurs selon les critères suivant :
- Produits ayant un intérêt nutritionnel,
- Produits allégés ou « lights »,
- Produits trop sucrés ou trop gras
- Produits à marque distributeurs,
- Produits de marque.
Nous avons regroupé les familles ayant des proportions proches pour ces variables, ce qui a permis d'isoler 4 classes homogènes :
- Les placards « sucrés et gras » qui comportent beaucoup de produits sans intérêt nutritionnel :23 %
- Les placards « économes », comportant beaucoup de produits MDD et peu de produits de marques :10 %
- Les placards « allégés » qui comportent beaucoup de produits ayant un intérêt nutritionnel et de produits « lights » : 6 %
- Les placards de la catégorie moyenne :55 %
Nous avons choisi de nous concentrer sur l'analyse de la classe correspondant aux placards « gras et sucrés ». Par rapport à la moyenne des placards, on observe :
- Une sur-représentation de parents ouvriers,
- Les parents refusent rarement face aux demandes des enfants,
- Les marques sont citées spontanément de manière plus fréquente par les parents et les enfants,
- La marque est associée à l'idée de qualité.
Plus particulièrement, en terme d'influence de la télévision sur les enfants, on observe que :
- Les enfants passent plus de temps devant la télévision.
- Les enfants réclament très souvent des produits vus à la télévision
- Les parents citent plus souvent la publicité comme raison de préférence des enfants,
- Les parents sont tout à fait d'accord avec l'idée que leurs enfants sont influencés par les publicités
4. Conclusion
Nous retrouvons une cohérence des résultats : que l'on parte des relations des parents et enfants vis à vis de la télévision et des marques ou que l'on parte de la composition des placards, il existe une corrélation entre l'exposition à la publicité télévisée et les comportements alimentaires (contenus des placards).
De plus quel que soit là encore l'angle d'analyse (rapport à la télévision ou analyse des placards) on observe une sur-représentation de catégories socioprofessionnelles précises : ouvriers et artisans. Cela tend à montrer une inégalité des consommateurs face à la pression exercée par la publicité sur les enfants.
Relevé et analyse des publicités télévisées
Nous savons désormais que, du fait de la forte perméabilité des enfants, la publicité a une influence, différenciée selon les profils de familles, mais indéniable sur les consommations des enfants. Dans cette quatrième partie, il s'agit maintenant d'étudier comment l'industrie agroalimentaire utilise ce pouvoir d'influence et quelle orientation nutritionnelle elle donne aux consommations des enfants.
1. Méthodologie
Des programmes télévisés consacrés aux enfants ont été enregistrés sur quatre chaînes nationales (TF1, France 3, France 5 et M6), ainsi que sur une chaîne thématique du câble consacrée aux enfants (Canal J). Les programmes choisis concernent essentiellement des programmes pour jeunes enfants : dessins animés, ainsi que quelques émissions développées spécifiquement pour les jeunes enfants. Mais nous avons également souhaité enregistrer quelques programmes consacrés aux adolescents et pré-adolescents, puisque ceux-ci constituent également la cible de notre observation.
Les enregistrements ont été réalisés pendant deux semaines, avec pour chaque semaine : un jour travaillé, un samedi et un dimanche. Pour les jours de la semaine, les horaires d'enregistrement se répartissent entre le matin avant le départ pour l'école, midi et la fin d'après-midi/début de soirée. Les samedis, les enregistrements concernent la matinée et le début d'après-midi. Pour les dimanches, les programmes du matin, de l'après-midi et de début de soirée ont été sélectionnés.
Au cours de l'ensemble des programmes enregistrés, ont été comptabilisés 723 spots portant sur tous types de produits, alimentaires ou non (Nota : les chiffres sont donnés en additionnant les diffusions successives d'une même publicité).
Nous avons relevé 285 spots portant spécifiquement sur des produits alimentaires, ce qui représente 39 % du total des spots. Parmi ceux-ci , 76 % concernent spécifiquement les enfants, soit du fait du produit lui-même, soit du fait de la présentation adoptée dans le spot.
2. Une écrasante majorité de produits riches en sucre ou en matières grasses
Nous avons considéré que seuls les produits suivants ont un intérêt nutritionnel :
- Les fruits (il s'agit ici de compotes),
- Les produits laitiers contenant moins de 6 % de sucres ajouté et moins de 30 % de matières grasses,
- Les céréales du petit déjeuner ayant moins de 33 % de sucres et moins de 10 % de matières grasses.
En ce qui concerne les gâteaux et les biscuits, par commodité, nous avons considéré de manière arbitraire que les produits avec et sans intérêt nutritionnel se répartissent de manière équitable.
Nous n'avons pas retenu en revanche :
- Les confiseries du fait de leur teneur en sucre élevée,
- La restauration rapide dont le menu « type » est très éloigné des recommandations nutritionnelles,
- Les boissons sucrées,
- Les chips.

Trois catégories d'aliments sans intérêt nutritionnel représentent à elles seules les trois quarts des relevés :
- Avec 32 % des spots relevés, les produits laitiers sucrés constituent la première catégorie représentée. Il s'agit surtout de yaourts ou fromages blancs sucrés, ainsi qu'une proportion notable de spots consacrée à des fromages fondus particulièrement gras,
- Les céréales du petit déjeuner les plus sucrées occupent la deuxième place avec 28 %,
- Les confiseries constituent le troisième groupe cité avec 14 %,
On observe également :
- Une quasi absence des fruits et légumes,
- Au global, l'écrasante majorité (89 %) des produits mis en avant dans les publicités pour enfants ne présente pas d'intérêt nutritionnel
a - Des publicités aux antipodes des recommandations nutritionnelles officielles
PNNS (Programme National Nutrition Santé)
Le tableau ci-dessous compare pour chaque catégorie de produit, les recommandations du PNNS (Programme National Nutrition Santé - 2001), au relevé des publicités :

Sur 9 items, quasiment aucun n'est correctement appliqué, 6 sont peu ou mal respectés (produits céréaliers et laitiers, boissons sucrées, protéines, matières grasses, sel) et 3 sont totalement ignorés (fruits et légumes, eau, produits sucrés).
La pyramide alimentaire
La pyramide alimentaire est une représentation schématique des proportions idéales des différentes classes d'aliments pour une alimentation équilibrée. Elle consiste à placer à la base de la pyramide la catégorie d'aliments qui doit constituer le socle de notre alimentation. Ensuite, on empile successivement vers le haut les autres catégories d'aliments qui devraient représenter une moindre proportion de notre alimentation, aussi bien en terme de quantités que de fréquences, en terminant par celles qui ont le moins d'intérêt nutritionnel.
Les graphiques ci-dessous présentent la pyramide alimentaire de l'U.S. Department of Agriculture (USDA), réactualisée en 2003 (version la plus récente), par rapport aux relevés des spots publicitaires :

On observe :
- La sur-représentation des sucreries et des céréales raffinées.
- La présence trop importante des produits laitiers, et de plus dans des versions particulièrement sucrées ou grasses,
- Une faible présence ou absence d'huiles végétales (d'ailleurs sous la forme de produits gras sans intérêt nutritionnel), de fruits, de céréales complètes, de légumineuses et de noix.
Les produits présentés dans les spots publicitaires sont très clairement en proportion inverse des recommandations de la pyramide USDA 2003.
b - Des arguments nutritionnels sans rapport avec la réalité des produits
L'analyse des scénarii des spots publicitaires permet de donner une vision des argumentaires les plus utilisés.
Analyse des scénarii des spots publicitaires portant sur des aliments
|
Présence des parents |
Action située pendant un repas |
Présence de personnages connus |
---|---|---|---|
En pourcentage du total des spots diffusés pour les produits alimentaires (en nombre de spots) |
16 % |
11 % |
9 % |
|
Intérêt nutritionnel : énergie ou force physique |
Intérêt nutritionnel : autre |
Performance intellectuelle |
---|---|---|---|
En pourcentage du total des spots diffusés pour les produits alimentaires (en nombre de spots) |
32 % |
18 % |
1 % |
- Présence des parents : malgré l'importance des parents dans les comportements alimentaires des enfants, ceux-ci sont peu présents dans les publicités pour les produits alimentaires, avec seulement 16 % de spots diffusés.
- Actions situées pendant un repas : le Programme National Nutrition Santé (PNNS) a rappelé l'importance des quatre principaux repas journaliers, mais dans la pratique, seulement 11 % des spots diffusés présentent l'action dans le cadre d'un repas. L'importance du rythme alimentaire traditionnel n'est donc pas relayée efficacement.
- Présence de personnages connus : il peut s'agir de personnages fictifs ou réels connus des enfants. Or cet argument est globalement assez peu utilisé avec 9 % des spots.
- Arguments d'ordre nutritionnel : c'est l'argument qui est le plus présent, avec 50 % des spots diffusés. Or nous venons de voir que seulement 11 % des spots portent sur des produits ayant un intérêt nutritionnel réel. En clair, dans la plupart des cas, ces arguments nutritionnels sont mensongers au regard des caractéristiques du produit !
Tonus, énergie, force : 32 % des spots reprennent cet argument qui est donc le premier argument publicitaire mis en oeuvre.
On citera par exemple :
- Nutella : « Pour tout ce qu'ils vont faire aujourd'hui » « Il en faut de l'énergie pour être un enfant » - Kinder Country : « Pour les aider à recharger les batteries », « l'énergie qu'il faut pour tous les gourmands »,
- Oeufs en chocolat « Power Rangers » : « l'énergie du chocolat »
Autres intérêts nutritionnels : 18 % des spots reprennent des arguments tels que la faible teneur en sucre ou en matières grasses, la présence de micro nutriments (minéraux, vitamines) ou composés naturels supposés bénéfiques.
On citera par exemple :
- Cacolac (Danone) : qui met en avant la richesse en calcium,
- Gervais aux fruits (Danone) : présence d'un nutritionniste dans le spot,
- Petits filous (Yoplait) : pour « bien grandir ».
3. Conclusion
L'analyse des publicités amène un jugement sans appel : l'écrasante majorité des publicités porte sur des produits ayant peu ou pas d'intérêts nutritionnels, soit du fait de la catégorie d'aliments mise en avant, soit parce que ce sont les produits les plus sucrés d'une catégorie qui sont montrés.
Quant aux argumentaires mis en avant dans les publicités, on relève que la moitié des publicités utilise l'argument nutritionnel sans véritable rapport avec la réalité de la composition des produits.
Conclusion générale
Cette étude a permis de démontrer, mais aussi de mesurer la forte exposition des enfants aux publicités, ainsi que leur impact. Cet impact se traduit aussi bien par une bonne connaissance des spots, que par l'envie de consommer les produits, la préférence donnée aux produits mis en avant dans les publicités ou encore les demandes d'achats adressées par les enfants à leurs parents. C'est en final l'idéal alimentaire des enfants que les publicités vont contribuer à façonner, à travers les marques qu'elles promeuvent.
Quel que soit le moment de consommation étudié, les marques que les enfants réclament spontanément correspondent à des produits qui se révèlent être particulièrement sucrés et/ou gras, produits que nous avons effectivement retrouvés dans les placards et les réfrigérateurs. Cette influence va au-delà de ce qui était démontré dans les études présentées par certains groupes de l'agroalimentaire : la publicité non seulement fait vendre plus d'un produit donné à l'intérieur d'une catégorie d'aliments donnée, mais elle favorise également la consommation de l'ensemble de cette catégorie, au détriment des autres aliments.
L'étude par catégories homogènes de réponses montre que l'on retrouve plus de produits sucrés et gras dans les placards et dans les réfrigérateurs des familles les plus consommatrices de télévision et de marques. Par ailleurs, la sur-représentation de certaines catégories socioprofessionnelles (ouvriers et artisans) dans cette catégorie, tend à montrer une inégalité des consommateurs face à la pression exercée par la publicité sur les enfants.
L'analyse détaillée des spots publicitaires démontre que les publicités promeuvent des marques dont l'écrasante majorité concourt au déséquilibre nutritionnel du fait des teneurs trop importantes en sucre ou matières grasses. En cela, ces marques ne font qu'utiliser l'appétence naturelle et inconsciente du jeune enfant pour les goûts sucrés et les textures grasses. Mais compte tenu de la perméabilité des enfants à ces messages publicitaires, nous pouvons affirmer que l'orientation nutritionnelle que donne ici l'industrie agroalimentaire est d'autant plus défavorable qu'elle s'exerce non seulement sur les consommations à un instant donné, mais qu'elle prolonge bien plus que nécessaire cette appétence naturelle et contribue à installer sur le long terme des habitudes de consommations aux antipodes des recommandations des nutritionnistes.